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La reconquête industrielle

Constats et enjeux

Au troisième trimestre 2021, le taux d’emploi en France a atteint son plus haut niveau, depuis que l’INSEE le mesure, avec des chiffres de création d’emplois particulièrement dynamiques. Cependant, cette situation masque de nombreuses difficultés : industrielles, énergétiques et commerciales. Si la dimension conjoncturelle ne peut pas être ignorée, avec des pénuries de productions essentielles (semi-conducteurs, etc.) ou encore une flambée des prix de l’énergie, ces difficultés doivent être traitées de manière plus structurelle. La CFTC préconise de prendre appui sur les transitions écologiques et digitales en cours pour favoriser la création durable d’emplois de qualité, plus qualifiés et mieux rémunérés. 

La désindustrialisation à l’œuvre depuis les années 80 se répercute très fortement sur notre balance commerciale, qui est chaque année de plus en plus déficitaire, et dont le déficit provient pour une part significative de pays aux modèles sociaux comparables aux nôtres. La France souffre ainsi d’un manque de production locale sur une très large gamme de productions (produits manufacturés tels que les appareils ménagers, certaines productions agroalimentaires, etc.). Côté exportations, le niveau de gamme de nos produits demeure inférieur à celui de pays plus industrialisés comme l’Allemagne ou l’Italie.

Par ailleurs, la transition énergétique, via notamment l’électrification des procédés, et digitale impacte considérablement les perspectives d’emploi de nombreux secteurs, avec de nombreuses opportunités de développement de métiers émergents (nouvelles technologies, métiers verts, etc.), mais également des réallocations difficiles attendues pour certaines filières fortement impactées, comme l’automobile. Dès lors, l’adaptation et la montée en compétences des travailleurs apparaissent primordiales et supposent de repenser l’accès des travailleurs aux dispositifs de formation initiale et professionnelle.

Enfin, les transitions écologique et digitale ne peuvent pas être pensées uniquement à l’échelle locale. Au contraire, la mise en place d’un cadre économique plus loyal et responsable à l’échelle européenne et internationale est nécessaire, si l’on souhaite mettre un terme aux logiques de délocalisation des emplois vers des pays moins disant au plan social et/ou environnemental.

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Quelles pistes de solutions ?

Mettre à profit les transitions au service d’emplois de qualité, plus qualifiés et mieux rémunérés

Pour une réindustrialisation ciblée valorisant la création d’emplois de qualité

Notre industrie est aujourd’hui très en retrait par rapport à nos principaux partenaires européens (Allemagne, Italie, etc.), qui ont pourtant des modèles sociaux proches des nôtres. Cette situation a également des répercussions importantes sur notre souveraineté industrielle, puisque nous sommes particulièrement dépendants du reste du monde pour un certain nombre de produits stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, etc.).

Ce retard français s’explique principalement par des questions de compétitivité hors-prix. En effet, le coût du travail français est désormais très proche de celui de l’Allemagne. Renforcer de nouveau les politiques de réduction du coût du travail, notamment au-delà de 2,5 fois le Smic, ne constitue donc pas la solution la plus efficace au regard du coût pour les finances publiques. À l’inverse de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, les productions manufacturières françaises sont, en revanche, davantage tournées vers des produits de basse ou moyenne gamme, ce qui les rend davantage substituables.

En outre, si l’industrie bénéficie d’un soutien public fort, de l’ordre de 20 Mds d’euros par an, celui-ci est souvent trop peu ciblé, mal évalué et peu lisible pour les acteurs économiques. En conséquence, l’investissement dans la recherche et développement reste inférieur en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.  L’impact de certains dispositifs, tels que le crédit d’impôt recherche, est parfois très modéré sur les activités de recherche et développement, alors même que le coût pour les finances publiques est significatif.

Enfin, l’industrie compte un nombre important d’offres d’emplois non pourvues (75 000 postes environ) : cette situation s’explique notamment du fait de l’inadéquation entre les compétences des actifs et les niveaux de qualification attendus.

Fort de ces constats, la CFTC plaide pour une stratégie nationale de reconquête industrielle ciblée sur les secteurs les plus porteurs en matière de création d’emplois de qualité. Un ciblage qui devrait aussi tenir compte de la présence d’une capacité productive compétitive, d’une base technologique solide ou encore du degré d’importance pour l’autonomie stratégique. Le développement des technologies de pointe (hydrogène vert, technologies quantiques, etc.), la numérisation (robotique, etc.) et la décarbonation de l’industrie (recyclage des métaux rares, etc.) devraient constituer d’autres critères de choix.

Parce qu’une politique de « saupoudrage » des soutiens s’avère aussi inefficace que coûteuse, la CFTC préconise de concentrer les moyens financiers autour de ces grandes priorités. Pour ce faire, l’évaluation des politiques de soutien public aux entreprises industrielles doit être particulièrement renforcée ex ante et ex post afin d’identifier les effets de ces politiques de soutien en matière d’emploi et d’investissement (recherche et développement, décarbonation, etc.) tout au long de leur mise en œuvre.

Pour une montée en gamme opérationnelle et technologique dans l’ensemble des secteurs économiques

Comme dans l’industrie, l’ensemble des secteurs économiques (santé, agriculture, sport, énergie, etc.) est concerné par les transitions écologique et numérique, ce qui a des répercussions importantes sur les compétences métiers.  L’investissement des entreprises pour y faire face progresse mais reste à certains égards insuffisant. Seule une minorité d’entreprises prévoit d’investir dans la transition énergétique en 2022.

Par ailleurs, la question des transitions professionnelles, via la formation et le développement des compétences, constitue un vecteur de développement des métiers émergents (verts, etc.) et de sécurisation des parcours professionnels. L’effort à accomplir est massif et urgent car il existe encore un écart important entre ces nouveaux besoins en compétences et celles actuellement maîtrisées par les actifs. Cela constitue un enjeu de dialogue social majeur pour la CFTC, dans les négociations nationales, de branche et d’entreprise, afin de convertir les craintes suscitées par ces transitions en opportunités.

Pour redynamiser l’emploi, notre organisation estime qu’il est primordial d’accentuer nos efforts en matière de montée en gamme des produits et services, incluant également les services publics. En particulier, la CFTC estime qu’il ne faut pas opposer pouvoir d’achat et montée en gamme. Au contraire, la montée en gamme implique une montée en compétence des travailleurs. Les travailleurs doivent donc être à terme mieux formés, plus qualifiés donc mieux rémunérés, ce qui leur permettrait d’assumer les hausses de prix résultant de la montée en gamme.

Pour encourager l’investissement dans les compétences et dans les transitions écologique et digitale, la CFTC propose que les aides publiques soient davantage conditionnées au respect de critères objectifs tenant notamment au développement de l’emploi, aux conditions de travail ou encore à l’investissement des entreprises dans la recherche ou dans le développement des compétences des salariés, etc. Des systèmes de bonus-malus pourraient être développés : le montant des aides perçues par les entreprises à l’année n+1, pourrait être en partie fonction des résultats observés en matière d’investissement à l’année n.

La CFTC préconise également d’accentuer les efforts dans la lutte contre l’illectronisme, notamment via la promotion de la certification « CléA numérique » au niveau national et européen, pour faire en sorte que la transition numérique, qui affecte toutes les entreprises, soit conduite de manière plus inclusive pour les salariés et les demandeurs d’emploi.

La CFTC propose enfin d’anticiper davantage les futurs besoins de main-d’œuvre. Premièrement, grâce aux outils de la Formation Professionnelle Continue, qu’ils soient individuels ou collectifs (notamment Transco[1]), en formant les personnes dont l’emploi est impacté par ces évolutions vers les métiers porteurs (numérique, transitions écologiques …), créant ainsi un vivier de compétences correspondant aux nouveaux besoins du marché du travail. Deuxièmement, grâce au dialogue social, dans le cadre notamment des accords de Gestion des emplois et des parcours professionnels et de Qualité de vie au travail, afin de renforcer la stratégie prévisionnelle d’anticipation des entreprises.

[1] Transitions collectives

Pour un mix énergétique équilibré, valorisant à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire, y compris de nouvelle génération

Conformément à nos objectifs de décarbonation et dans le cadre de la transition énergétique, les investissements attendus sont très importants (rénovation des bâtiments, etc.). Le prix de l’électricité est donc amené à augmenter à la fois pour les ménages et les entreprises, alors même que le prix de l’électricité est traditionnellement l’un des avantages compétitifs majeurs de l’industrie française par rapport à nos voisins européens.

En l’état des débats actuels, l’électrification d’une grande partie de notre économie suppose de développer l’ensemble des énergies décarbonnées disponibles, c’est-à-dire à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire de nouvelle génération.

Par ailleurs, l’augmentation des prix de l’électricité pourrait être à priori plus faible dans le cadre d’un mix énergétique équilibré, avec une part importante de nucléaire, y compris de nouvelle génération (EPR). En conséquence, les possibilités de réindustrialisation de notre pays apparaissent plus fortes dans le cadre d’un mix énergétique équilibré, ce qui a des répercussions importantes sur les perspectives de création d’emplois, notamment dans l’industrie.

Au regard de ces différents éléments, la CFTC soutient une politique énergétique tournée vers un mix équilibré, valorisant à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire de nouvelle génération. 

Garantir un cadre économique plus loyal pour lutter contre le dumping social et environnemental

Les transitions écologique et numérique nécessitent d’être pensées à l’échelle européenne et internationale, afin de faire converger les réglementations sociales et environnementales vers le mieux-disant, par exemple en matière d’utilisation des produits phytosanitaires. À l’heure actuelle, les pratiques de dumping social et/ou environnemental sont susceptibles de pénaliser fortement les créations d’emploi en lien avec les transitions numérique et écologique.

À titre d’exemple, si une large majorité de pays européens dispose d’un salaire minimum, les disparités entre ces salaires sont importantes : même en pondérant le niveau des salaires avec le coût de la vie au sein de chaque État, le rapport entre les salaires minimums s’établit de 1 à 3.

En conséquence, notre organisation recommande la mise en place de mécanismes d’ajustement aux frontières de l’UE tenant compte des critères sociaux et environnementaux.

Dans une logique de progrès social, la CFTC soutient la création d’un salaire minimum adéquat au niveau européen, au moins égal à 50 % du salaire moyen et 60 % du salaire médian.

La CFTC défend la pleine mise en œuvre, d’ici 2030, des objectifs tenant au socle européen des droits sociaux, en matière d’emploi, de formation et de lutte contre la pauvreté. Notre organisation préconise à ce titre de développer des systèmes d’alerte et des recommandations aussi bien au niveau européen et dans chacun des pays membres pour l’échelon national, si ces objectifs ne sont pas en bonne voie à l’horizon 2023-2024.

La CFTC propose également la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE, en association avec l’ensemble des acteurs et secteurs concernés, pour appliquer aux biens importés les mêmes niveaux d’exigence qu’aux biens produits localement.

Enfin, la CFTC soutient un renforcement du devoir de vigilance des entreprises à la fois au plan national et international. Ce devoir de vigilance doit être à la fois social (conditions de travail et de vie, travail des enfants, etc.) mais aussi écologique (émissions carbones, déforestations, etc.).

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