Lutte contre le sexisme en entreprise
12 décembre 2016 | Social
Depuis 2015, l’agissement sexiste est condamné par le Code du travail. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP), auquel participe la CFTC, vient de publier un kit pour agir contre le sexisme dans le monde du travail.
Nommer, c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est agir.
Depuis 2015, l’agissement sexiste est condamné par le Code du travail. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP), auquel participe la CFTC, vient de publier un kit pour agir contre le sexisme dans le monde du travail. Trois outils à destination des employeurs, victimes et représentants du personnel y sont proposés. Il est téléchargeable et nourri d’exemples concrets pour que chacun puisse se l’approprier et agir.
« Nommer, c’est dévoiler. Et dévoiler, c’est agir », écrivait Simone de Beauvoir.
Jusqu’il y a peu, le sexisme était un « non –sujet », considéré comme un problème à la marge, fantaisiste, quand il n’était pas considéré comme un manque d’humour de la part de la personne qui s’en plaignait. Les actes relevant du sexisme « tissent un filet invisible qui limite le potentiel d’émancipation et d’épanouissement des femmes au travail », estime Myriam El Khomri, Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social et Vice-Présidente du CSEP. Et les conséquences peuvent être lourdes. Outre un frein à une carrière professionnelle, il peut avoir un impact sur la santé de ceux et celles qui la subissent. L’agissement sexiste est aujourd’hui condamné par la loi et les entreprises ont pour obligation d’inscrire leur interdiction dans leur règlement intérieur. Le CHSCT a un rôle dans la prévention des agissements sexistes (loi Travail du 8 août 2016).
En 2013, une étude sur le sexisme au travail menée auprès de 15 000 cadres de neuf grandes entreprises levait le voile sur l’ampleur de cette problématique. 80% des femmes se déclaraient régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes. Le 24 novembre dernier, cette situation est confortée par une nouvelle étude, réalisée à l’initiative des organisations syndicales, sur la population non cadre. 74% des femmes interrogées déclarent un ressenti identique. Une enquête CSEP de 2015, 93% estiment que ces attitudes peuvent amoindrir leur sentiment d’efficacité personnelle.
Des chiffres éloquents
En réponse à ces chiffres éloquents, et pour appuyer les lois qui condamnent le sexisme, le CSEP a produit un kit destiné à la lutte contre le sexisme dans le monde du travail. Une fiche juridique définit ce qu’est l’agissement sexiste à partir d’exemple concrets et précis : critiques ou phrases déplacées, conduites verbales ou postures corporelles, commentaires humiliants, fragilisation du sentiment de compétences liés au sexe de la personne. Des fiches repères pour agir dans l’entreprise. Celles-ci sont orientées selon les fonctions occupées dans l’entreprise : employeur ou responsable des relations humaines, délégués syndicaux et aux victimes. Une troisième partie présente « Dix leviers » pour faire évoluer les mentalités (« intégrer la lutte contre le sexisme dans le dialogue social », « construire une communication interne et externe dépourvue de stéréotypes de sexe », « prendre en charge les victimes et traiter les situations de sexisme », etc.).
Qu’est-ce que le sexisme ?
Le sexisme repose sur l’idée que les femmes sont inférieures aux hommes. Il regroupe des croyances et des comportements. Ses manifestations sont très diverses : des formes à l’apparence anodine (stéréotypes, blagues, remarques) jusqu’aux plus graves (discriminations, violences, meurtre). C’est le principal obstacle à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes !
Trois questions à Pascale Coton, Vice-Présidente de la CFTC, et partie-prenante de la commission CSED
En quoi dénoncer les agissements sexistes au travail était-il nécessaire ?
Le sexisme en entreprise est mal connu et nous pouvons le rencontrer dans l’organisation du temps de travail, comme le démontre le temps partiel subi qui s’impose aux femmes et que la CFTC dénonce. Souvent, elles aimeraient être à temps complet et pouvoir avoir une retraite calculée sur un temps plein. Le sexisme est également un frein au déroulement de carrière (une femme jeune peut être discréditée car supposée vouloir un bébé).
La parole des femmes, lors de réunions de travail, est souvent moins écoutée que celle des hommes qui échangent entre eux et font abstraction de ce que disent les femmes.
Un jugement est souvent donné sur leur tenue, leur attitude…
Par rapport à toutes ces attitudes, elles se mettent sur la défensive, se renferment et ont moins envie de créer et de s’engager.
Lors du lancement officiel du kit au Ministère du travail, je suis intervenue pour parler de l’omerta qui cache la réalité du sexisme en entreprises. Les femmes ne parlent pas, et si elles le font, on dira « encore une féministe ! ». Face à des blagues sexistes, on dira « mais c’est pour rire ! », mais la dixième blague sur le jeu sexuel ou sur les blondes ne fait plus rire. Nous passons au moins 8h par jour au travail, donc si l’on permet le sexisme dans l’entreprise, on le permet dans la société entière, dans son voisinage et dans sa famille ! Alors qu’en essayant de faire avancer la culture du respect de l’autre sur son lieu de travail, cela aura des conséquences positives dans la vie de tous les jours. Je pense que c’est le rôle d’une entreprise d’y faire attention.
Quel est l’atout de ce kit pour agir contre le sexisme ?
Ce kit apporte des éléments aux entreprises ainsi qu’aux délégués syndicaux et aux salariés. Il peut permettre, de dire qu’il y a des gestes et des paroles qui ne sont pas tolérables, au même titre que les mauvaises conditions de travail. Il faut parler des agissements sexistes, former les DRH, les chefs d’équipes, et à chaque fois que cela est possible, dénoncer une parole ou un geste.
Quel est le rôle d’un délégué syndical dans ce combat ?
Il doit bien connaître la réglementation. Je fais le lien avec une formation associée que la CFTC avait mis en place, « Projet mixité, égalité, qualité de vie au travail », et qui s’accompagnait d’un tour de France pour expliquer ce qu’étaient les discriminations et comment il fallait les dénoncer. Nous avions formé plus de 7200 de nos délégués syndicaux sur les discriminations. Je pense qu’il faut faire pareil avec le sexisme.