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Guide Covid-19 / Santé-sécurité (1/2) : Adapter la gestion des risques sanitaires et psychosociaux

15 avril 2020 | SocialVie pratique

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Un point juridique et méthodologique pour réévaluer les risques, sanitaires et psychosociaux, dans l’entreprise, et mettre en place des procédures permettant de protéger la santé des salariés.

Comment ré-évaluer les risques dans l’entreprise en raison de la pandémie ?

Selon le Code du travail, l’employeur doit évaluer les risques et les consigner dans le document unique. Dans le contexte d’une pandémie, ces risques doivent être réévalués. Pour ce faire, l’employeur doit identifier les phases du travail au cours desquelles les salariés peuvent être exposés au virus, puis mettre en œuvre les mesures de prévention et de protection de la santé des travailleurs.

L’évaluation des risques a pour but de réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou en raison du travail, par des actions de prévention, d’information et de formation, ainsi que par la mise en place de moyens adaptés, conformément aux instructions des pouvoirs publics.

L’employeur doit aussi veiller à l’adaptation constante de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances.

A noter ! Pour l’employeur, cela suppose notamment de mener à bien une veille sur l’actualité du Covid-19, en suivant de près l’évolution de la situation et les messages des autorités.

  • Identifier les situations de travail et les risques

Il s’agit d’identifier les situations de travail au cours desquelles les conditions de transmission du Covid 19 peuvent se trouver réunies. C’est la combinaison de plusieurs critères qui permet d’évaluer le risque, et de décider en conséquence des mesures de prévention à mettre en œuvre. On peut lister plusieurs critères augmentant fortement le risque de transmission :

  • Caractère collectif des lieux de vie ou de travail,
  • Contact direct à moins d’un mètre lors d’une toux ou d’un éternuement,
  • Contact direct à moins d’un mètre lors d’une discussion (même sans toux) de plus de 15 minutes en l’absence de mesures de protection,
  • Difficultés à se laver très souvent les mains.
  • Mettre en place des mesures de prévention

Le télétravail massif est désormais exigé. Ces mesures de prévention ne valent que si le télétravail ne peut pas être mis en place.

Des situations d’exposition au risque doit découler la mise en place de mesures de prévention qui doivent être adaptées à chaque activité (limiter le nombre de réunions, supprimer le travail à deux sur un même poste, etc.). Les mesures doivent être collectives et organisationnelles (réorganisation des postes de travail), autant qu’individuelles (fourniture de gel hydroalcoolique et port d’équipement de protection individuelle).

En cas de contact des salariés avec des publics, et si ce contact ne peut être interrompu, les mesures doivent également être adaptées en cas de contact avec le public.

A noter ! Attention, le risque sanitaire n’élimine pas les autres risques professionnels. Il les masque temporairement, ce qui peut les rendre plus dangereux.

Comment prévenir les risques sanitaires dans l’entreprise et protéger les salariés en période de pandémie ?

Dans les établissements indispensables à la vie de la nation, qui sont les seuls autorisés à recevoir du public, et les entreprises au sein desquelles le télétravail n’est pas possible (ou seulement pour une partie des effectifs), tout doit être mis en œuvre pour limiter les contacts physiques rapprochés ou prolongés entre les personnes présentes sur le site, ou avec les intervenants extérieurs (nettoyage, service de sécurité…). Dans tous les cas, distanciation et mesures barrière sont la règle pour prévenir la réalisation du risque de contamination de ses salariés.

Il convient de limiter le nombre de personnes présentes simultanément sur le lieu de travail ou dans un même local, d’éviter les réunions, de privilégier les bureaux individuels en répartissant les salariés présents, de favoriser la communication par courrier électronique, téléphone, audioconférence ou visioconférence.

Les réunions en présentiel ne sont pas recommandées. Si elles sont caractérisées par la nécessité et l’urgence, et s’il est impossible de se connecter à distance, la participation doit être réduite au maximum et, dans tous les cas, la distance interpersonnelle doit être garantie. L’accès pour les visiteurs (livreurs…) doit être limité et – s’il est indispensable – il faut restreindre le nombre de personnes présentes en même temps.

Si une telle réunion doit avoir lieu, il est important de rappeler les recommandations standards pour prévenir la propagation des infections, à savoir le respect des mesures habituelles d’hygiène : se laver fréquemment les mains, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique et porter un masque quand on est malade.

En ce qui concerne la restauration collective, lorsque celle-ci doit être maintenue, elle doit être aménagée de manière à limiter les contacts entre les personnes (élargissement des plages horaires, espacement des tables…). L’accès aux espaces de convivialité et autres lieux de pauses collectives est également à limiter.

L’accès à des endroits particulièrement vecteurs de contamination doit également être revu, comme les toilettes, les vestiaires et les douches collectives. Il faut limiter le nombre de personnes simultanément présentes dans ces locaux et augmenter la fréquence de nettoyage/désinfection. Le but est de protéger au maximum la santé des travailleurs qui doivent continuer leur activité. Les déplacements à l’intérieur du site de l’entreprise doivent également être limités au nécessaire, et conformes aux instructions de l’entreprise.

Pour les travailleurs en contact avec le public

Dans tous les établissements recevant du public, et autorisés à être ouverts (notamment les commerces), il est indispensable d’appliquer certaines règles :

  • Limiter le nombre de clients simultanément présents dans le magasin ;
  • Respecter une distance de sécurité entre les travailleurs et les clients, et faire respecter cette distance entre les clients (affiche, marquage au sol…) dans l’établissement et à la caisse ;
  • Nettoyer régulièrement avec une lingette ménagère les surfaces : comptoir, ordinateurs, terminal de paiement électronique, écrans tactiles… ;
  • Éviter tout contact physique avec les clients ;
  • Adapter les horaires d’ouverture de manière à ce que la livraison et la mise en rayon se fassent en dehors de la présence des clients ;
  • Fournir des moyens d’hygiène pour se laver très régulièrement les mains avec de l’eau et du savon ou avec une solution hydro-alcoolique, et éviter de se toucher le visage ;
  • Privilégier l’utilisation des caisses automatiques lorsqu’elles existent (CB sans contact, monnayeur de caisse…) ;
  • Retirer les documents à disposition, à feuilleter ou à lire.

Certains dispositifs, tels que des écrans en plexiglas, peuvent permettre de limiter le risque de projection de gouttelettes. Ils doivent être nettoyés fréquemment, en respectant les mêmes procédures de nettoyage que les autres surfaces.

Quels sont les risques liés au recours massif au télétravail ?

Les recommandations habituelles sur le télétravail pour prévenir les situations à risque sur le plan psychosocial préconisent un télétravail partiel ainsi qu’un accompagnement des salariés. Ces préconisations ne peuvent pas être respectées par les entreprises dans un contexte d’urgence sanitaire. Mais les employeurs restent tenus d’évaluer et de prévenir les risques des nouvelles conditions de travail de leurs salariés.

Le télétravail massif que nous impose cette période de confinement peut entraîner des risques psychosociaux. En premier lieu, il convient d’être attentif aux situations d’isolement. Pour éviter cet isolement, plusieurs pistes : réunions courtes et régulières en visioconférence pour faire le point sur l’activité, utilisation d’outils de messagerie instantanée, temps de convivialité virtuels comme des pauses-café en ligne…

Des mesures d’information peuvent être mises à disposition des salariés. Par exemple il peut être recommandé au salarié de définir, dans la mesure du possible, un espace de travail dédié (si possible dans une pièce isolée), et d’aménager son poste de travail de manière à être bien installé (chaise confortable, hauteur de la table…).

Les managers doivent aussi réguler la charge de travail de leurs collaborateurs, en faisant régulièrement le point avec eux. Il s’agit de prévenir la surcharge de travail et la sur-sollicitation de certains salariés. Mais aussi la sous-charge et l’isolement d’autres salariés, du fait de l’arrêt de certains projets. Ce management à distance nécessite aussi des temps collectifs, afin de redéfinir les objectifs et les moyens. Le statut du salarié (libre, occupé, absent, en pause…) peut parfois être renseigné par les outils informatiques. Plus généralement, l’utilisation de tous les outils de communication à distance (mails, messagerie instantanée, documents partagés, visioconférence, outils de travail collaboratif, agenda partagé) est recommandée, à condition de ne pas en abuser.

En cas de détection de signaux de souffrance, il peut être conseillé d’orienter les salariés vers des cellules d’écoute proposées par certains services de santé au travail ou des cabinets spécialisés.

A noter ! Le recours à une cellule d’écoute ne doit pas remplacer la mise en place de mesures de prévention des RPS.

Il est également important de recommander aux salariés de se fixer des horaires, le plus simple étant de garder le même rythme que celui pratiqué dans l’entreprise ; de s’octroyer des pauses régulières (cinq minutes toutes les heures) ; d’anticiper et planifier leur charge de travail sur la semaine pour organiser les travaux à faire selon les priorités. Les bonnes pratiques de déconnexion sont nécessaires pour préserver les temps de repos et concilier au mieux les temps de vie, notamment dans le contexte de fonctionnement très dégradé de certaines entreprises confrontées à l’absence de certains salariés, au changement des équipes, au bouleversement des horaires de travail, à la désorganisation des activités, etc.

Enfin, une mise à disposition, par l’employeur, d’information, de formation, ou d’assistance à distance pour l’aide à l’utilisation des outils qu’il fournit est indispensable.

Que doit faire un salarié dont l’activité présentielle est maintenue s’il présente des symptômes du Covid-19 à son domicile ?

Devant l’apparition de symptômes évocateurs de la maladie Covid-19 (fatigue, fièvre, douleurs musculaires, toux…), il convient de rester chez soi, de prévenir son employeur, d’éviter les contacts, et d’appeler un médecin (son médecin traitant, un médecin en téléconsultation, le médecin du travail de sa structure…).

En cas de difficultés à respirer ou de malaise, n’hésitez pas à appeler le Samu Centre 15. En cas de doute sur la conduite à tenir, le ministère de la Santé a mis en place un logiciel pour orienter sur la marche à suivre http://maladiecoronavirus.fr. Les salariés seront informés de cette procédure.

Que faire si un salarié présente des symptômes évocateurs de la maladie Covid-19 sur le lieu de travail ?

La mise en place préalable d’une cellule de coordination de crise entre les DRH, le CSE et l’ensemble des unités de l’entreprise permet de définir une procédure, à activer en cas de symptômes évocateurs du Covid-19, éventuellement en concertation avec le médecin du travail (voir le conseil CFTC ci-dessous). La procédure doit être affichée et connue de tous.

Elle peut consister en ceci :

  • isoler le salarié (dans les locaux du service de santé au travail s’il est sur place, ou sinon dans une pièce définie au préalable),
  • éviter les contacts avec les collègues (garder une distance de plus d’un mètre),
  • appliquer les gestes barrière,
  • prévenir le supérieur hiérarchique,
  • organiser le retour à domicile,
  • contacter le médecin traitant du salarié,
  • appeler le 15 seulement en cas d’urgence.

Le conseil CFTC

Créer une cellule de décision

Les mesures individuelles, collectives et organisationnelles d’hygiène en situation de pandémie ne doivent pas être considérées ni présentées au personnel comme de simples recommandations, mais bien comme des exigences et des consignes que les salariés ont obligation d’appliquer au même titre que les autres règles de sécurité édictées par l’employeur.

A noter ! Ne pas respecter les consignes d’hygiène peut être considéré comme une faute professionnelle, car cela peut mettre en danger la vie des collègues (Article L4122-1 du Code du travail).

Pour gérer au mieux cette crise sanitaire, la CFTC recommande la création et la mobilisation d’une cellule de coordination de crise entre les DRH, le CSE et l’ensemble des unités de l’entreprise (ces dernières, pour s’assurer que les prérogatives officielles y sont déployées de façon adéquate en fonction de la situation locale).

L’information précise et pertinente (campagne d’affichage, distribution de consignes écrites par tracts et/ou emails …) des salariés sur les mesures prises par la hiérarchie, le Service de Santé au Travail et le CSE est une condition fondamentale de prévention : le médecin du travail, avec le CSE, conseille l’employeur sur les actions à mettre en œuvre et sur l’information à donner aux salariés afin d’éviter la contamination dans l’entreprise.

Par ailleurs, l’entreprise peut organiser, en lien avec les instances représentatives du personnel le cas échéant, des réunions de sensibilisation spécifiques avec les salariés, dans les conditions de sécurité adaptées, afin d’échanger sur la mise œuvre des règles sanitaires exceptionnelles et sur leur éventuelle évolution. Pour ce faire, il peut être utile d’identifier un « référent COVID-19 » au sein de l’entreprise.

Quel est le rôle de la médecine du travail pendant la pandémie ?

L’employeur et le salarié doivent continuer à pouvoir bénéficier d’un contact avec les services de santé au travail : suivi de l’état de santé des salariés et relais des mesures de prévention, comme prévu dans l’instruction DGT-SST-COVID 19 du 17 mars 2020. Le service de santé au travail définit les conditions pour les contacter, et met à disposition ses coordonnées.

À l’exception des périodiques, les visites doivent être maintenues pour les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation. Cela concerne notamment, les visites d’information et de prévention qui doivent être réalisées dans les trois mois suivant l’embauche, ou avant l’embauche pour les travailleurs de nuit. S’agissant de cette dernière catégorie de travailleurs, les visites doivent être organisées dans les délais les plus brefs, pour ne pas retarder les embauches. Les visites d’aptitude, pour les salariés soumis à un suivi renforcé, ainsi que les visites de reprise après un arrêt de travail sont aussi considérées comme prioritaires et maintenues. Ces rendez-vous médicaux peuvent faire l’objet d’une téléconsultation lorsque cela est possible et en accord avec le salarié.

Les services de santé au travail et le médecin du travail ont un rôle de conseil et d’accompagnement de l’entreprise (employeur, salariés et leurs représentants) dans les mesures à mettre en place à titre individuel ou collectif.

Les actions en milieu de travail sont reportées, hormis dans les situations d’urgence qui peuvent conduire le médecin du travail à décider d’une telle intervention, comme par exemple dans le cadre d’une enquête sur un accident du travail grave ou mortel (ou une procédure d’inaptitude ne pouvant être différée). La priorité pour les services de santé au travail doit être de relayer activement les messages de prévention des autorités sanitaires. Il leur est demandé d’assurer une permanence téléphonique pour conseiller les employeurs et les salariés. Ils peuvent également mettre en place une cellule d’écoute pour les salariés qui en exprimeraient le besoin.

Face au coronavirus, les salariés peuvent-ils invoquer leur droit de retrait ?

Tout salarié peut décider de se retirer d’une situation de travail, dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. La légitimité de l’exercice du droit de retrait va donc dépendre des spécificités de la situation de chaque salarié, telles que son degré d’exposition au risque de contamination, son activité et la gravité du risque en cas de contamination effective. Un salarié pourrait donc user de son droit de retrait si sa situation de travail l’amenait à être exposé directement au virus.

La difficulté ? Le droit de retrait est un droit éminemment jurisprudentiel, c’est-à-dire, qu’il appartient au juge de trancher en cas de désaccord entre le salarié et l’employeur. Pour décider de la légitimé d’un droit de retrait ou non, nous nous fondons donc sur les cas précédents. Dès lors dans cette situation inédite, nous ne pouvons pas avoir de réponses certaines.

Pour autant, nous vous conseillons d’actionner en premier lieu votre droit d’alerte. Il se décline de deux manières.

En premier lieu, le salarié signale immédiatement à l’employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute défectuosité constatée dans les systèmes de protection (C. trav., art. L. 4131-1). Par exemple, un employeur qui n’appliquerait pas les mesures imposées par le gouvernement depuis le début de cette crise.

En second lieu, lorsqu’un représentant du personnel au CSE, constate qu’il existe un danger grave et imminent (notamment par l’intermédiaire d’un salarié), il en avise immédiatement l’employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit (C. trav., art. L. 4131-2, L. 4132-2 et D. 4132-1).

En vertu de son obligation générale de sécurité, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (C. trav., art. L. 4121-1). Notamment par l’application des gestes barrière et par une réorganisation de l’activité afin de diminuer au maximum le risque de contamination.

Cela étant, il ne faut pas oublier l’obligation de sécurité qui pèse sur tout salarié. Il incombe en effet à chaque travailleur de prendre soin (en fonction de sa formation et selon ses possibilités) de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (C. trav., art. L. 4122-1) en respectant eux aussi les règles édictées par le gouvernement pour lutter contre cette crise.

La possibilité pour un salarié en contact avec la clientèle d’exercer un droit de retrait dépend de plusieurs facteurs :

  • Des spécificités de sa situation de travail (confinement dans un espace de travail restreint, possibilité matérielle de garder une certaine distance avec les clients etc.) ;
  • De son état de santé (vulnérabilité particulière au virus) ;
  • De l’efficacité des mesures de prévention que pourra mettre en œuvre l’employeur.

Le ministère du Travail distingue deux situations (Q/R nos 11 et 16) :

  • Lorsque les contacts sont brefs, les mesures « barrière », notamment celles ayant trait au lavage très régulier des mains, permettent de préserver la santé des salariés et celle de leur entourage ;
  • Lorsque les contacts sont prolongés et proches, il y a lieu de compléter les mesures « barrière », par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre, par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié, ainsi que par le lavage des mains.

Le ministère considère que dans ces deux situations, dès lors que sont mises en œuvre, tant par l’employeur que par les salariés, les recommandations du gouvernement, il ne suffit pas que le salarié soit en contact avec la clientèle (sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux), pour considérer qu’il justifie d’un motif raisonnable pour exercer son droit de retrait.

 

Crédit photographique : Holgers Fotografie / Pixabay
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