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Territoires zéro chômeur : une baisse regrettable des dotations

13 septembre 2023 | Social

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Lancée en 2016 pour lutter contre le chômage long, l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (ETCLD) voit son développement menacé par l’annonce d’une baisse de la contribution de l’Etat à son financement. La CFTC regrette la fragilisation de ce dispositif, qui a fait ses preuves en luttant contre la privation d’emploi, redonnant ainsi du sens au travail et de la dignité à plus de 2000 personnes qui ont retrouvé un CDI.

Repenser la lutte contre le chômage de longue durée, à l’échelle locale. Tel est l’objectif de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Lancée en 2016 dans 10 territoires pendant cinq ans, l’initiative avait été renouvelée en 2021, pour être testée dans 50 nouvelles zones urbaines ou rurales. Soutenu depuis son lancement par la CFTC, ce projet s’adresse aux personnes sans activité depuis au moins un an, que tous les autres procédés d’insertion n’ont pas réussi à reclasser. Concrètement, elles sont embauchées en CDI et au smic dans des entreprises dites « à but d’emploi » (EBE), dont la création et le fonctionnement opérationnel sont pris en charge par le dispositif. Celui-ci est notamment financé par le RSA que touchent ces personnes, qui est réorienté pour payer une partie de leurs salaires.

Un dispositif menacé

Si l’initiative revendique à ce jour la création de 2.200 emplois sur 58 territoires homologués, elle est fragilisée par la baisse des budgets qui lui sont alloués. Le ministère du travail a annoncé début août une diminution de 7 % du niveau de prise en charge des emplois créés dans le cadre de l’expérimentation, qui passera de 102 % à 95 % du SMIC brut à compter du 1er octobre et ce, jusqu’au 30 juin 2024. Cette réduction équivaut à une baisse de 122 euros, pour un temps plein mensuel. Pour pérenniser le dispositif, la CFTC avait pourtant rappelé que son implantation nécessitait de la prudence et de la rigueur : changer les règles du jeu en cours d’expérimentation risque en effet de dénaturer les résultats et les enseignements qu’on peut en retirer. Selon l’association Territoires zéro chômeur de longue durée – qui chapeaute le projet – ce rabotage budgétaire devrait confronter un grand nombre d’EBE à des insuffisances financières. Ces entreprises – dont le seul impératif est de proposer des biens et services qui n’entrent pas en concurrence avec d’autres professionnels déjà implantés à proximité – ne pourront en effet plus couvrir les salaires d’une partie des personnes qu’elles avaient déjà embauchées.

Maraîchage, recyclage de tissus, travaux à domicile, boutiques solidaires…les EBE peuvent couvrir un large panel d’activités et ont séduit 40 nouveaux territoires, qui envisageaient d’introduire le modèle d’ici un an. La réduction des parts de financement de l’Etat dans l’entretien du dispositif risque ainsi de décourager ces villes et agglomérations de s’essayer à son implantation. Par ailleurs, le mode de financement des EBE a également changé au niveau départemental, ce qui a fragilisé le maintien et le fonctionnement du modèle. Courant 2021, un décret a en effet changé la règle de contribution des collectivités : initialement, les départements s’engageaient à « verser ce qu’ils auraient versé si les bénéficiaires des EBE étaient restés dans le dispositif général du RSA. » Désormais, les collectivités territoriales sont tenues de financer la mesure zéro chômeur à minimum 15% de celle de l’Etat, ce qui a occulté des surcoûts budgétaires et incité certains départements à sortir du dispositif.

Continuer de combattre l’exclusion durable

Le désengagement partiel de l’Etat – qui semble vouloir davantage se reposer sur les collectivités pour financer les EBE – ne favorise donc pas le bon déroulé de l’expérimentation. Cette dernière a pourtant fait ses preuves, à bien des niveaux. La CFTC soutient depuis le début l’initiative zéro chômeur car elle fait écho à ses valeurs – qui placent l’humain au cœur de toutes relations – mais aussi à son action, afin que la dignité des travailleurs soit pleinement respectée. La CFTC constate par ailleurs les progrès notables du projet, désormais porteur de certitudes en terme d’accès à la formation des salariés des EBE, de dynamiques territoriales et même de modèle économique.

Si une évaluation de novembre 2019 pointait une différence négative de 4600 euros par an et par personne entre la contribution et le besoin de financement des EBE, cette étude concédait aussi que certaines économies n’avaient pas été prises en compte (accompagnement social, santé, action sociale etc…). Par ailleurs, la CFTC rappelle que cette expérimentation n’a jamais eu pour but de décharger progressivement l’Etat de ses responsabilités. Elle a pour objectif premier – via un budget stabilisé – de lutter contre la privation d’emploi, en redonnant de la dignité aux personnes qui retrouvent une activité professionnelle. Y parvenir est en soi suffisant. Si créer un CDI qui œuvre à une redynamisation territoriale génère un surcoût, la CFTC estime que cette dépense demeure secondaire, tant l’exclusion durable a un coût plus lourd pour la personne, mais aussi pour la société.

Trois questions à Xavier Després, représentant de la CFTC au Comité Local pour l’emploi (CLE) du territoire de Pont-Château (44)

Comment l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée s’articule dans votre département ?

« Dans le 44, une première EBE, nommée Espacea, a vu le jour l’année dernière dans la ville de Pont-Château. Elle propose divers services de réparation de mobilier, de livraison aux commerces locaux, d’aides au bricolage ou au jardinage, des ateliers coutures etc…Depuis, plusieurs autres villes du territoire réfléchissent à reproduire l’expérimentation, notamment Saint-Nazaire et Plessé.

Comment la création d’Espacea a été reçue sur le territoire ?

Globalement, les retours des salariés de cette EBE comme des locaux sont très positifs. En fait, on remarque que l’initiative n’a pas seulement réussi à réintégrer dans la vie active des gens très éloignés de l’emploi. Elle a aussi permis à certains d’entre eux d’être ensuite réembauchés dans une entreprise « classique », suite à leur expérience professionnelle au sein de cette EBE. Un cercle vertueux peut parfois se créer, c’est précieux.

Si l’Etat réduit sa participation dans le financement des EBE, l’expérimentation peut-elle péricliter dans votre département ?

L’équilibre économique du projet reste un sujet de préoccupation important pour tous ceux qui portent cette initiative à l’échelon local. Jusqu’ici, on n’était pas trop inquiet non plus, mais une baisse des dotations étatiques pourra peser, c’est certain. »

AC

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