Pour une réindustrialisation ciblée valorisant la création d’emplois de qualité
Notre industrie est aujourd’hui très en retrait par rapport à nos principaux partenaires européens (Allemagne, Italie, etc.), qui ont pourtant des modèles sociaux proches des nôtres. Cette situation a également des répercussions importantes sur notre souveraineté industrielle, puisque nous sommes particulièrement dépendants du reste du monde pour un certain nombre de produits stratégiques (semi-conducteurs, médicaments, etc.).
Ce retard français s’explique principalement par des questions de compétitivité hors-prix. En effet, le coût du travail français est désormais très proche de celui de l’Allemagne. Renforcer de nouveau les politiques de réduction du coût du travail, notamment au-delà de 2,5 fois le Smic, ne constitue donc pas la solution la plus efficace au regard du coût pour les finances publiques. À l’inverse de l’Allemagne ou du Royaume-Uni, les productions manufacturières françaises sont, en revanche, davantage tournées vers des produits de basse ou moyenne gamme, ce qui les rend davantage substituables.
En outre, si l’industrie bénéficie d’un soutien public fort, de l’ordre de 20 Mds d’euros par an, celui-ci est souvent trop peu ciblé, mal évalué et peu lisible pour les acteurs économiques. En conséquence, l’investissement dans la recherche et développement reste inférieur en France par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. L’impact de certains dispositifs, tels que le crédit d’impôt recherche, est parfois très modéré sur les activités de recherche et développement, alors même que le coût pour les finances publiques est significatif.
Enfin, l’industrie compte un nombre important d’offres d’emplois non pourvues (75 000 postes environ) : cette situation s’explique notamment du fait de l’inadéquation entre les compétences des actifs et les niveaux de qualification attendus.
Fort de ces constats, la CFTC plaide pour une stratégie nationale de reconquête industrielle ciblée sur les secteurs les plus porteurs en matière de création d’emplois de qualité. Un ciblage qui devrait aussi tenir compte de la présence d’une capacité productive compétitive, d’une base technologique solide ou encore du degré d’importance pour l’autonomie stratégique. Le développement des technologies de pointe (hydrogène vert, technologies quantiques, etc.), la numérisation (robotique, etc.) et la décarbonation de l’industrie (recyclage des métaux rares, etc.) devraient constituer d’autres critères de choix.
Parce qu’une politique de « saupoudrage » des soutiens s’avère aussi inefficace que coûteuse, la CFTC préconise de concentrer les moyens financiers autour de ces grandes priorités. Pour ce faire, l’évaluation des politiques de soutien public aux entreprises industrielles doit être particulièrement renforcée ex ante et ex post afin d’identifier les effets de ces politiques de soutien en matière d’emploi et d’investissement (recherche et développement, décarbonation, etc.) tout au long de leur mise en œuvre.
Pour une montée en gamme opérationnelle et technologique dans l’ensemble des secteurs économiques
Comme dans l’industrie, l’ensemble des secteurs économiques (santé, agriculture, sport, énergie, etc.) est concerné par les transitions écologique et numérique, ce qui a des répercussions importantes sur les compétences métiers. L’investissement des entreprises pour y faire face progresse mais reste à certains égards insuffisant. Seule une minorité d’entreprises prévoit d’investir dans la transition énergétique en 2022.
Par ailleurs, la question des transitions professionnelles, via la formation et le développement des compétences, constitue un vecteur de développement des métiers émergents (verts, etc.) et de sécurisation des parcours professionnels. L’effort à accomplir est massif et urgent car il existe encore un écart important entre ces nouveaux besoins en compétences et celles actuellement maîtrisées par les actifs. Cela constitue un enjeu de dialogue social majeur pour la CFTC, dans les négociations nationales, de branche et d’entreprise, afin de convertir les craintes suscitées par ces transitions en opportunités.
Pour redynamiser l’emploi, notre organisation estime qu’il est primordial d’accentuer nos efforts en matière de montée en gamme des produits et services, incluant également les services publics. En particulier, la CFTC estime qu’il ne faut pas opposer pouvoir d’achat et montée en gamme. Au contraire, la montée en gamme implique une montée en compétence des travailleurs. Les travailleurs doivent donc être à terme mieux formés, plus qualifiés donc mieux rémunérés, ce qui leur permettrait d’assumer les hausses de prix résultant de la montée en gamme.
Pour encourager l’investissement dans les compétences et dans les transitions écologique et digitale, la CFTC propose que les aides publiques soient davantage conditionnées au respect de critères objectifs tenant notamment au développement de l’emploi, aux conditions de travail ou encore à l’investissement des entreprises dans la recherche ou dans le développement des compétences des salariés, etc. Des systèmes de bonus-malus pourraient être développés : le montant des aides perçues par les entreprises à l’année n+1, pourrait être en partie fonction des résultats observés en matière d’investissement à l’année n.
La CFTC préconise également d’accentuer les efforts dans la lutte contre l’illectronisme, notamment via la promotion de la certification « CléA numérique » au niveau national et européen, pour faire en sorte que la transition numérique, qui affecte toutes les entreprises, soit conduite de manière plus inclusive pour les salariés et les demandeurs d’emploi.
La CFTC propose enfin d’anticiper davantage les futurs besoins de main-d’œuvre. Premièrement, grâce aux outils de la Formation Professionnelle Continue, qu’ils soient individuels ou collectifs (notamment Transco[1]), en formant les personnes dont l’emploi est impacté par ces évolutions vers les métiers porteurs (numérique, transitions écologiques …), créant ainsi un vivier de compétences correspondant aux nouveaux besoins du marché du travail. Deuxièmement, grâce au dialogue social, dans le cadre notamment des accords de Gestion des emplois et des parcours professionnels et de Qualité de vie au travail, afin de renforcer la stratégie prévisionnelle d’anticipation des entreprises.
[1] Transitions collectives
Pour un mix énergétique équilibré, valorisant à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire, y compris de nouvelle génération
Conformément à nos objectifs de décarbonation et dans le cadre de la transition énergétique, les investissements attendus sont très importants (rénovation des bâtiments, etc.). Le prix de l’électricité est donc amené à augmenter à la fois pour les ménages et les entreprises, alors même que le prix de l’électricité est traditionnellement l’un des avantages compétitifs majeurs de l’industrie française par rapport à nos voisins européens.
En l’état des débats actuels, l’électrification d’une grande partie de notre économie suppose de développer l’ensemble des énergies décarbonnées disponibles, c’est-à-dire à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire de nouvelle génération.
Par ailleurs, l’augmentation des prix de l’électricité pourrait être à priori plus faible dans le cadre d’un mix énergétique équilibré, avec une part importante de nucléaire, y compris de nouvelle génération (EPR). En conséquence, les possibilités de réindustrialisation de notre pays apparaissent plus fortes dans le cadre d’un mix énergétique équilibré, ce qui a des répercussions importantes sur les perspectives de création d’emplois, notamment dans l’industrie.
Au regard de ces différents éléments, la CFTC soutient une politique énergétique tournée vers un mix équilibré, valorisant à la fois les énergies renouvelables et le nucléaire de nouvelle génération.