Lanceurs d’alerte : la loi renforce leur protection
28 février 2022 | Social
Wikileaks, Panama papers, affaire Snowden, etc. Ces scandales internationaux sont connus de la majorité. Pourtant derrière chaque dossier, se cache une réalité complexe et difficile pour les alerteurs.
Le 16 février 2022, la France faisait un pas supplémentaire vers une meilleure protection de ces individus. La CFTC, qui a défendu l’initiative, salue cette avancée majeure. Quelles sont les nouvelles garanties dans la loi ? Rencontre avec Onno Ypma, président de la fédération CFTC Cadres, pour en parler.
Bonne nouvelle : la proposition de loi améliorant la protection des lanceurs d’alerte a été adoptée. Pouvez-vous revenir sur le contexte dans lequel elle s’inscrit ?
La loi pour la protection des lanceurs d’alerte votée le 16 février 2022 s’inscrit dans le contexte de la loi Sapin 2 de 2016, qui reconnaissait le statut de lanceur d’alerte et hissait, de facto, la France au niveau des meilleures législations mondiales en la matière.
Inspiré par l’initiative française, le Parlement européen a définitivement adopté, le 16 avril 2019, le projet de directive sur les lanceurs d’alerte. Les pays membres de l’Union européenne avaient jusqu’au 17 décembre 2021 pour transposer la directive européenne sur un texte législatif et ainsi l’appliquer au droit national. La fédération CFTC Cadres, tout comme d’autres unions syndicales, a activement défendu ce dossier à travers le Conseil des cadres européens (Eurocadres).
Cinq ans après la loi Sapin 2, le Parlement français a œuvré, en concertation avec des organisations syndicales et la société civile, pour mieux protéger les personnes agissant au nom de la démocratie. Car bien que pionnière, la loi Sapin 2 était contraignante à plusieurs égards pour l’alerteur. Le dispositif français cadenassait l’alerte dans une procédure à trois paliers excluant les syndicats, et ne permettait la divulgation publique immédiate que dans les cas de dangers graves et imminents. Par conséquent, l’alerteur n’était pas protégé face aux risques judiciaires et aux mises en cause dans l’entreprise : pressions, voire licenciement.
La directive de l’Union européenne était plutôt avancée par rapport au droit français. Est-ce que la transposition actuelle respecte cela ?
La directive allait bien au-delà du droit français. Comme mentionné précédemment, suite à la loi Sapin 2, la procédure française s’articulait autour de 3 paliers : la saisie en premier lieu de la voie interne, notamment la hiérarchie de l’entreprise, ce qui rebutait beaucoup. Si l’alerte n’était pas traitée, une saisine de l’autorité judiciaire était possible et enfin, la société civile, par l’intermédiaire des ONG, pouvait être sollicitée. Or, le dispositif européen facilite l’alerte à des autorités administratives ou judiciaires et prévoit une procédure de signalement graduée à deux paliers (au lieu de 3), avec possibilité de divulgation publique au-delà de la procédure d’urgence.
Est-ce que la proposition de loi a respecté la directive européenne ? Grâce à la suppression de la hiérarchisation des canaux, nous pouvons répondre « oui » [la nouvelle proposition de loi donne le choix au lanceur d’alerte de saisir directement l’autorité judiciaire ou de dénoncer les faits en interne, dans l’entreprise, Ndlr].
C’est d’ailleurs le point qui a fait l’objet des évolutions les plus notables.
La CFTC, qui a œuvré pour cette avancée, ne peut que s’en réjouir, ainsi que de la consultation des instances de dialogue social [le Comité social et économique, par exemple, Ndlr] avant la mise en place de la procédure interne.
Même si nous regrettons qu’en cas de mise en place du canal interne, le référent [il peut être le supérieur hiérarchique (direct ou indirect), l’employeur lui-même ou bien toute autre personne, Ndlr] auprès de qui l’alerteur peut porter le signalement, ne soit pas protégé contre les mesures de rétorsion discriminatoires.
Qu’en est-il du rôle des syndicats comme « facilitateurs » d’alerte ?
Il s’agit là d’une autre avancée majeure car la loi prévoit désormais d’accorder une protection contre les discriminations aux « facilitateurs » [il s’agit de « toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation, Ndlr].
La CFTC a œuvré pour cet ajout et ne peut que s’en féliciter.
Notons que d’autres propositions, émanant des ONG et organisations syndicales, se retrouvent également dans la loi adoptée récemment : une aide financière, psychologique et juridique aux salariés témoins d’abus et le renforcement des sanctions pénales contre les entreprises qui veulent les faire taire. Nous sommes aujourd’hui sur 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende si une entreprise empêche un alerteur d’alerter, peu importe les moyens de dissuasion. Nous pouvons donc parler de réussite pour la société civile, les syndicats et les alerteurs. D’ailleurs, pour ces derniers, je souhaite préciser que les juristes de la CFTC Cadres sont prêts à les guider.
Pour plus d'informations légales
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