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Comment sortir de la récession ?

15 juillet 2020 | Social

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Méfions-nous des recettes simplistes de sortie de crise aux effluves un peu rances. Gardons-nous de filer la métaphore guerrière au-delà de la stratégie sanitaire à adopter. De conflit physique, il n’y a pas eu. Nos bâtiments, magasins, usines, bureaux sont toujours en place, et les stocks à leur plus haut niveau.

Cette crise inédite nous demande un effort de réflexion pour en sortir, tout en préservant l’emploi au maximum. Distinguons, à cette fin, les véritables pistes d’avenir des impasses déjà empruntées.

Impasse n° 1 : relancer la demande en faisant fi de l’offre

Actuellement, compte tenu de la structure de notre appareil productif, cela se traduirait surtout par une hausse de nos importations. Petit équipement, meubles, habillement, etc., sont surtout produits à l’étranger. Pour que la relance de la demande puisse fonctionner, pour que la consommation des ménages soit à même d’impulser la croissance nécessaire sur le territoire, il faut agir sur l’offre, la réinventer.

Piste à suivre : relocaliser l’offre

La concentration de la production dans une partie du monde, à bas coût, a été une erreur fondamentale : elle soumet le monde au risque de chocs exogènes, c’est-à-dire d’événéments brutaux, imprévisibles, affectant l’équilibre de l’économie. Aujourd’hui, il s’agit d’une crise sanitaire ; hier, elle était financière ; demain, elle peut être géopolitique.

Produire au plus près des populations permettrait de répondre aux besoins sanitaires, écologiques et sociaux, tout en opérant un
rééquilibrage entre territoires. Il est urgent de procéder à une relocalisation intelligente de nos productions. Celles répondant à des besoins primaires doivent faire l’objet d’une relocalisation prioritaire. Ces productions se situent aujourd’hui en dehors des frontières européennes. Les médicaments et le matériel médical ainsi que leurs composants sont, par exemple, produits en Asie. Nous arrivons à la situation absurde où un laboratoire pharmaceutique homéopathique a fermé ses usines en France en pleine crise sanitaire, alors que le pays souffrait de fortes pénuries de masques, gels hydro-alcooliques et médicaments. De même, dans son plan de déconfinement, le gouvernement a appelé les Français à s’improviser couturiers pour fabriquer leurs propres masques… Second enjeu, la relocalisation de la production des secteurs agricoles et industriels. Cette stratégie de relocalisation peut être une chance pour l’Europe quant à la préservation et à la création d’emplois… à la condition qu’elle passe par la refonte de notre socle de droits sociaux.

Impasse n° 2 : augmenter le temps de travail

Cette formule, qui peut être valable en temps de reconstruction d’un pays, ne s’applique pas dans ce contexte. En outre, les 35 heures n’empêchent pas les entreprises de faire travailler davantage leurs salariés. La durée légale du travail ne constitue pas un plafond impératif ; elle ne sert qu’à déterminer le volume d’heures au-delà duquel se déclenchent les majorations liées aux heures supplémentaires. Ces dernières années ont déjà été «riches» en termes de réformes du Code du travail. Depuis 2017, les entreprises disposent de larges marges de manœuvre par voie de négociation (dispositifs d’aménagement du temps de travail sur l’année, accords de performance collective, quota de 200 heures supplémentaires sans charges sociales). Enfin, l’État est intervenu par ordonnance le 25 mars dernier pour assouplir provisoirement les règles de prise des congés payés ainsi que des jours de repos, et élargir les dérogations à la durée du travail. Les entreprises ont donc les outils nécessaires pour faire face à une éventuelle augmentation de leur activité. Il n’est nul besoin d’en créer de nouveaux, eu égard aux impératifs de protection de la santé des travailleurs.

Piste à suivre : adapter le travail par le dialogue

Deux constats s’imposent à l’issue de cette période inédite :
• comme évoqué plus haut, les entreprises bénéficient déjà de dispositifs pour assouplir le temps de travail ;
• tout au long de la crise, nous avons constaté une indéniable dynamique du dialogue social au sein des entreprises. Certes, une dynamique de crise, avec une gestion dans l’urgence, mais qui démontre l’efficacité, l’adaptabilité et le pragmatisme des partenaires sociaux, appelés à négocier différents accords sur l’organisation du travail dans des délais très restreints.

La poursuite d’un dialogue social, vivace et constructif, constitue la réponse la plus adaptée pour examiner les besoins de l’entreprise, les accorder avec l’intérêt des salariés et mettre en œuvre le dispositif approprié. La négociation des ces accords par les organisations syndicales constitue une véritable garantie pour les salariés. Et elle permet de procéder aux ajustements nécessaires au plus près du terrain. Adapter le travail n’exclut nullement une réflexion sur son partage. Soit sur la réduction du temps de travail. Certes, l’idée fait plutôt l’objet de polémiques que d’études menées à terme pour l’instant. Néanmoins, elle a le mérite d’inclure les problématiques d’intensité du travail, d’égalité professionnelle, de conciliation des temps de vie, de respect de l’environnement… En ce sens, elle doit être analysée.

Impasse n° 3 : baisser le coût du travail

Le véritable objectif qui sous-tend le débat sur le temps de travail est bien la réduction du coût du travail. Or, depuis le début des années 1990, la lutte contre le chômage et la reconquête de la compétitivité se sont opérées via la recherche désespérée de la compétitivité coût. Celle-ci a poussé le monde entier à fragmenter son appareil productif et à concentrer sa production et son approvisionnement dans un seul endroit. Ce qui, comme on on l’a vu précédemment, n’est plus tenable. En France, la baisse du coût du travail a été réalisée principalement par le biais de réductions massives de cotisations, ciblées sur les bas salaires. Ces mesures ont donc encouragé le développement d’emplois faiblement rémunérés, susceptibles de se transformer en « trappes » pour les salariés concernés et ne contribuant pas ou peu à l’innovation dans les entreprises. Or, la priorité des entreprises n’est plus aujourd’hui de faire baisser le coût du travail, mais d’accorder offre et demande. De plus, réussir la relocalisation implique que les consommateurs puissent, en termes de pouvoir d’achat, se procurer des produits redevenus locaux.

Piste à suivre : améliorer la qualité du travail

La qualité de l’emploi est un concept multidimensionnel, incluant salaires (niveau et inégalités), type de contrat (permanent ou
temporaire, temps plein ou partiel…), conditions de travail (fréquence des accidents, intensité du travail…), qualification et accès à la formation. «C’est ainsi que nous réaliserons la montée en gamme du pays », insiste Cyril Chabanier. L’idée d’un cercle vertueux entre qualité de l’emploi et innovation n’est pas neuve : elle constitue un des socles du modèle nordique et de sa déclinaison européenne dans le cadre d’Europe 2020. Elle s’appuie sur l’interdépendance entre montée en gamme des produits et services, des qualifications et donc des rémunérations. Pour ce faire, la dépense publique doit être finement orientée vers des mesures d’accompagnement : reconversion aux emplois de demain, soutien à l’apprentissage, transition numérique…

La finalité d’une telle politique est de retrouver la confiance des ménages. Au cœur du confinement, cet indicateur a lourdement
chuté, en perdant 8 points… Soit sa plus forte baisse depuis la création de l’enquête, en 1972 ! Le pessimisme des ménages quant à la situation économique et la peur du chômage risquent de maintenir l’épargne « forcée » du confinement, de la transformer en épargne de précaution. Une situation bloquante, à éviter absolument. La présentation d’un plan de sortie de crise ambitieux, préservant le pouvoir d’achat des Français afin qu’ils investissent et achètent « local », est seule à même de redonner la confiance.

AP, JB, MV

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