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Pouvoir d’achat : vivre dignement de son salaire

Constats et enjeux

La question du pouvoir d’achat n’est pas nouvelle alors même que les décennies précédentes ont été marquées par une inflation relativement faible : entre 1997 et 2017, le salaire net moyen n’a augmenté que de 0,6 % tandis que sur la même période l’inflation s’est accrue en moyenne à 1,4 % par an. Cette situation résulte de la politique d’emploi axée sur la baisse du coût du travail, menée depuis les années 90.

L’État incite, en effet, les entreprises à embaucher à bas salaire via une politique de baisse du coût du travail au niveau du salaire minimum. À cela s’ajoute, côté salarié, la mise en place d’aides directes pour les salariés pauvres à l’image de la prime d’activité. Ces mesures ont donc encouragé le développement d’emplois à bas salaires susceptibles de se transformer en « trappe » pour les salariés concernés. En outre, les nombreuses réformes de l’assurance chômage ont conduit à renforcer les incitations pour les chômeurs et les inactifs à accepter des emplois faiblement rémunérés. La boucle est bouclée.

Néanmoins, les revendications salariales se sont récemment multipliées : la crise sanitaire a mis en lumière ces salariés indispensables aux conditions de travail alarmantes. Le contexte s’y prête naturellement : les tensions inflationnistes ont réveillé les craintes de tous les salariés sur leur pouvoir d’achat. Il faut noter qu’en l’espace d’un an, la progression des prix est passée de 0 % à +2,8 % entre décembre 2020 et décembre 2021, soit son plus haut niveau depuis 2008. Sur la même période les salaires n’ont progressé que de 1,7 %, sous l’effet du rattrapage après la période de confinement.

Étant donné que la décennie à venir sera probablement marquée par le retour durable de l’inflation, les problématiques autour du pouvoir d’achat feront l’objet de fortes tensions sociales. D’autant plus que les effets de ce changement d’ère se font d’ores et déjà ressentir : d’après les récentes estimations, le pouvoir d’achat des ménages reculerait nettement au premier trimestre 2022 (-1,0 %). De l’aveu même des principaux instituts statistiques, il est à craindre que ces prévisions soient, en réalité, sous-estimées.

Dans ce contexte, à la question « Peut-on vivre de son salaire ? » la réponse est clairement « non ». Pour la CFTC, trois leviers sont actionnables, afin que tout salarié puisse vivre dignement de son salaire :

  • – tout d’abord, la rémunération négociée au sein de l’entreprise doit résulter d’un partage équitable de la valeur ajoutée ;
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  • – ensuite, l’État doit garantir non seulement que le Smic soit appliqué partout, que ce salaire minimum permette de vivre dignement, mais il doit également garantir une certaine protection des salariés travaillant dans les entreprises en difficulté ;
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  • – enfin, une action plus large au niveau de la société doit être entreprise afin de combattre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.
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Quelles pistes de solutions ?

Actions au niveau des entreprises : partage de la valeur équitable

La gestion actuelle de certaines entreprises est paradoxale : soumis à une exigence de rentabilité rapide, certains dirigeants en négligent la pérennité de leur entreprise tandis que les salariés, qui ont tout intérêt à cette pérennisation, n’ont que peu de poids dans les décisions stratégiques. Cela se traduit notamment par un net recul des négociations salariales, ou encore par des écarts injustifiés de rémunérations.

Il a été frappant d’observer le comportement de certaines entreprises durant la crise sanitaire : alors qu’elles recevaient des aides publiques pour surmonter la crise, certaines en ont profité pour accroître les dividendes versés à leurs actionnaires en oubliant délibérément les salariés et l’investissement. Ce type d’attitude ravive le débat sur le rôle et la place des entreprises.

La CFTC considère que tout salarié doit vivre dignement de son travail : le salaire n’est pas qu’un coût de production, il révèle aussi un certain respect du contrat social et des salariés. C’est pourquoi, la CFTC estime que le partage équitable de la valeur ne saurait reposer uniquement sur la participation : la CFTC propose que chaque accord d’épargne salariale s’accompagne d’une politique volontariste d’accroissement des salaires sur toute la grille salariale. De même, toute distribution de dividendes aux actionnaires doit s’accompagner automatiquement d’une revalorisation salariale.

La CFTC appelle à systématiquement privilégier les augmentations de salaires aux distributions de primes exceptionnelles. Ainsi, une entreprise ayant recours à l’octroi de primes deux années consécutives en lieu et place d’une revalorisation des salaires, devra prévoir des mesures de hausse de la grille salariale l’année suivante, sauf en cas de difficultés économiques avérées. De plus, la CFTC rappelle que les primes exceptionnelles, tout comme les produits d’épargne salariale, étant exonérés de cotisations sociales, ne permettent pas de créer des droits à la retraite.

La CFTC plaide en faveur de l’instauration d’un écart de rémunération maximale au sein de chaque entreprise. Cet écart de rémunération devra varier en fonction de divers critères (taille de l’entreprise, secteurs, taux d’augmentation des dividendes et de la rémunération des dirigeants, etc.).

La définition de ces critères ainsi que l’écart de rémunération devront faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux. Renforcer une communauté de travail digne et participative par le rôle accru des représentants des salariés dans les processus de décisions.

Bien qu’il ne s’agisse pas du seul levier de l’accroissement du pouvoir d’achat, la participation doit être plus facilement mobilisée au sein des entreprises. Afin de partager plus largement les bénéfices, la CFTC propose d’abaisser le seuil rendant obligatoire la mise en place de la participation à 11 salariés. La CFTC estime qu’il est également nécessaire d’assouplir les règles de calcul des effectifs éligibles à la participation devenus extrêmement complexes.

La CFTC estime qu’il est indispensable d’augmenter le nombre de représentants des salariés dans les conseils d’administration. Avec deux salariés pour un conseil d’administration d’au moins 8 membres, leur présence est encore trop insuffisante pour rééquilibrer les pouvoirs en entreprise. Or, l’enjeu est d’établir un contre-pouvoir raisonnable, conseillant au mieux les dirigeants opérationnels, dans un collectif de travail cohérent, solide, critique mais solidaire. Cela permettrait en outre de lutter contre le phénomène d’isolement et rendre leur mandat efficient.

Action au niveau de l’État

L’État détient un levier puissant pour lutter contre la pauvreté laborieuse : le Smic !  Néanmoins, 22 % des branches du secteur général présentent encore un premier coefficient inférieur à la valeur du Smic : parmi elles, 41 % sont dans une situation de non-conformité depuis deux ans fragilisant d’autant plus des millions de salariés. Par ailleurs, la crise sanitaire a accentué l’effet trompe l’œil qu’induit la prime d’activité : lors de suspension ou de rupture du contrat de travail, les salariés ont vu leur rémunération baisser, seul le salaire de référence servant à calculer les droits sociaux.

Enfin, l’État a le pouvoir de rééquilibrer les accords de performance collective (APC) pour les salariés, en faisant évoluer ce cadre légal pour le rendre plus protecteur.

Pour la CFTC, il est urgent que l’État, en tant que garant de la lutte contre la pauvreté et de l’exclusion sociale, accorde un réel « coup de pouce » à la revalorisation du Smic afin de garantir la dignité des salariés. La question de la préservation du pouvoir d’achat restera une question centrale au cours de la prochaine décennie : le Smic ne peut continuellement courir après l’inflation sans aggraver la fracture sociale de notre pays et d’en fragiliser sa cohésion. Dans cette même logique, la CFTC demande un dégel du point d’indice pour la fonction publique dès 2022.

La CFTC considère que le rôle de l’État est de s’assurer de l’application du salaire minimum. D’une part, les sanctions pour non-conformité devraient être automatiquement appliquées aux branches concernées. De même, les aides publiques devraient être conditionnées à la conformité des branches au Smic depuis deux ans. D’autre part, les minimas de branche devraient être majorés automatiquement avec la revalorisation du Smic : la CFTC propose que toute revalorisation du Smic s’accompagne rapidement de l’ouverture (ou réouverture) des négociations dans l’ensemble des branches professionnelles. Ces dernières ne devront pas se limiter à la mise en conformité avec le Smic des plus bas salaires. Elles devront viser l’accroissement des salaires sur toute la grille salariale.

La CFTC conteste cette idée reçue que la prime d’activité a été plus efficace pour diminuer la pauvreté qu’une hausse du salaire minimum. Surtout, la CFTC s’oppose à la confusion entre le régime de solidarité et le régime contributif. L’enjeu de la lutte contre la pauvreté laborieuse mérite, en effet, mieux que les déclarations de supposés experts déconnectés de la réalité du quotidien de millions de salariés. N’oublions pas que les salariés au Smic soutenus par la prime d’activité aujourd’hui seront des retraités pauvres demain.

La CFTC propose de rendre le cadre légal des accords de performance collective (APC) plus protecteur pour les salariés. Ces accords particuliers peuvent comporter des stipulations défavorables aux salariés visant à aménager la durée du travail, la rémunération, et imposer de la mobilité géographique ou professionnelle interne à l’entreprise. Le rééquilibrage de ces accords ne peut se faire qu’en rendant obligatoire certaines clauses, telles que la clause de retour à meilleure fortune, la garantie d’emploi, les efforts proportionnels des actionnaires ou dirigeants.

Action sociétale : renforcer l’égalité Femmes/Hommes

Encore aujourd’hui, être une femme conditionne à la fois le métier, la rémunération, le type de contrat ou encore la durée de travail de son emploi. Les chiffres sont accablants. L’écart de revenus, qu’il s’agisse des salaires, des retraites ou sur le capital est de l’ordre de 25 à 28 % entre les femmes et les hommes. Le temps partiel subi concerne une femme sur cinq et moins d’un homme sur vingt. Sur 87 familles professionnelles répertoriées seulement 18 % sont considérées comme mixtes. Ces écarts, relevant de la discrimination pure et inacceptable, vont à l’encontre du principe « un salaire égal pour un travail de valeur égale » inscrit dans la loi depuis 1972. 

Mieux comprendre les inégalités économiques liées aux discriminations de sexe et leur impact dans le monde du travail devient indispensable pour lutter contre ces inégalités profondément ancrées.

La CFTC propose de rendre plus transparente et pertinente la méthode de calcul de l’index de l’égalité professionnelle et de renforcer les contrôles de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarité (Dreets). Elle propose également de rendre obligatoire la publication de cet index aux entreprises à partir de 11 salariés contre 50 actuellement. En cas de note inférieure à 75 points/100, la CFTC propose de ramener la mise en place de mesures correctrices à un an (contre 3 ans actuellement). Le montant des sanctions financières devrait s’élever à 1 % de la masse salariale au minimum (non maximum).

Par ailleurs, l’index est trop laxiste sur l’indicateur des écarts de rémunération : il s’agit d’une auto évaluation qui permet de retrancher un « seuil de tolérance » de 5 % à l’écart réel. Pour la CFTC, il faudrait supprimer ce seuil pour obtenir les chiffres réels.

De plus, des mesures correctrices devraient immédiatement être engagées si l’entreprise n’obtient pas 40 points à l’indicateur « écart de rémunération » (enveloppe de rattrapage, budget équité, etc.).

La CFTC propose d’instaurer un indicateur sur les rémunérations F/H à l’embauche, sur les différences de montants d’augmentations individuelles F/H, sur la part F/H dans les plus basses rémunérations.

La CFTC propose que le rattrapage salarial des femmes rentrant d’un congé de maternité soit étendu à d’autres types de congés : congé parental d’éducation, congé de présence parentale, congé de solidarité familiale et congé de proche aidant, plus souvent pris par les femmes.

À l’instar de ce qui existe pour les CDD, la CFTC propose d’instaurer une taxe forfaitaire due par les entreprises employant une majorité de salariés à temps partiel, tout en utilisant de façon régulière des heures complémentaires et supplémentaires. Cette taxe permettrait de financer une prime de précarité mensuelle allouée aux salariés à temps partiel subi.

La CFTC réclame depuis longtemps déjà une revalorisation des métiers de la petite enfance, du social et du soin en général (aussi appelé « care »). Cette revalorisation doit aller de pair avec une révision des grilles de classification reposant sur des critères précis et objectifs. Il est urgent et essentiel que chaque branche professionnelle respecte enfin son obligation quinquennale de négociation et analyse, sans aucun biais de sexe, toutes les compétences requises pour chaque métier de la branche concernée. Assurer un rééquilibrage aussi objectif que possible, c’est le seul levier efficace contre la ségrégation professionnelle des femmes. De plus, cela permettrait une plus grande mixité des métiers et une revalorisation des métiers dits « féminins ».

Encourager les opérateurs publics et privés à préserver la qualité de leur parc et de leur logement

Les opérateurs sociaux sont globalement en pointe en matière d’entretien et d’amélioration de leur parc de logements et il faut veiller à ce que cet effort soit maintenu sans que l’incidence pour les nouveaux locataires soit trop pénalisante au plan financier. Les salariés accédants sont naturellement moins enclins à maintenir la qualité de leur logement. C’est pourtant pour eux un enjeu majeur en termes de sécurité financière (performance énergétique, préservation du pouvoir d’achat des retraités), et de transmission intergénérationnelle.

La CFTC propose de :

  • – stabiliser les dispositifs d’aide à la rénovation (MaPrimeRénov) sur une durée au moins égale à 10 ans ;
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  • – territorialiser les dispositifs afin de responsabiliser les élus locaux et d’éviter le sentiment de délaissement relatif de certains territoires, en assurant un équilibre social à l’échelle du territoire ;
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  • – supprimer le caractère punitif de la fiscalité locale en n’augmentant pas la valeur locative des biens objets de travaux d’amélioration lourde de la performance énergétique et environnementale.
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