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Plan social chez Weleda : économique ou stratégique ?

4 octobre 2022 | Social

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Weleda France a annoncé un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ce, alors même que l’entreprise française avait jusqu’en 2027 pour sortir du rouge. Un « coup de massue » pour Laurence Saturni, déléguée syndicale CFTC.

Plan social chez Weleda : économique ou stratégique ?

Le 4 juillet, Weleda France a annoncé au comité social et économique la liquidation de 127 emplois au premier trimestre 2023, dans le cadre d’un PSE. Soit 43 % des emplois de l’entreprise ! Ce plan social prévoit la suppression de 112 postes sur le site d’Huningue (Haut-Rhin).

Parmi eux, 50 concernent la production, les autres les services annexes (service clients, informatique, bureau d’étude, services généraux…). À cela s’ajoutent dix postes de visiteurs médicaux et les trois postes du « concept-store » de Paris, avenue Franklin Roosevelt.

Ce lieu de vente et de massage sera donc fermé, malgré les 600 000 € qui y ont été investis en 2019. En outre, sept salariés vont se voir proposer un aménagement de fonctions (s’ils refusent, ils seront licenciés). Suite à l’annonce de cette nouvelle, les salariés de Weleda France ont débrayé en nombre le 7 juillet, ce qui est extrêmement rare dans cette entreprise. La direction n’a pas réagi.

« Personne n’est venu à la rencontre des salariés », explique Laurence Saturni, conseillère clientèle et déléguée syndicale CFTC. Pas plus de réaction chez les politiques locaux, alors qu’« il va y avoir des impacts sur les restaurants et les commerces de la ville », prévoit-elle.

C’est un véritable coup de massue ! On s’attendait à une cinquantaine de licenciements, mais là, c’est monstrueux ! s’étrangle-t-elle. On nous a toujours dit que, dans un groupe, on se soutient !

La filiale française invoque une baisse de 36 % de son chiffre d’affaires depuis 2018. Mais il y a un an, le groupe austro-germano-suisse lui avait donné jusqu’en 2027 pour redresser la barre. D’ici là, les mauvais résultats devaient être compensés par ses autres filiales. L’entreprise impute ces derniers au déremboursement des produits homéopathiques en France[1].

Cependant, « le déremboursement est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de Weleda depuis au moins 30 ans », précise Laurence Saturni, qui reproche au groupe son manque d’anticipation. Les cosmétiques représentant plus des trois quarts des ventes au niveau mondial (Cf « chiffre d’affaires »), « pourquoi ne pas avoir davantage innové et investi dans ce segment pour le développer encore plus ? »

Au contraire, la production de cosmétiques a été transférée en Suisse et en Allemagne en 2012. Si bien qu’à Huningue, on ne produit plus que des médicaments homéopathiques… Weleda France était donc condamnée par le groupe à réaliser de mauvais résultats.

Depuis août 2019, 67 personnes sont déjà parties suite à un accord de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) et un PSE concernant les salariés d’une agence de logistique dans le Val-de-Marne. Le groupe Weleda décide maintenant de « réorganiser le site d’Huningue et d’y arrêter la production des médicaments », détaille Laurence Saturni. Finalement, « on ne va plus rien produire du tout », résume-t-elle. Même logique en Suisse : « Le groupe va transférer en Allemagne toute la fabrication des médicaments. »

En fait, Weleda a le projet de regrouper toute sa production outre-Rhin. Ainsi, « un énorme pôle logistique et de production va sortir de terre en 2023, à Schwäbisch Gmünd », explique Laurence Saturni. Une recherche sur Internet le confirme. L’architecte choisi est MichelGroup, un habitué des projets d’envergure, comme le centre commercial Redi de 64 000 m² à Helsinki.

Transsolar aussi est engagé. Ce cabinet de conseil en ingénierie compte à son actif le Louvre Abu Dhabi, EuropaCity (Val-d’Oise), ou encore le palais de justice de Lille. On peut donc s’attendre à un projet coûteux. C’est à se demander si le PSE n’est pas davantage dû au choix stratégique du groupe qu’aux difficultés économiques de Weleda France.

On va demander des comptes, annonce Laurence Saturni.

À cette fin, le CSE s’adjoint les services d’un avocat et d’experts techniques et financiers. Une négociation a débuté le 1er septembre et se poursuit jusqu’au 26 octobre. Premier objectif : « Récupérer quelques postes, affirme la déléguée CFTC. Il ne suffit pas de vendre des produits, le SAV dans sa globalité est très important. Et nous ne voyons pas comment, avec le peu de moyens humains qu’il va rester, nous allons pouvoir continuer à satisfaire le client en termes de qualité et de suivi. »

Deuxième objectif : le doublement, voire le triplement, des indemnités de licenciement. Le PSE prévoit pour l’instant 15 000 € par personne, plus des indemnités conventionnelles en fonction de l’ancienneté.

La CFTC souhaite aussi négocier des congés de reclassement, des mutations internes dans le groupe, ou encore un plan seniors. Dans tous les cas, le PSE devra être examiné par la Dreets[2] pour entrer en application. Ce qui constitue un espoir pour la section CFTC.

Laurent Barberon

[1] Les produits homéopathiques étaient remboursés à 30 % avant le 1er janvier 2020, puis à 15 % à partir de cette date, et plus du tout depuis le 1er janvier 2021, sur une décision de la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

[2] Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

Chiffre d'affaires

  • 2019 : 95 millions d’euros
  • 2020 : 79 millions d’euros

Effectifs

  • Monde : 2 500 salariés
  • France : 297 salariés
  • Huningue (Haut-Rhin) : 285 salariés

Répartition des ventes au niveau mondial (2020)

  • Cosmétiques naturels et bio : 78,6 %
  • Médicaments (compléments alimentaires, produits d’automédication, produits homéopathiques) : 21,4 %

PSE : le rôle de la Dreets

La Dreets examine la régularité d’un PSE. Elle contrôle par exemple :

  • la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE ;
  • les conditions dans lesquelles l’expert-comptable a exercé sa mission ;
  • le contenu du PSE ;
  • le respect par l’employeur de son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés ;
  • le respect de l’obligation de recherche d’un repreneur…

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