Suivez-nous

Bernard Ibal : « Il nous faut trouver un point d’équilibre entre le mieux-disant écologique et le mieux-disant-social »

23 octobre 2023 | Congrès 2023

  • Partage

Agrégé et docteur en philosophie, ancien vice-président de la CFTC, Bernard Ibal a également contribué à la rédaction de la dernière motion d’orientation de la confédération. Il évoque ici comment la CFTC – via le dialogue social – doit s’approprier la question climatique, dans l’optique d’une progression écologique et technologique, comme d’une amélioration des conditions de travail de tous les salariés.

écvologie

Alors que le réchauffement climatique est devenu un enjeu sociétal majeur, les réponses écologiques divergent, voire s’opposent, entre les tenants d’une forme de démondialisation et les partisans d’un capitalisme vert. Comment la CFTC peut-elle envisager et s’approprier ces questions ?

Dans le débat que vous mentionnez, je dirais que la CFTC ne cherche pas à proprement parler une voix intermédiaire, entre ce qu’on pourrait schématiquement présenter comme un socialisme écologique et démondialisé et un capitalisme « monde ». C’est plutôt une 3e voix que notre organisation prône, en s’inspirant en partie de l’enseignement social chrétien. La doctrine sociale de l’église a d’ailleurs clairement mis l’écologie au premier rang de ses préoccupations depuis quelques années, comme l’illustre très bien la dernière encyclique du pape.

Comment caractériser cette 3e voie alors ?

En premier lieu, comme une option qui se veut capable de conjuguer le temps court et le temps long : le temps court – ce fameux souci de la fin du mois- est malheureusement souvent mis en opposition avec le temps long, le souci de la fin du monde. Est-ce qu’il faut décarboner notre économie ? Evidemment. Mais il nous faut éviter que, dans le même temps, le mieux disant écologique des entreprises s’accompagne en parallèle d’un moins disant social.

Comment y parvenir ?

C’est un équilibre complexe, évidemment. Gardons d’abord en tête qu’historiquement parlant, c’est la demande qui a longtemps sollicité l’offre. Il y avait des maçons et des boulangers parce que vous aviez nécessairement besoin de logement et de pain. Depuis le 19e siècle, avec l’émergence de la société industrielle, on observe cependant une inversion : l’offre s’est mise à susciter la demande, dans le sillage de la publicité et du consumérisme. Elle n’est plus soumise à une dimension proprement utilitaire. Cependant, depuis quelques années, on semble progressivement entrer dans une autre phase : c’est à nouveau la demande qui sollicite l’offre – non plus dans le sens de la consommation – mais bien de la sauvegarde de la planète et des peuples qui l’habitent. Cette mutation profonde des dynamiques économiques doit se traduire, à la CFTC, par le développement d’une pensée à la fois sociale et écologique.

Vers quelles évolutions et mutations ce dialogue social doit-il tendre ?

Une des thématiques majeures portée par la CFTC, c’est la montée en gamme. Mais pas n’importe laquelle : celle-ci n’est positive que si elle parvient à la fois à prendre en compte la demande de consommation, la demande écologique et la demande de progrès social. Des salariés mieux formés et des entreprises mieux équipées technologiquement peuvent, à titre d’exemple, être beaucoup plus performants énergétiquement : consommer moins d’électricité, recycler ses matières premières pour les réutiliser efficacement dans le processus de production etc… Une sophistication des procédés et des technologies peut aussi favoriser l’émergence de biens, produits et services respectueux de préoccupations éthiques, sociales et environnementales, à l’image du commerce équitable. En somme, notre organisation ne renie pas la croissance, mais croit qu’elle peut participer à sa réorientation. A nous de militer pour une réinvention de notre rapport au progrès : ce dernier nous a longtemps permis d’accélérer notre appareil productif, quitte à dangereusement menacer nos équilibres environnementaux. Désormais, il doit permettre à l’humanité de prendre une part croissante vers les équilibres sociaux et écologiques.

Selon un récent rapport de l’ONU, le non-respect des engagements internationaux pour décarboner l’économie conduisent la Terre vers un réchauffement de 2,6°C d’ici la fin du siècle. Alors que les Etats peinent à apporter des garanties écologiques satisfaisantes, est-ce aussi aux corps intermédiaires – notamment aux syndicats – de s’emparer plus activement de cette question ?

Absolument. Et je crois que, dans cette évolution nécessaire, la CFTC peut faire jouer sa spécificité. L’esprit de la CFTC dans la négociation – même si on n’est pas parfait –a toujours été la revendication et la recherche du bien commun, ce bien commun n’incluant pas seulement les salariés qu’elle représente. On en revient à cette fameuse 3e voix, chère à la CFTC : elle doit précisément être capable de trouver un point d’équilibre, pour harmonieusement conjuguer le mieux disant-écologique et le mieux disant-social.

AC

Actualités, ressources, ne manquez rien abonnez-vous à notre newsletter

Actualités, ressources, ne manquez rien…

Abonnez-vous à la newsletter !