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« Le social est l’angle mort de l’action publique », Frédéric Fischbach

7 avril 2020 | Social

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La fédération CFTC Santé Sociaux représente les salariés et agents des établissements et services qui sont en première ligne dans la lutte contre le Covid-19.

Son secrétaire général, Frédéric Fischbach, réclame du matériel et une reconnaissance salariale pour les soignants et les travailleurs sociaux. Il dénonce l’abandon du secteur social. Et réclame la participation des corps intermédiaires à l’anticipation des crises sanitaires.

Comment soutenez-vous vos adhérents ?

Nous avons fermé l’accueil au public. Mais nous mettons une permanence juridique à disposition de nos syndicats locaux. Ceux-ci peuvent aussi s’appuyer sur notre site web et notre page Facebook. Nous leur envoyons également une newsletter dès que nous disposons d’une nouvelle information.

À qui peuvent s’adresser les adhérents ?

Ils peuvent téléphoner à la fédération. C’est moi qui gère le standard pendant la période de confinement. Ils peuvent aussi poser des questions, en fonction de leur branche professionnelle, via le champ “contact” de notre site web.

Nous avons reçu beaucoup de questions d’assistantes maternelles, que nous orientons vers leur référente nationale. Elles se demandaient néanmoins si elles pouvaient accepter d’accueillir des enfants.

Il y a eu aussi beaucoup de questions de salariés des pharmacies d’officine. Les pharmaciens sont en effet réquisitionnés et ils ont besoin des préparateurs pour fonctionner. Certains employeurs ont installé des vitres en plexiglas pour éviter les contaminations, mais pas tous. Leurs questions ont principalement porté sur le droit de retrait et la possibilité d’avoir des masques.

Globalement, il y a une inquiétude quant au risque de contamination.

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La possibilité pour l’employeur de déplacer, voire imposer, des congés payés est-elle valable dans la Fonction publique ?

Cela n’est pas du tout transposable à la fonction publique. De plus, aucun agent ne peut être au chômage partiel. Les fonctionnaires peuvent en revanche bénéficier d’une autorisation spéciale d’absence.

Pourront-ils bénéficier, comme les salariés du privé, de la prime de mille euros ?

Non, cela n’est pas prévu pour les fonctionnaires. Cependant, nous demandons que l’effort consenti par les agents soit récompensé. Mais Gérald Darmanin [ministre de l’Action et des Comptes publics, NDLR] a affirmé qu’il n’en était pas question. Il a aussi déclaré à BFM TV que “la meilleure prime qu’on peut donner aux soignants, c’est de respecter les gestes sanitaires”. Il se moque de nous !

Que vous inspirent les efforts des soignants dans cette période ?

Les soignants, ce ne sont pas que les agents de la fonction publique hospitalière. Ce sont aussi les salariés du secteur privé, qui travaillent dans les hôpitaux à but non lucratif et les cliniques, les Ehpad privés ou les établissements sociaux ou socio-médicaux. Sans oublier les assistantes maternelles, lourdement sollicitées pour que les soignants qui ont des enfants puissent aller travailler.

La solidarité entre soignants m’a beaucoup impressionné. Pour les plus jeunes d’entre eux, ça peut être une révélation d’avoir à tenter de sauver des vies dans ces conditions extrêmes.

Le dévouement de certains, en Ehpad, les a même conduits à se confiner dans leur établissement, afin de protéger à la fois les résidents et leur propre famille.

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Que regrettez-vous concernant la gestion de la crise ?

On peut regretter que les autorités n’aient pas pris conscience plus tôt de la nécessité de protéger les personnels et plus particulièrement celui de l’aide à domicile et des Ehpad. Dans les Ehpad, ils ont finalement été obligés de confiner tous les résidents. S’ils avaient eu des tests, ils auraient pu n’isoler que les patients contaminés. Il faut se rendre compte de ce que c’est, pour une personne dépendante, d’être isolée dans une chambre de 18 à 22 m², douche et sanitaire compris. Certaines ne sont pas en capacité de comprendre, et peuvent vivre cela comme une maltraitance. Alors qu’il s’agit au contraire de les protéger.

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Cette crise suscite-t-elle en vous des espoirs pour l’avenir ?

Je souhaite que le ministre de la Santé et des solidarités prenne la mesure de la gravité de la situation afin qu’à l’avenir nous n’atteignions plus ce degré de criticité. J’espère aussi qu’il y aura une reconnaissance salariale des métiers de nos branches professionnelles. Beaucoup sont en effet payés aux alentours du Smic alors qu’il y a une forte valeur sociale de ces métiers à valoriser.

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N’est-il pas illusoire de demander pour les soignants le respect de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle ?

Non, je ne crois pas. Les infirmières et les aides-soignantes enchaînent en ce moment des postes de 12 heures. Mais les gardes d’enfants ne sont pas organisées sur le même rythme. C’est une réflexion qui mérite d’être menée en temps normal mais qui apparaît d’autant plus cruciale en ce moment. De plus, quand on travaille à ce rythme, la vigilance baisse. Il y a alors des risques d’auto-contamination et de contamination entre collègues. Et puis, à ces 12 heures il faut ajouter le temps des transmissions entre équipes, le temps passé au vestiaire et le temps de transport. On arrive facilement à 14 heures. À quel moment ces personnes dorment-elles, s’occupent de leurs enfants, décompressent, pour ensuite regagner en vigilance ? Si on ne prend pas cela en compte, on va droit dans le mur !

C’est pourquoi nous demandons aux sections locales d’être force de proposition sur ce sujet. De redoubler de vigilance. Et d’être auprès de leurs collègues dans ce combat contre l’épidémie.

Quelles difficultés rencontrent actuellement les travailleurs sociaux, que vous désignez comme “les grands oubliés” de cette crise ?

Les travailleurs sociaux n’ont pas forcément d’équipement de protection quand ils sont en contact avec des populations à risque. Cela les met en danger, ainsi que les personnes dont ils s’occupent.

Il faut penser aussi à ceux qui interviennent auprès des personnes handicapées. Et aux aides à domicile, également. En temps normal, ces travailleurs sont les seules personnes que voient les gens les plus isolés. Ceux-ci n’auront donc vu, au bout d’un mois de confinement, strictement personne.

À l’Aide sociale à l’enfance, il y a des accompagnements qui ne se font plus, parce que les structures qui en sont chargées sont fermées. Donc pour l’instant, le social est l’angle mort de l’action publique.

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Que demandez-vous alors, maintenant ?

Nous demandons que les travailleurs aient accès au matériel de protection tout en accompagnant dans les meilleures conditions les personnes en difficulté. Nous faisons régulièrement le point avec nos syndicats. Et nous obtenons toujours les mêmes informations : “il nous manque des masques, des surblouses, des surchaussures, etc.” Les personnels ont recours au “système D”. C’est bien mais ça demande beaucoup d’énergie, qui pourrait être employée dans la lutte contre l’épidémie.

Quant aux aides à domicile, beaucoup d’associations leur demandent d’accomplir des actes non essentiels, comme le ménage. On leur dit qu’elles ne doivent pas y aller. Mais qui va maintenir le lien social ? On s’aperçoit que l’accompagnement dans la vie sociale des personnes en difficulté a été complètement abandonné.

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Est-ce que la crise du Covid-19 vous inspire d’autres réflexions ?

Beaucoup de salariés et d’agents vont travailler la boule au ventre. Ils continuent de le faire par dévotion ou par engagement personnel. Très bien. Nous sommes dans une médecine de guerre actuellement, les troupes sont actives mais qu’en est-il de l’après ? Il faut réfléchir aux mesures de soutien psychologique à mettre en œuvre dès aujourd’hui. Et par la suite, il serait bon que les pouvoirs publics fassent participer les corps intermédiaires, qui sont primordiaux selon moi. Il s’agirait de réfléchir ensemble aux mesures à mettre en oeuvre dans la perspective de nouvelles pandémies. Quand on se prépare en amont, il est plus simple, au cœur de la crise, de s’employer à ce qui demande toute notre attention.

Propos recueillis par Laurent Barberon
Crédit photographique : Bernard Gouédard

Une prime pour les soignants de la fonction publique

Le ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé, le 15 avril 2020, les mesures suivantes :

  • Dans la trentaine de départements les plus touchés par l’épidémie, le versement d’une prime de 1500 € à tous les agents travaillant à l’hôpital, quel que soit leur statut ou leur métier (interne, agent de service, infirmier, médecins…) ; 
  • Dans les autres départements, le versement d’une prime de 1500 € aux agents ayant travaillé dans les services COVID+ des 108 hôpitaux de référence, et d’une prime de 500 € aux agents des autres services ;
  • Le paiement des heures supplémentaires générées durant la crise à un taux majoré de 50 %.
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