Santé : la CFTC se prononce sur les travaux du HCAAM
Santé
Le système actuel de remboursement des frais de santé est complexe et source d’inégalités. Depuis plus de deux ans, le HCAAM travaille ainsi à l’articulation entre l’Assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé. Pour cela, quatre scénarios ont été élaborés pour corriger les écueils du système. Parmi eux, un seul propose de maintenir le statu quo, les trois autres se présentant davantage comme des scénarios de rupture, notamment celui de la « Grande Sécu » que la CFTC préfère écarter.
« Grande Sécu » : un projet ambigu, aux multiples angles morts
Repris en boucle dans la presse ces dernières semaines, le scénario de la « Grande Sécu » semble avoir les préférences du ministre des Solidarités et de la Santé. Mais de quoi s’agit-il réellement ? Dans ce scénario, l’Assurance maladie étendrait considérablement ses remboursements en absorbant la partie gérée par les complémentaire santé. Les remboursements des besoins spécifiques des patients seraient donc cantonnés à la couverture d’exigences particulières de ces derniers comme la consultation chez l’ostéopathie, le nutritionniste ou encore le psychologue.
Pour la CFTC, l’extension des remboursements de l’Assurance maladie peut être source de progrès et d’équité pour les assurés. Toutefois, bien que séduisant sur le papier, ce scénario nous paraît dangereux dans son application pratique. D’abord, parce qu’il ne met pas fin aux dépassements d’honoraires, ce qui pose un problème évident d’accès financier aux soins. Ensuite, parce qu’il ne présente aucune garantie que les pouvoirs publics redirigeront les cotisations actuelles versées au titre de la couverture collective à la « Grande Sécu ». Le risque est grand de sous-financer le système de santé ou de le faire financer par des impôts iniques comme la TVA. Enfin, le besoin de couverture complémentaire sera de nouveau une problématique du fait d’un panier de soins « Grande Sécu » en incapacité d’absorber les innovations techniques et médicamenteuses à venir. C’est pourquoi, d’autres scénarios sont à privilégier.
Le chantier lancé par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) sur l’articulation entre l’Assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé est en cours. Dans ce contexte, la CFTC est appelée à se prononcer sur les quatre scénarios déjà élaborés.
Système de santé français : réformer ou faire du neuf avec du vieux ?
Pour la CFTC, les scénarios un et trois du HCAAM apparaissent comme des options viables et préférables au scénario de la « Grande Sécu ». D’une part, le premier scénario consiste à maintenir le système actuel à deux étapes en y apportant, néanmoins, des aménagements substantiels pour les retraités et les contrats courts. Dans cette optique, les complémentaires devront proposer des « contrats avantageux » aux retraités lorsque ces derniers choisiraient de sortir de la prévoyance collective de leur entreprise. En outre, le HCAAM propose de basculer les retraités les plus modestes dans le dispositif public de « Complémentaire santé solidaire » (C2S) en élargissant le seuil d’éligibilité à ce dispositif.
Concernant les contrats courts, le HCAAM propose de limiter leurs dispenses d’adhésion à la couverture en envisageant une participation patronale supplémentaire pour couvrir ces formes atypiques d’emploi.
Pour la CFTC, ce scénario paraît en adéquation avec les dynamiques à l’œuvre au cours des dernières décennies : généralisation de la couverture complémentaire, encadrement réglementaire des contrats. Cependant, il semble manquer d’ambition au regard des problèmes systémiques que rencontre notre système de santé [les désert médicaux, les difficultés de recrutement, la crise de l’hôpital, etc.]. Il risque, par ailleurs, d’ajouter de la complexité dans un univers déjà difficilement compréhensible pour les assurés.
Qu’en est-il du troisième scénario ? Le troisième scénario est celui de la généralisation d’une complémentaire obligatoire universelle et mutualisée. Dans ce schéma, tous les français seraient obligés de s’assurer auprès d’une complémentaire santé. Aucun organisme ne pourrait refuser d’assurer quelqu’un. Cette réforme implique ainsi la reconnaissance de la complémentaire santé comme service d’intérêt économique général (SIEG), à savoir un service de nature économique « soumis à des obligations de service public dans le cadre d’une mission particulière d’intérêt général ».
Parce que ce scénario propose la généralisation d’une couverture santé complémentaire universelle à même de couvrir toutes les nouvelles formes d’emploi, il est conforme aux orientations de la CFTC, à savoir universaliser la protection sociale et éviter les différences de couverture liées au statut.
Par ailleurs, ce scénario met fin à la tarification à l’âge et ouvre la voie à la généralisation d’une couverture complémentaire universelle et obligatoire sur la perte d’autonomie. Revendication que la CFTC porte dans sa feuille de route sur le « Grand âge ». Toutefois, ce scénario reste incomplet dans l’état. La CFTC souhaite y ajouter des aménagements pour conserver la liberté des partenaires sociaux à négocier des contrats de complémentaire au niveau des branches professionnelles.
Propositions du HCAAM : le bilan de la CFTC
Si le scénario de la « Grande Sécu » n’emporte pas l’adhésion de la CFTC pour les raisons exposées ci-dessus, cette dernière estime, également, que nous ne pouvons pas nous satisfaire du « statu quo ». L’ampleur des transformations et les attentes de nos concitoyens demandent plus que des ajustements à la marge du modèle actuel. C’est pourquoi nous sommes favorables à l’approfondissement des réflexions sur la transformation de l’assurance complémentaire santé en Service d’intérêt économique général (SIEG). Par ailleurs, nous estimons que des pistes d’améliorations contenues dans le scénario un et le scénario trois pourraient être fondues dans un cinquième scénario alternatif. Un scénario qui laisserait toute leur place à l’ensemble des acteurs historiques de notre système de santé.
Enfin, il convient pour la CFTC de ne pas figer la réflexion sur un enjeu « architectural », sur « le qui rembourse quoi », mais de veiller à ce que la refonte de l’articulation entre Assurance maladie obligatoire et complémentaires soit en mesure de relever les quatre défis suivants :
- celui de la lutte contre les inégalités d’accès aux soins générées par des questions de « solvabilisation » d’un certain nombre de personnes ;
- celui de la lisibilité et de la simplification des démarches pour l’assuré ;
- celui du développement de la prévention, parent pauvre de notre système actuel ;
- celui de la territorialisation des politiques de santé où mutuelles et instituts de prévoyance, qui peuvent constituer de puissants relais pour la décentralisation des politiques de santé.