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Dépenses de santé : comment mieux répondre aux besoins de la population ?

Santé

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La crise du Covid-19 a plongé les comptes de la branche maladie au plus bas, tout en exacerbant les faiblesses déjà connues de notre système de santé. Pour la CFTC, ce contexte inédit appelle à une réforme de l’outil principal de gestion des dépenses de santé : l’ONDAM.

Selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, la pandémie aurait plombé les comptes de la sécurité sociale dans des proportions jamais connues. Les spécialistes parlent d’un déficit historique de 38,7 milliards d’euros en 2020. La situation inédite dans laquelle se trouvent les comptes de la branche maladie ne peut que conduire pouvoirs publics, professionnels de santé et partenaires sociaux à refonder les instruments de régulation de la dépense de santé.

Pour la CFTC, la période qui s’ouvre doit être l’occasion de rénover l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Dans sa construction actuelle, cet outil a contribué à assécher les ressources de l’hôpital, tout en augmentant les moyens pour la médecine de ville sans véritable régulation. La CFTC considère qu’il ne permet donc plus de répondre aux enjeux actuels de santé [maladie chroniques, parcours de soins et prévention, Ndlr] et doit être réformé.

Gestion des dépenses de santé : qu’est-ce que l’ONDAM ?

Mal connu du grand public, l’ONDAM reste pourtant le principal instrument de régulation du système de santé. Il s’agit d’un objectif de dépenses établi chaque année au niveau national, dont le but est de contrer l’évolution « naturelle » des dépenses de l’assurance maladie. Pour ce faire, il fixe des budgets distincts aux différents acteurs institutionnels : soins de ville, établissements de santé, établissement médico-sociaux (pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap), Fonds d’intervention régional (FIR).

L’ONDAM est donc bel et bien un outil de contrôle des dépenses de santé, qui agit sur une masse financière avoisinant 191 milliards d’euros [Notons qu’il ne constitue pas un budget, mais plutôt un indicateur de maîtrise des dépenses de santé, Ndlr]. Néanmoins après une existence de plus de 20 ans, l’ONDAM est aujourd’hui sous le feu des critiques.

Depuis sa création, son périmètre d’action n’a cessé de s’élargir et ce, au moment où les dépenses de santé étaient plus dynamiques et les objectifs nationaux devenaient de plus en plus stricts et resserrés. Prises dans leur ensemble, les économies demandées par l’ONDAM ont été relativement modérées, mais si l’on isole les différentes enveloppes, nous constatons que les efforts demandés à l’hôpital ont été particulièrement importants.

L’hôpital, première victime de la régulation des dépenses de santé

Avant la crise sanitaire, l’hôpital était devenu la variable d’ajustement pour équilibrer l’enveloppe globale, faute de régulation suffisante chez les libéraux en médecine de ville. Les dépassements des dépenses en médecine de ville étant systématiquement absorbés par des restrictions budgétaires pour l’hôpital. Quand bien même les établissements hospitaliers étaient dans le « vert » en sous-exécutant l’enveloppe qui leur était attribuée, ils se voyaient amputés de leurs économies. Les réserves de l’hôpital étant utilisées en cours d’année pour éponger les dépenses non-maitrisées en médecine de ville.

Pour s’adapter à ces mécanismes d’enveloppe « fermée », les hôpitaux ont donc dû, d’une part, baisser leurs tarifs, entravant ainsi leur possibilité d’investir dans les domaines demandant des restructurations. Et d’autre part, ils ont accru leurs volumes d’activité via le mécanisme T2A pour « tarification à l’activité ». Ce qui marqua le début de la course à la rentabilité, de la politique du chiffre et de la mise en concurrence des établissements.

Incapacité des hôpitaux à investir et restrictions budgétaires, nous tenons-là les causes de l’affaiblissement de l’hôpital au moment d’affronter une crise sanitaire sans précédent dans notre pays. Cette lente cure d’austérité a entravé les capacités du système hospitalier au moment d’accueillir les malades de la Covid-19 dans les unités de soins critiques. Dans sa gestion, l’ONDAM est en partie responsable de l’asphyxie de l’hôpital public. Mais cette politique de réduction des capacités hospitalières n’est pas nouvelle. Depuis plus de quinze ans, elle se traduit par l’impulsion donnée au « virage ambulatoire » par les derniers gouvernements pour des raisons aussi bien économiques que sociales et médicales.

Le tournant du « virage ambulatoire »

L’ambulatoire consiste, à chaque fois que cela est possible, à écourter ou à éviter les séjours en milieu hospitalier, en offrant les services au patient au plus près de son milieu de vie. Cette évolution permet ainsi de répondre aux attentes de la population, qui aspire de plus en plus à une prise en charge des soins à domicile, tout en générant des économies par l’utilisation optimale des lits et plateaux techniques hospitaliers.

Si la restructuration hospitalière qui en a résulté a pu rationaliser « efficacement » un certain nombre de services (maternité, chirurgie, cancérologie, soins de suites et de réadaptation, services médecine), elle a conduit à des réductions budgétaires dans des secteurs sensibles et essentiels : urgences et services de soins critiques.

Le succès du virage ambulatoire dépendait de la capacité de la médecine de ville à prendre véritablement en charge les soins de premier recours et non programmés. Or, en réalité, l’absence de moyens dédiés pour organiser les soins en ville et une certaine réticence des professionnels de santé à entrer dans des dispositifs de coopération ou d’organisation territoriale ont eu pour conséquence de raréfier l’offre de soins en ambulatoire. Lors de sa contribution à la stratégie de Transformation du Système de Santé (2018), la CFTC expliquait déjà que « tout le volontarisme du monde sur la question du virage ambulatoire et le recentrage de l’hôpital sur ses missions se heurtera à la réalité actuelle de la désorganisation de l’offre de soins en ville ».

Déshabiller l’hôpital sans vraiment habiller la ville conduisait à un risque de fragilisation de notre système de santé, notamment lors d’épisodes aigus de crise sanitaire.

L’absence de moyens mis à disposition pour organiser les soins en ville, et le manque de stratégie sanitaire face à des risques majeurs ont eu pour conséquence d’affaiblir les capacités de l’hôpital, sans réellement conforter une première ligne de prise en charge au niveau de la ville. L’ONDAM s’avère donc insuffisant pour accompagner les transformations de notre système de santé et ne permet pas de répondre correctement aux besoins de santé de la population.

Pour une meilleure régulation des dépenses de santé : nos propositions

C’est pourquoi à la CFTC nous privilégions une régulation des dépenses de santé qui tienne davantage compte des besoins de santé de la population. Cela passe par :

  • le passage d’un ONDAM annualisé à une loi de programmation de santé sur 5 ans. Cette loi fixerait les grands objectifs de santé sur 5 ans et les moyens humains et financiers pour y parvenir. Elle serait élaborée via une large concertation, mobilisant la démocratie politique, sociale et sanitaire, au niveau national et local, porterait sur l’ensemble des dépenses de santé et déterminerait leur répartition entre financeurs (État, collectivités territoriales, assurances maladie obligatoires et complémentaires, ménages, employeurs). Chaque année, le suivi de cette loi de programmation donnerait lieu à un débat annuel afin de vérifier la réalisation des objectifs de santé et les éventuels ajustements nécessaires ;

 

  • un financement des objectifs de santé fondé sur l’analyse des critères déterminants de la dépense de santé : évolutions démographiques et épidémiologiques ;

 

  • la mise en place d’un dispositif de réserves prudentielles sur 5 ans. Ces réserves permettraient, à terme, de limiter l’endettement de notre système de soins lorsque celui-ci est confronté à des crises sanitaires exceptionnelles, ou à des innovations coûteuses non anticipées. C’est le modèle que pratique déjà les partenaires sociaux au sein de l’AGIRC ARRCO ;

 

  • la mise en place d’enveloppes budgétaires par pathologie (cancer, insuffisance rénale chronique, etc.). Nous devons donner de la visibilité aux professionnels de santé et tenir compte des nouvelles prises en charge innovantes de ces pathologies ;

 

  • une garantie de financement pour les urgences, le médico-social et la Santé publique. Ces secteurs ne devraient pas être soumis à des baisses de tarifs ou de dotations en raison de la régulation macro-économique. Ils sont essentiels pour la sécurité sanitaire et la lutte contre les inégalités de santé ;

Les pistes de réformes existent. Mais il faudra évaluer, pour chacune d’elles, les leviers d’efficience qu’elles présentent et les obstacles qui se dressent à leur établissement. La finalité de ces réformes étant de parvenir enfin à décloisonner les financements de la médecine de ville et de l’hôpital pour améliorer le parcours de soins. Elles devront offrir de la visibilité et de réelles marges de manœuvre à des acteurs de santé déjà fortement éprouvés par la crise sanitaire et les restrictions qu’ils subissent.

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