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LA CFTC : une autre vision de la santé

Santé

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Aurélie Lefèvre, déléguée du personnel CFTC dans un EHPAD, photo par Bernard Gouédard

Le Premier Ministre a lancé le 13 février dernier la Stratégie de Transformation du Système de Santé (STSS). Pour la mener à bien, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn a annoncé, le 9 mars, une phase de consultation durant laquelle la CFTC a versé une contribution. Ce mercredi 06 juin 2018, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) a rendu public son rapport visant à contribuer à cette stratégie de transformation du système de santé.

Les aberrations du système de santé français reposent sur un double paradoxe entre les ambitions affichées (des stratégies nationales de santé) par les politiques et la réalité des pratiques des patients comme celles des médecins.

Premier paradoxe : alors que les gouvernements successifs ont misé sur un virage ambulatoire de la médecine, le nombre de recours aux urgences a explosé.

Le nombre de recours aux urgences ne cessent de croître. Cela entraîne une saturation des services qui peut mener à des drames et galvaude le sens initial des « urgences » qui traitent majoritairement des actes qui devrait relever de la médecine de ville.

Second paradoxe : alors que le vieillissement de la population devrait conduire à renforcer l’offre de soin,  celle-ci s’étiole par manque de structuration (déserts médicaux, papyboom des généralistes).

Le vieillissement de la population, pourtant prévisible et annoncé, entraîne un accroissement du recours à certains actes médicaux. Par ailleurs, les personnes âgées sont proportionnellement plus nombreuses dans les zones rurales. Or, c’est dans ces zones que l’offre de soin (nombres d’infirmières, généralistes, proximité hospitalière) est la plus faible, on parle dans certains cas de déserts médicaux.

Par ailleurs, si la population française vieillit, la démographie médicale n’y coupe pas. Ainsi dans de nombreuses régions les médecins, notamment les généralistes, sont partis à la retraite sans qu’un confrère ne prenne la relève. Une situation d’autant plus inquiétante que les jeunes médecins se tournent désormais davantage vers la médecine spécialisée.

Ces contradictions sont la résultante d’une absence de choix clairs. Notre politique de santé appelle à un accroissement de l’efficience hospitalière mais continue d’attendre de l’hôpital la réponse à tous les problèmes.  Des tentatives d’approche plus décentralisée avec l’émergence des notions de soins primaires ou de promotion de la santé ont été lancées mais sans penser la structuration des acteurs de première ligne sanitaire, médicosociale et sociale dont le rôle est mal défini.  Enfin l’incapacité à sortir du cloisonnement entre soins, prévention et médicosocial anesthésie les effets des réformes précédentes dont le résultat final est un système de régulation aux objectifs multiples et parfois contradictoires et aux instruments surabondants et en partie inadaptés.  

Pour enrayer ces situations la CFTC comme la Ministre préconise de resserrer les objectifs de la stratégie de transformation du système de santé autour de 5 axes pour éviter la dispersion.

  • Qualité et pertinence des soins
  • Mode financement et de régulation
  • Virage numérique
  • Formation, transformation des métiers
  • organisation territoriale des soins

1. Intensifier les bonnes pratiques

Pour la CFTC, il faut définir des protocoles clairs par pathologie et les faire respecter (notamment pour les pathologies chroniques) – dans un soucis d’économie, d’égalité, mais aussi d’efficience. La mise en place de ces protocoles types nécessitera des outils de coordination à mettre en place. Par ailleurs, pour plus de transparence il convient de mieux évaluer les médicaments en France, et de faire la promotion des résultats de cette évaluation. Enfin, si les professionnels doivent se doter de bonnes pratiques, il convient également de promouvoir une forme de pédagogie pour les patients, notamment concernant le recours aux urgences.

2. Financement et régulation

Après un déficit de 5,1 milliards d’euros en 2017, le solde de la sécurité sociale sera « en nette amélioration » à moins de 300 millions en 2018, selon le rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale publié ce mardi. Un montant nettement inférieur aux 2,2 milliards d’euros inscrits dans le budget fin 2017, grâce au rebond inattendu de l’économie française. Une évolution positive qui ne doit pas faire oublier le fragile équilibre des comptes de la Sécu et une dette colossale à rembourser.

L’ONDAM (objectif national de dépense de l’assurance maladie) par sa construction comptable, nourrit une gestion par acteur qui cloisonne les différents acteurs de la santé quand il est nécessaire de les rapprocher.

La CFTC souhaite créer des lignes budgétaires permettant d’affecter les crédits par pathologie plus que par acteurs. De la même manière, il convient de créer des lignes budgétaires transversales notamment pour la prévention. En outre, pour la CFTC la gratuité de la prévention peut être une solution à la fois pour la santé des Français et la soutenabilité à long terme de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Dans ses préconisations, la CFTC a également souligné la nécessité de remettre en cause la politique du « tout tarification à l’acte (T2A), qui presse les personnels hospitaliers et entraînent une recherche de rentabilité incompatible avec la notion de service public.

Enfin, pour mieux affecter les crédits, par pathologie (cancer, diabète, vieillissement) plus que par acteurs, la CFTC invite le ministère à s’appuyer sur la data. Et plus globalement à prendre un réel virage numérique.

3. Virage numérique de la santé

Si l’on s’y prépare bien et qu’on l’accompagne, le virage numérique peut apporter beaucoup. Le gouvernement doit s’appuyer sur les acteurs existant (ASIP , SNIRAM et CNIL ) pour mettre enfin en application le dossier médical partagé (véritable carnet de santé numérique). Cet outil a jusqu’ici toutes les peines du monde à voir le jour pour des questions de freins juridiques. Les données personnelles relatives à la santé étant très sensibles.

Pour la CFTC, il faut ouvrir et décomplexifier l’accès des données aux multiples acteurs qui contribuent au financement, à l’organisation et au fonctionnement actuel de notre système de santé et à la prise en charge des malades. Les usagers du système doivent pouvoir accéder à ces données afin d’éclairer leur choix mais également de jouer le rôle de lanceur d’alerte lorsqu’un traitement à des effets secondaires dangereux ou non-désirés. Aujourd’hui la puissance publique a le monopole sur la question des données de santé, mais ne les exploite pas. Demain si l’on persiste dans une logique de cloisonnement des données publiques de santé, cela nous conduira à l’organisation de la privatisation des données de santé par les opérateurs de réseaux bien connus et bien d’autres déjà à l’œuvre tel que les GAFA.

En outre, le virage numérique, c’est aussi l’intelligence artificielle et ses potentialités réelles (téléconsultation, diagnostic par une IA). Toutefois, il ne faut pas que ces possibilités deviennent une excuse à la fin du présentiel, et à une déshumanisation de notre système de santé.

Les technologies et cette transformation des métiers nous permettront de rompre avec la pensée selon laquelle il est nécessaire d’avoir un médecin dans chaque village de France tout en assurant un égal accès aux soins. La condition repose sur la structuration d’une offre de soins où les outils technologiques (téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance et la téléassistance) assurent en relais les soins de proximité (plateformes techniques de proximité de premier recours).

4. Formation / transformation des médias

Notre système de santé pâtit d’une désarticulation entre l’organisation de notre modèle sanitaire et les prospectives sur les ressources humaines. Nous payons actuellement le manque de réflexion collective sur les rôles et positionnement respectifs des différentes professions et disciplines (médicales, paramédicales et médico-sociales). Il subsiste également un clivage maintenu entre la « fabrique » des professionnels et les besoins du système de santé.

Pour la CFTC, Il faut permettre des carrières multiples et créer des dynamiques de carrières, par des parcours certifiant. Les infirmières n’ont aujourd’hui que très peu  d’évolutions possibles. Elles devraient avoir la possibilité de gagner en responsabilité par le biais des technologies et de la formation en passant, par exemple, des soins à des métiers de supervision numériques. Dans ce cadre, il serait opportun de mobiliser les dispositifs de formation dans le compte personnel de formation (CPF) intégrés aujourd’hui dans  le compte personnel d’activité (CPA).

5. Organisation territoriale de soins

La CFTC défend le principe d’une réorganisation progressive de notre système de santé autour de la gradation des prises en charge en cohérence avec les rôles et formes d’organisation des établissements, de la ville et du médicosocial. La stratégie de transformation du système de santé qui s’ouvre impose donc de poser des principes de responsabilités à différents acteurs et à différents niveaux. Elle impose également de tenir compte des différentes offres locales de soins afin de ne pas calquer un schéma dictés par les ARS qui ne laisse aucune marge de manœuvre d’un lieu à un autre.

La concentration hospitalière, initiée par les ARS,  et le développement nécessaire des CHU / CHR ne doivent pas se faire au détriment d’un maillage territorial plus effectif

En effet, la CFTC voit dans les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) un potentiel levier majeur de réorganisation de l’offre de soin. Si on leur en donne les moyens, elles peuvent faire émerger une première ligne de soins dans les territoires, qui permettent de moins utiliser l’hôpital et ses ressources humaines  (ex : Maisons de santé ; Hôpitaux de proximité, établissements de santé communautaires).

Cette vision que nous portons, doit pouvoir répondre aux attentes et aux besoins tant de la population, que des professionnels de santé.

Cette transformation de notre système de santé, dans laquelle nous nous inscrivons, doit permettre de faire face  à l’afflux de maladies chroniques et de personnes âgées dépendantes qui composeront l’essentiel des besoins de santé de demain.

Crédit photographique : Bernard Gouédard
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