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Emploi et territoires

Constats et enjeux

La fracture territoriale de l’emploi en France est très forte, et supérieure à celle des pays européens voisins : on relevait en 2019 un écart de 25 points entre le taux d’emploi de la région la plus dynamique et celui de la moins bien lotie, et de 13,1 points, si on se limite à la France métropolitaine. 

La désertification économique de certains territoires, notamment ceux particulièrement touchés par la désindustrialisation, s’est en effet accompagnée de difficultés en matière d’emploi que les politiques publiques peinent à résorber. S’en suivent le plus souvent des difficultés d’accès aux services publics qui sont en recul ou disparaissent à mesure que l’activité économique décroit.

Les métropoles concentrent l’activité économique et l’emploi, témoignant ainsi d’une forte attractivité.

Si l’on peut constater un phénomène d’irrigation vers les couronnes périphériques, celui-ci va difficilement au-delà et l’intérieur des territoires n’en profite pas.

Par ailleurs, ce phénomène de métropolisation a son revers. Les grandes villes sont le lieu de fortes tensions immobilières. Elles génèrent une mobilité pendulaire conduisant les transports en commun et réseaux routiers proches à saturation. La dégradation des conditions d’habitat et plus généralement de vie au sein des métropoles a d’ailleurs expliqué l’élan des urbains à les quitter depuis la crise sanitaire.

La CFTC ne saurait se satisfaire de cette dualité de situations qui place d’un côté, des personnes qui font le choix contraint de rester dans le « chaudron urbain » comme résultante d’un chantage à l’emploi, et de l’autre, des personnes qui connaissent un sentiment de déclassement parce que l’emploi et les services publics ont déserté leur lieu de vie.

Pour la CFTC, il est essentiel de rompre avec cette dynamique de concentration en milieu urbain car elle met à l’épreuve le vivre ensemble. Il y a donc ici un évident enjeu d’aménagement du territoire. Il faut ainsi cesser de voir les métropoles comme les seuls piliers de l’activité économique où tout doit converger et de compter sur un ruissellement dont les effets sont limités. Pour la CFTC, il convient de s’appuyer particulièrement sur les villes moyennes pour déployer l’emploi partout afin d’assurer une répartition équilibrée des ressources et des activités et d’assurer une cohésion territoriale. Ce déploiement ne saurait se régler sans l’implication des entreprises et le plein investissement des acteurs locaux qui disposent d’outils dont ils doivent se saisir davantage.

Fait majeur des soixante-dix dernières années, la mobilité crée de nouvelles opportunités pour l’économie et pour les travailleurs. En 1950, les Français ne parcouraient en moyenne que 5 kilomètres par jour contre 45 aujourd’hui. Cette évolution n’est pas, en soi, une mauvaise chose. Elle exprime de nouvelles façons de vivre et de travailler, une transformation de l’activité productrice, une ouverture des territoires, une propension au désenclavement.

L’aménagement du territoire, le déploiement des infrastructures et des moyens de transport accompagnent utilement cette évolution.  Mais pour que les salariés puissent individuellement se saisir de ces opportunités, ils doivent être accompagnés.

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Quelles pistes de solutions ?

S’appuyer sur les villes moyennes

La CFTC a relevé avec intérêt les récents travaux de France stratégie qui mettent en exergue le rôle stratégique que peuvent jouer les villes moyennes dans l’aménagement du territoire. Ces dernières ont pu bénéficier des changements de trajectoires observés depuis le début de la crise sanitaire.

Pour que ces villes moyennes puissent bénéficier d’une attractivité renouvelée, elles doivent réunir un certain nombre de déterminants : un accompagnement local de qualité et réactif pour l’implantation d’entreprises, une accessibilité accrue (autoroutes, transports en commun), un niveau de services satisfaisant (offre de santé, d’éducation, réseaux numériques…).

La CFTC préconise de concentrer les efforts en matière d’aménagement du territoire autour de villes dites « moyennes », comptant quelques dizaines de milliers d’habitants et situées entre les métropoles et les zones rurales. Le soutien à l’activité économique et à l’implantation des services publics essentiels doit être davantage ciblé en tenant compte des caractéristiques de vulnérabilités de chacun des territoires.

Nous proposons l’instauration d’une garantie portant sur l’établissement à l’échelle locale via les villes moyennes, d’une base minimum d’équipements et de services, à la fois en termes de niveau et de qualité (commerces de proximité, infrastructures numériques, etc.) grâce à un plan d’investissement associant l’État et les collectivités locales.

Renforcer l’adéquation entre offre et demande sur le marché du travail local

L’appariement sur le marché du travail local demeure encore insuffisant dans les territoires périphériques. La priorité des entreprises ne doit plus résider dans la diminution du coût du travail mais dans cette rencontre entre offre et demande d’emploi. Pour cela, elles doivent mobiliser davantage les outils de gestion personnelle qui leur sont proposés et pourraient être davantage appuyés dans leurs recrutements.  Au-delà de l’entreprise, les réponses aux besoins des zones géographiques précises doivent être trouvées plus facilement via l’implication des différents acteurs locaux et la gestion territoriale de l’emploi.

Des dispositifs de gestion du personnel que les entreprises doivent mobiliser davantage

Les différents dispositifs de gestion du personnel, tels que le prêt de main d’œuvre et les groupements d’employeur sont trop peu utilisés par les entreprises par manque d’information et d’appui juridique et opérationnel des services de l’État. Pendant la crise, malgré les assouplissements, les entreprises ont préféré recourir à l’activité partielle ou bien aux plans de départ. La crise a contraint à changer de regard : dans certains territoires, des entreprises de secteurs différents ont su coopérer entre elles pour organiser la production ou l’acheminement, pour gérer aux niveaux des territoires les emplois et les compétences, ce qui est inédit en France. Ce qui a pu être possible du fait de la crise doit s’inscrire dans la durée.

Pour éviter les réductions d’effectifs, la CFTC appelle à accroître les dispositifs de gestion du personnel, de droit commun et expérimentaux, qui conjuguent l’adaptation des effectifs aux exigences du marché du travail avec le besoin de sécuriser les parcours des travailleurs peu qualifiés ou à temps très partiel  ou l’embauche en CDI, particulièrement les groupements d’employeurs, les 170 groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GIEQ) et leur 271 implantations sur le territoire en 2020.

Mieux accompagner les entreprises dans leurs recrutements

L’échec d’appariement entre offre et demande d’emploi est notamment dû à la difficulté de réussir le recrutement. Lorsqu’il y a à la fois des tensions et des difficultés de recrutement, l’écart provient notamment d’inefficience dans les pratiques de recrutement ou de recherche, et d’un manque d’informations sur les offres et les demandes. Les entreprises ont toujours peiné à gérer et à réussir leurs recrutements. Moins une entreprise recrute, plus ses recrutements se soldent par un échec. Aussi le problème se pose de façon plus aigüe pour les petites entreprises. Les entreprises n’ont pas seulement besoin de soutien économique mais aussi de soutien stratégique.

 

La CFTC propose de mieux outiller et de mieux accompagner chaque entreprise dans ses méthodes et processus de recrutement. Pour ce faire, il faut améliorer les statistiques sur les pratiques de gestion de la main-d’œuvre et de recrutement en identifiant comment sont « alimentés » les métiers et les secteurs en candidats. Il faut aussi appuyer le recrutement via la nouvelle aide au diagnostic RH des OPérateurs de COmpétences (OPCO) et les nouveaux conseillers entreprise Pôle emploi.

 

L’importance d’une gestion territoriale de l’emploi

La gestion des compétences et des ressources humaines n’est pas le domaine réservé des entreprises. Les territoires ou bassins d’emploi constituent également des lieux appropriés, notamment pour aborder les questions relatives à la qualité des emplois et aux mobilités professionnelles.

Sur un mode défensif, la gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC) permet une anticipation partagée des restructurations sur un bassin d’emploi. De façon plus offensive, elle permet d’identifier et améliorer les processus de recrutement et de gestion de main-d’œuvre propres à chaque secteur et territoire, particulièrement pour les entreprises de moins de 50 salariés. Elle doit enfin favoriser la mise en place d’une politique de développement des compétences propre à une zone géographique déterminée.

Bien qu’il existe de multiples expérimentations en matière de gestion territoriale des emplois et des compétences, un certain flou demeure encore sur les finalités, les enjeux et les modalités de mise en œuvre. La CFTC appelle donc à un déploiement renforcé de la GTEC. Les partenaires locaux doivent se saisir de tous les outils de prospections socioéconomiques, dont ils peuvent désormais disposer.  Cette GTEC doit être un point d’appui pour les PME/TPE afin qu’elles développent leur propre gestion des emplois et des parcours.

Une expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée est déployée depuis 2016 dans un nombre croissant de territoires. Pendant 5 ans, les personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, inscrites ou non à Pôle emploi, volontaires, et domiciliées depuis au moins 6 mois dans l’un des territoires participant sont embauchées en CDI et au Smic sur des activités non concurrentielles via une structure dénommée « entreprise à but d’emploi (EBE) ». Le pilotage local de l’expérimentation implique différents acteurs locaux, dont la collectivité territoriale et les partenaires sociaux. Cette démarche est un parfait exemple qu’il est possible d’organiser l’emploi au niveau du territoire, au plus près des demandes et des besoins.

Attachée au travail comme clé de la dignité humaine et à l’utilité sociale du travail, la CFTC a soutenu dès son début cette initiative car elle fait totalement écho à ses valeurs. Après plusieurs années d’expérimentation, la CFTC plaide pour son extension raisonnée, qui respecte l’esprit et les principes fondateurs du projet. Il est important de tirer les enseignements des succès mais aussi des freins rencontrés lors des précédentes étapes. Pour assurer une construction solide et durable de la démarche, il est indispensable d’avoir un pilotage au plus proche du terrain et de chercher à obtenir le consensus local le plus large possible.

Accompagner les mobilités géographiques et professionnelles

Parmi les difficultés évoquées par les entreprises dans leur processus de recrutement, on relève aussi le manque de main d’œuvre disponible localement. Etre mobile ou « nomade » compte parmi les traits les plus valorisés chez les salariés, voire apparaît comme un impératif.

Si la CFTC soutient tous les types de mobilité (statutaire, professionnelle, géographique), elle mesure que toute mobilité, quelle qu’elle soit, produit des effets sur la vie personnelle et/ou professionnelle. Elle estime que pour être une réussite, la mobilité doit être choisie et sécurisée. Pour ce faire, il faut placer la personne au centre de son parcours pour la rendre actrice à part entière. 

La CFTC regrette que la question des mobilités soit insuffisamment abordée. Elle estime que la loi d’orientation des mobilités (Loi LOM -2019) est loin d’avoir épuisé les problématiques rencontrées par les salariés face à l’injonction qui leur est faite pour se déplacer spatialement.

Une réflexion doit être engagée pour lever l’ensemble des freins à la mobilité qui pénalisent l’appariement sur le marché du travail.

Mettre fin à la dispersion et aux restrictions des aides à la mobilité géographique  

La mobilité géographique évoque le trajet domicile-travail, le déménagement, la double résidence pour trouver un emploi ou une formation. D’après un sondage de 2017, les difficultés d’accès à la mobilité constituent un frein à l’emploi pour 86 % des Français. Bien qu’il existe des aides, elles sont disparates. Par ailleurs, si tous les travailleurs doivent se rendre sur leur lieu de travail, aucune prise en charge par l’employeur n’est obligatoire pour les transports individuels. Enfin, les aides de Pôle emploi sont réservées aux personnes pas ou peu indemnisées.

Pour la CFTC il est nécessaire de coordonner les aides et de prendre en compte l’ensemble des freins à la mobilité.

La CFTC revendique la prise en charge obligatoire d’une partie des frais de transport de tous les salariés, quels que soient le mode de transport et la taille de l’entreprise, pour le secteur public comme le privé.

La CFTC souhaite que les aides de Pôle emploi soient attribuées en fonction des besoins, et non pas du statut. Être indemnisé ne doit plus constituer un frein pour accéder à l’aide à la mobilité.

Étendre les dispositifs de mobilité professionnelle aux entreprises de moins de 300 salariés

49 % des salariés ne connaissent pas la politique de mobilité de leur entreprise.  Il existe des dispositifs de mobilité à la main des employeurs (clause de mobilité, plan de départ) ou pour les entreprises de plus de 300 salariés (plan de mobilité, période de mobilité volontaire sécurisée). À l’inverse, il existe peu de dispositifs dans les petites entreprises ou à l’initiative des salariés. Le conseil en évolution professionnelle est une avancée ; mais cet outil seul est insuffisant. 

La CFTC revendique le déploiement de dispositifs de mobilité à la main des salariés.

Elle demande la généralisation de la période de mobilité volontaire sécurisée, dispositif qui mixe mobilité interne/externe et sécurise le parcours du salarié. 

Les aides doivent couvrir tous les cas de mobilité et être négociées dans le cadre des accords « gestion des emplois et des parcours professionnels » (GEPP)[1], y compris dans les entreprises de moins de 300 salariés. Le déploiement renforcé de la gestion territoriale de l’emploi et des compétences (GTEC) que nous appelons de nos vœux permettrait de prendre en compte les besoins à l’échelle des bassins d’emploi.

[1] Ces accords concernent les entreprises d’au moins 300 salariés. 

Encourager le logement des salariés à proximité des bassins d'emplois et des entreprises

Le logement reste encore trop souvent le frein à l’acceptation d’un emploi. En effet, de nombreux salariés renoncent à des emplois pour lesquels ils seraient compétents et motivés en raison de l’impossibilité de se loger à proximité, en accession ou en locatif. À l’inverse, de nombreuses entreprises ne peuvent recruter en raison de cette impossibilité pour les futurs salariés de se loger, eux et leurs familles, à proximité de l’emploi proposé.

Aux multiples causes – construction insuffisante de logements, contraintes réglementaires et techniques – vient s’ajouter la crise sanitaire qui, en aggravant les problèmes déjà préexistants, entraîne une hausse des coûts et des délais de livraison.

La CFTC propose des actions pour un accès au logement de tous les salariés : en activité, retraités, futurs salariés (apprentis, contrats d’alternance,…) et de favoriser le lien emploi-logement.

Les solutions envisagées par la CFTC :

  • – décentraliser et territorialiser la/les politique(s) du logement, notamment en rendant plus contraignants les documents programmatiques signés par les collectivités locales (PLH) ;
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  • – inciter les collectivités locales à « produire » du terrain à bâtir ;
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  • – redonner aux organismes de logement social plus de possibilités en faveur des locataires salariés ;
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  • – faire « respirer » le parc de logement social en poursuivant la politique de vente de 1 % du parc par an et en accroissant la mobilité résidentielle par la mise en place :
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  • * d’un bail à durée déterminée dans certains cas dans le parc social afin d’amorcer pour les catégories qui le peuvent le parcours résidentiel
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  • * d’un loyer variabilisé en fonction de l’évolution annuelle des revenus.
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