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Covid-19. « Jusqu’à maintenant, si les marins ne travaillaient pas, ils ne touchaient rien », Bruno, salarié de la fédération CFTC-Agri

17 avril 2020 | Visages du syndicalisme

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Salarié de la fédération CFTC Agriculture dans les Hauts-de-France, Bruno s’occupe tout particulièrement du sort des marins-pêcheurs. Ces derniers n’étant pas totalement intégrés au système d’activité partielle, Bruno s’est battu pendant un mois, aux côtés des autres OS, afin que les choses évoluent favorablement.

Quelle est la situation actuelle des marins-pêcheurs ?

Elle est extrêmement compliquée, le monde des marins-pêcheurs n’ayant eu besoin de l’activité partielle qu’en de très exceptionnelles occasions (intempéries en 1999 par exemple) ; la profession ne s’y est donc pas intéressée jusqu’à cette situation totalement inédite et n’a donc pas donné à la Direccte les moyens de calculer l’indemnité d’activité partielle. Si les marins ne travaillent pas, ils ne touchent rien ; en effet, comment déterminer 70 % de leur rémunération brute, puisque celle-ci est calculée « à la part » : chaque pêcheur est rémunéré en fonction de la vente du poisson. Elle varie donc à chaque sortie et ne permet pas de servir de base de calcul à l’indemnité d’activité partielle « normale ». Nous travaillons, la CFTC aux côtés des autres OS, à réintégrer les marins-pêcheurs dans un système juste.

Mais les marins ont-ils encore le droit de sortir en mer ?

Oui, mais c’est paradoxal : prenez un chalutier, sur lequel les hommes sortent une semaine en général. Les bannettes (utilisées pour se reposer) sont à moins de 80 centimètres les unes des autres. La table pour manger fait 2×1 m. C’est dire s’il y a de la promiscuité. Mais malgré l’impossibilité de respecter les conditions sanitaires recommandées, et parce que nous appartenons à la chaîne d’approvisionnement alimentaire, l’État a demandé que nous continuions à travailler. Ça pose quelques problèmes d’ordre moral, quelques cas de conscience.

Que font alors les marins ?

Il existe plusieurs cas de figure. Certains sont tiraillés entre le besoin de faire vivre leur famille et la peur, légitime, d’être infectés. Les patrons craignent, eux, la « faute inexcusable » qui consisterait à rendre malades leurs salariés, en ayant pourtant mis en place tout ce qui est possible pour limiter la promiscuité. Ça, c’est au niveau individuel. Mais au niveau des entreprises, la situation est aussi compliquée : en effet, vous sortez un bateau en fonction de la demande. Ce n’est pas un scoop de dire qu’avec les fermetures de restaurants, d’écoles… cette dernière s’est écroulée. Au début de la crise, on a constaté une baisse de 60 à 80 % des volumes, des stocks de poissons pêchés. Par conséquent, sur le quartier de Boulogne-sur-Mer, près des deux tiers des bateaux ne sortent plus. Et la situation n’est pas près de s’améliorer puisque le déconfinement va être progressif et que la vie « sociale » incluant les restaurants ne reprendra pas avant juillet. C’est dire si les marins ont besoin d’être épaulés, comme tous les autres salariés, financièrement.

C’est pourquoi vous êtes si mobilisés depuis un mois…

En effet, nous, les OS, sommes extrêmement impliquées sur le sujet depuis un mois, pour faire changer les choses. Et ça va dans le bon sens puisque le conseil des ministres vient d’entériner l’ordonnance qui modifie la situation des marins (interview réalisée le 15/04 NDlR). Pour vous dire l’urgence de la situation : tous les syndicats ont mis leur ego de côté pour que les choses avancent vite ! (rires) Nous avons tous fait des efforts exceptionnels qui accouchent de mesures plus justes pour cette profession, et d’une base sur laquelle travailler au niveau de la branche. À la CFTC, nous appuyons aussi l’assouplissement des aides européennes pour les entreprises, afin que ces dernières, à la fin de la crise sanitaire, puissent continuer d’exister.

Crédit photographique : Helena Volpi / Pixabay
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