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Repenser la politique familiale, pour réinventer le rapport des salariés à leur travail

23 octobre 2023 | Congrès 2023

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Travailler autrement, c’est aussi militer pour un travail qui permet de mieux concilier vie professionnelle et personnelle. Voilà l’un des mots d’ordre et objectifs majeurs de la CFTC, que notre organisation détaille lors de son Congrès 2023. A cet effet, elle défend notamment une transformation et un élargissement des moyens de la politique familiale, qui doivent favoriser le développement d’un monde du travail à même de réduire les inégalités de genre et d’assurer la pérennité de notre modèle social.

Pour accompagner harmonieusement les transformations technologiques, sociétales et écologiques du champ économique, la CFTC estime indispensable de repenser le rapport des salariés à leur travail. Elle prône ainsi un droit social fondamental à la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. A cet égard, la motion de son Congrès 2023 s’attache notamment à spécifier les bases d’une refondation ambitieuse de la politique familiale : celle-ci devra aussi bien permettre de réduire les inégalités femmes-hommes (dans la sphère privée et professionnelle), favoriser le bien-être des enfants et des parents et élargir la responsabilité sociale des entreprises. Dans l’optique de refonder un socle familial commun, la CFTC participe actuellement à une concertation menée par la Ministre des solidarités et des Familles Aurore Bergé. Ces échanges visent à définir les modalités et à accompagner la mise en œuvre progressive d’un service public de la petite enfance, étape indispensable pour permettre aux salariés parents de concilier leur vie professionnelle et familiale.

Transformer le congé parental

Parmi les axes principaux de cette réinvention, la CFTC milite pour une réforme de fond du congé parental. Ce dispositif facultatif vise à permettre aux parents salariés d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle à l’occasion d’une naissance au sein de leur foyer, tout en bénéficiant du versement d’une allocation. Réformée en 2014, cette indemnité avait été renommée Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), afin de « favoriser le retour des femmes vers l’emploi et modifier la répartition des responsabilités parentales au sein du couple. » Elle avait alors été portée à six mois maximum pour chacun des parents, suite à la naissance de leur premier enfant. A partir du deuxième enfant, sa durée est restée limitée au 3ème anniversaire de celui-ci. Le cas échéant, la PreParE n’est attribuée que pour 24 mois maximum de congé parental. Si l’un des parents prend 24 mois de congé, les 12 mois restants doivent donc être pris par le second conjoint, du moins si le couple veut continuer de bénéficier d’une indemnisation jusqu’aux 3 ans de l’enfant. La CFTC s’était fermement opposée à cette réforme- qu’elle estimait néfaste pour les femmes – surtout celles à faible salaire. Neuf ans plus tard, l’effondrement du recours au congé parental a confirmé ses doutes : le dispositif comptait plus de 500.000 bénéficiaires en 2021, contre à peine plus de 200.000 aujourd’hui.

Ce partage obligatoire de la PreParE s’est en effet révélé plus contreproductif qu’autre chose : faiblement rémunérée (428,71 € pour un congé à temps plein), cette prestation n’est pas incitative pour le parent le mieux payé (en général le père), qui ne la sollicite pratiquement jamais. Or, une fois que la mère a interrompu son activité pendant deux ans et souhaiterait retourner en emploi, il est souvent très difficile de trouver des dispositifs d’accueil pour l’enfant, notamment du fait de la pénurie massive de places en crèche. Elle n’a donc d’autre choix que de continuer à garder son enfant pendant encore un an, sans aucune indemnité et en aggravant sa situation vis-à-vis de l’emploi. Pour remédier à ces dysfonctionnements, la CFTC estime que l’on pourrait envisager de créer un congé parental plus court (un an) mais mieux rémunéré, à 80% du salaire. Le conjoint dont la rémunération est la plus élevée dans le couple serait donc plus incité à demander cette prestation. Cette modalité semble par ailleurs en phase avec la demande d’une partie importante des parents : selon un baromètre de la petite enfance publié en 2021 par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), 87% des parents ayant un bébé entre 6 et 12 mois pensent que l’enfant doit rester au sein du cadre familial durant ses 6 premiers mois. Un rapport du ministère de la santé sur les 1000 premiers jours de l’enfant confirme ce sentiment : ce document met l’accent sur l’incidence déterminante de la présence des parents durant les 6 premiers mois de l’enfant, car au-delà de cette période, il semblerait que « les bébés soient prêts pour communiquer avec des personnes extérieures, non familières. »

Créer des milliers de places supplémentaires en crèche, mobiliser les volontés en entreprise

Pour la CFTC, cette phase externe de la prise en charge du bébé devrait par ailleurs elle aussi être révisée en profondeur, alors que les congés parentaux prolongés constituent aujourd’hui un mode de garde subi par les parents, faute d’alternative. Selon des données de la CNAF, pas moins de deux enfants de moins de 3 ans sur dix sont gardés par leurs parents (ou grands-parents), faute d’avoir obtenu une place en crèche. Pour la CFTC, augmenter les moyens et le nombre de places alloués aux divers modes d’accueil de la petite enfance doit redevenir une priorité de la politique familiale. Le lancement du service public de la petite enfance a notamment pour ambition la création de 200 000 places supplémentaires en crèche d’ici à 2023. Celles-ci devraient participer à favoriser le désir de parentalité de milliers de foyers, qui est actuellement fragilisé par le manque de solution d’accueil pour leurs enfants. Pour la CFTC, la réinvention d’une politique familiale plus égalitaire au sein du couple et adaptée aux besoins des parents doit enfin mobiliser les entreprises elles-mêmes. Elle pourrait ainsi s’articuler autour d’un concept de responsabilité familiale des entreprises : les négociations collectives pourraient, par exemple, offrir la possibilité aux salariés de plus aisément moduler leur temps de travail pour raisons familiales. Ces accords d’entreprise seraient d’autant plus facilités s’ils pouvaient s’appuyer sur un Code du travail davantage adapté aux besoins des familles : la loi pourrait à titre d’illustration garantir des jours rémunérés d’absence aux salariés, afin qu’ils puissent s’occuper de leurs enfants malades (ces jours « enfants malades » étant aujourd’hui limités à trois par an, sans obligation d’indemnisation pour l’employeur).

Rappelons enfin que, dans un contexte de baisse structurelle de la natalité et du taux de fécondité (passé de 2.2 en 2010 à 1.8 en 2020), la vitalité démographique est essentielle pour assurer la préservation de notre système de protection sociale, qui repose essentiellement sur la solidarité intergénérationnelle. C’est pourquoi la CFTC ne conçoit pas la politique familiale comme un coût, mais bien comme un investissement social. Flexibiliser les horaires de travail des jeunes parents, œuvrer à ce que la conciliation vie professionnelle/vie personnelle soit plus équilibrée entre les femmes et les hommes ou encore augmenter les solutions d’accueil des enfants en bas âge sont autant d’axes de progression vers un monde du travail à la fois plus équitable et garantissant la pérennité de notre modèle social.

AC

 

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