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Santé au travail dans la fonction publique, un devoir, une urgence 1/2

9 mai 2022 | Social

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Le gouvernement vient de lancer un plan santé au travail dans la fonction publique. Fruit de longues années de concertation, il est aussi le fruit d’un rapport : « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance ». Rencontre avec Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC et co-rapporteur du rapport, pour en discuter.

Pourquoi ce groupe ? Pascale Coton : La constitution de ce groupe de travail est directement issue de la motion d’organisation que nous avons votée lors du dernier Congrès. Il y est inscrit que « la parité est un objectif prioritaire de ce mandat ». Et qu’à cette fin, un groupe d’échange et de partage d’expériences sera chargé de proposer des leviers de progrès au sein des structures CFTC que sont les syndicats, fédérations et unions géographiques. Nous y sommes ! Nous avons débuté ces travaux le 31 janvier, et établi un calendrier pour des points d’étape réguliers. Ce groupe qui traite de l’avancée des femmes inclut des hommes. Pourquoi ? Notre groupe compte en effet huit femmes et trois hommes. Et leur participation nous est chère. Il serait absurde de vouloir ériger les intérêts des femmes contre ceux des hommes. C’est un cliché contre-productif, qui vient renforcer des peurs. Au-delà, il y a aussi cette idée plus fine, cette conviction très forte que l’égalité est l’affaire de tous. Que, dans tout collectif, ce qui bénéficie aux femmes bénéficie de fait aux hommes. C’est seulement en respectant ce principe que nous pourrons avancer. Quel diagnostic avez-vous déjà pu opérer ? Sur 14 fédérations et 16 unions régionales CFTC, soit 928 conseillers, 299 sont des femmes, soit 32 % – un peu moins du tiers. Et, parmi ces 299 femmes, seules un peu plus de 21 % d’entre elles exercent les fonctions de dirigeantes, vice-présidentes et adjointes comprises. C’est évidemment trop faible, d’autant que la parité pourrait devenir bientôt un critère de représentativité. Comment expliquer cette faible part ? Comment briser le fameux « plafond de verre »[1] ? En réalité, il y a plusieurs freins à l’accès des femmes aux postes à responsabilité. Elles sont souvent plus questionnées sur leur ambition, plus culpabilisées à cause des schémas imposés dans nos sociétés, selon lesquels elles doivent « tenir » la maison, s’occuper des enfants, voire de parents devenus dépendants… Il est difficile de déconstruire des logiques culturelles ! La question du temps – de la conciliation des temps – est aiguë, mais il y a d’autres facteurs très prosaïques. Un réseau moins important, en moyenne, que celui des hommes, par exemple. Les quotas sont-ils la solution ? Ce n’est pas si simple ! D’abord, on n’impose pas un chiffre comme cela, du jour au lendemain. Il faut placer le curseur à un endroit raisonnable, suffisant pour enclencher une dynamique, sans décourager d’emblée. Il s’agit aussi d’éviter les contournements, du type : un titulaire homme + une femme suppléante ! Les quotas constituent une aide, un outil intéressant. Mais être élue ou désignée ne constitue pas une fin en soi. La question est plutôt : comment rester ? Comment ne pas devenir un « prête-nom » qui servirait une parité artificielle ? Comment favoriser l’engagement durable ? Avez-vous d’ores et déjà des pistes ? Nous avons identifié plusieurs axes d’action, car l’essence même de notre groupe est le partage des bonnes pratiques en la matière. De la même façon que nous avons opéré un tour de table, lors de la première session, sur les freins ou coups de pouce rencontrés dans notre parcours syndical, nous allons recenser les initiatives des structures CFTC en faveur de l’égalité. Nous allons en constituer un répertoire, qui servira de socle pour impulser une dynamique en ce sens au sein du mouvement. Il est nécessaire de sensibiliser et informer nos mandatés, pourquoi pas via l’intégration d’un module « Égalité » dans la Fime[2] ? Outre ces actions de sensibilisation, de réflexion, il convient, bien sûr, d’accompagner spécifiquement ces militantes. Vous pensez à des formations qui leur seraient dédiées ? En effet. La prise de responsabilité des femmes, pour être pérenne, doit se préparer en amont. C’est un peu l’idée qui prévaut dans la constitution actuelle de « cabinets fantômes »[3], sorte d’antichambres où s’organise la future gouvernance. La question du réseau se pose avec la même acuité. À l’Assemblée nationale, par exemple, le réseau « T’es pas toute seule » assure aux députées un soutien identifié. Pourquoi les débutantes CFTC ne bénéficieraient-elles pas, elles aussi, des conseils de leurs aînées actuellement en poste ? Encore une fois, il ne s’agit pas d’ériger les femmes contre les hommes, mais de fixer, pour nos militantes, de bonnes conditions d’accueil, d’intégration et d’exercice de leur mandat.

Quels évènements ont conduit à la rédaction du rapport santé au travail dans la fonction publique et quel rôle avez-vous joué dans ce dossier ?

En 2019, l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, composait un petit groupe de travail pour la production d’un rapport sur la santé au travail au sein de la fonction publique, notamment suite à la parution d’un rapport identique pour le privé. Ayant travaillé dans le public pendant 29 ans et ayant une affinité avec les sujets liés aux conditions de travail, j’ai donc été sélectionnée pour être co-rapporteur avec Madame Charlotte Lecocq, députée du Nord, et Monsieur Jean-François Verdier, inspecteur général des finances.

À l’époque, ce plan santé au travail dans la fonction publique était très attendu, car tout ce qui concerne l’organisation de la santé au travail dans le public était, et est toujours, une catastrophe.

Mais ce dossier a commencé en 2014 avec l’élaboration, par les partenaires sociaux, du troisième Plan de Santé au travail (PST3). Comment expliquez-vous que c’est seulement en mars 2022 que le plan santé au travail dans la fonction publique a été lancé ?

Pour être exact, en 2014, la CFTC avait demandé que le droit pour chaque salarié d’être protégé des risques pour sa santé et sa vie au travail soit rendu effectif. Nous avons, d’une certaine façon, été entendus par le gouvernement en 2019, avec la mise en place du groupe de travail auquel j’ai appartenu. Et en 2020, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, nous avait fait la promesse du lancement effectif du plan. Chose rare avec ce type de dossier.

Malheureusement la crise du Covid-19 a frappé et des sujets beaucoup plus pressants et urgents concernant la santé et la sécurité des travailleurs et des travailleuses devaient être traités.  

Revenons à 2019, comment s’est passée l’élaboration du rapport ?

Nous avons mené des auditions, 44 au total, de tous les secteurs d’activité de la fonction publique, et nous nous sommes déplacés au plus près du terrain : gendarmeries, casernes de pompier, hôpitaux, mairies, etc., afin de rencontrer les fonctionnaires, discuter avec eux et comprendre leurs problématiques. En plus des auditions, nous avons également réceptionné 16 contributions écrites, ce qui n’est pas rien.

Et que furent vos constats lors de vos rencontres ?

Nous étions souvent confrontés à la détresse des fonctionnaires, notamment dans la police, l’armée ou encore la gendarmerie. Souvent le problème dans ces corps de métiers (policier, militaire ou gendarme) est le stigmate attaché à la fonction. Pour la société, ces fonctionnaires doivent renvoyer une image de force où la communication et/ou la thérapie n’ont pas leur place.

Ils sont donc beaucoup à cacher leur mal-être, voire même détresse émotionnelle. Et une fois en fonction, « ça pète » et la tension monte entre ces métiers et la population. Notons que nous étions à l’aube des grands affrontements avec les Gilets jaunes dans la capitale. Les fonctionnaires que nous avons rencontrés nous ont raconté leur stress face au terrain et leur désarroi face à une absence de médecine du travail, notamment de prévention.

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