Suivez-nous

Xavier Després : « Sans un maintien des aides de l’Etat, le dispositif Territoires zéro chômeur est en danger »

2 novembre 2023 | Social

  • Partage

Lancée en 2016 pour lutter contre le chômage long, l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) voit son développement menacé : l’Etat n’a alloué que 69 millions d’euros au dispositif en 2024, quand le bon fonctionnement de l’initiative en demanderait 20 de plus, selon l’association qui supervise le projet. Pour protester contre ces manques budgétaires, des bénéficiaires du dispositif ont manifesté mardi 24 octobre à Paris et sur tout le territoire. C’était notamment le cas à Pontchâteau, commune de Loire-Atlantique où Xavier Després représente la CFTC au Comité local pour l’emploi. Il explique les conséquences que pourraient avoir cette fragilisation du projet, qui a permis à des milliers de gens éloignés du marché du travail de retrouver un CDI.

Xavier, en premier lieu, pouvez-vous nous résumer l’objectif et les moyens déployés par l’expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) ?

C’est un dispositif qui a vu le jour en 2016, dont l’objectif est de lutter contre le chômage de longue durée, à l’échelle locale. Il s’adresse aux personnes sans activité depuis au moins un an, que tous les autres procédés d’insertion n’ont pas réussi à reclasser. Elles sont embauchées en CDI dans des entreprises dites « à but d’emploi » (EBE), dont la création et le fonctionnement sont pris en charge par l’initiative. Depuis son lancement, ces EBE ont notamment permis la création de 2.200 emplois, sur plus d’une cinquantaine de territoires. Jusqu’ici, tout allait bien, mais l’Etat – qui prenait en charge les salaires des bénéficiaires de l’expérimentation à 102% du SMIC brut – a soudainement baissé son enveloppe de financement : cette contribution a été rabotée à 95% du SMIC, depuis début octobre.

La baisse des dotations de l’Etat menace-t-elle la pérennité de cette initiative ?

Clairement. Le dernier projet de loi de finances alloue une enveloppe de 69 millions d’euros à l’expérimentation pour l’année à venir. Mais on estime qu’il en faudrait 20 de plus pour que le dispositif puisse continuer de se développer et stabiliser son fonctionnement. La diminution de la contribution de l’Etat ne respecte pas les engagements qu’il avait pris au départ : cette expérimentation avec une fin prévue pour 2026 et tout le modèle économique du projet était bâti sur des règles de financement supposément stables. Les EBE ont besoin de temps, afin de dégager un modèle économique solide : pour avoir une structure à l’équilibre fin 2026, il faut une phase de développement, de recherche de marché, qui nécessite un appui renforcé de l’Etat. Sans lui, ces entreprises sont en danger. C’est pour ça qu’autant de gens ont manifesté ce 24 octobre, pour demander un maintien des moyens alloués à l’expérimentation.

Il y a eu notamment une mobilisation à Pontchâteau (Loire-Atlantique) où vous représentez la CFTC au Comité pour l’emploi local. Une EBE nommée Espacea y a été créé en 2022. Son existence est-elle menacée à plus ou moyen terme ?

Sans un maintien des subventions, la responsable d’Espacea nous a en effet expliqué que l’entreprise était potentiellement en danger. Aujourd’hui, Espacea emploie une soixante de personnes dans des emplois de services divers : réparation de mobilier, livraison aux commerces locaux, aides au bricolage ou au jardinage, des ateliers coutures etc…C’est très bien, mais ce ne sont pas des activités qui permettent d’assurer à l’entreprise un équilibre économique. Si les règles appliquées aux subventions étaient restées les mêmes, Espacea aurait eu jusqu’à 2026 pour démarcher des entreprises et conclure des contrats plus générateurs de revenus. C’était d’ailleurs ce que la société était progressivement en train de faire : elle est actuellement en négociation pour effectuer de la sous-traitance pour une entreprise nantaise, dans l’optique de coudre des assemblages isolant des canalisations. Cependant, la baisse de ressources pourrait empêcher la mise en œuvre de ce projet, puisque, faute de moyens, Espacea n’aurait plus les moyens d’embaucher de nouveaux salariés.

En parallèle des manifestations du 24 octobre, 250 maires et élus locaux ont signé une tribune dans Libération, pour défendre le maintien des moyens alloués au dispositif TZCLD. L’expérimentation est-elle universellement saluée ?

Oui, quasiment tous les retours sont positifs. Il faut comprendre une chose : les gens qui travaillent dans ces EBE ne vont la plupart du temps pas trouver de débouchés via Pôle emploi. Ils sont entravés par des problèmes de handicap, d’addiction, de garde d’enfants, qui sont des freins à l’embauche au sein des entreprises classiques. Ce dispositif est donc vraiment complémentaire de Pôle emploi : ceux qui en bénéficient nous disent souvent que, sans cette expérimentation-là, ils seraient toujours au RSA. Ils insistent pour nous expliquer que revoir du monde, bouger, se sentir actif, utile, moteur, c’est hyper important pour eux. C’est pour ça que cette resocialisation par le travail de gens très éloignés du marché de l’emploi est une initiative unique.

Le gouvernement a pour priorité le retour au plein-emploi d’ici 2027, avec un taux de chômage à 4,5 %. La baisse des dotations à l’expérimentation TZCLD n’envoie-t-elle pas un signal contradictoire à l’accomplissement de cet objectif ?

Ce qui est sûr, c’est que cette restriction de financement donne le sentiment que les travailleurs les plus fragiles sont un peu abandonnés en cours de route : celui qui n’a pas de diplôme, subit un chômage long, a des problèmes de logement, est en situation de monoparentalité avec des enfants en bas âge, n’aura qu’un seul dispositif adapté à sa situation : les entreprises à but d’emploi, qui lui permettent de se réinsérer et de retrouver une vie sociale. On ne désespère cependant pas de voir le gouvernement revoir sa position, en rehaussant le financement de TZCLD. Mais si les lignes budgétaires ne bougeaient pas, ce serait assurément une immense déception.

AC

Actualités, ressources, ne manquez rien abonnez-vous à notre newsletter

Actualités, ressources, ne manquez rien…

Abonnez-vous à la newsletter !