Guide méthodo (2/3) : négocier un accord d’entreprise en période de Covid-19 [MàJ le 13/05/2020]
14 avril 2020 | Social
Le dialogue social se poursuit pendant le confinement. Le délégué syndical est l’interlocuteur central pour faire le lien entre la direction et les salariés, et pour négocier des accords d’entreprise. Les modalités de la négociation doivent, en revanche, être adaptées à la situation.
- Lire aussi :
- Guide méthodo (1/3) : mode d’emploi pour le CSE en période de pandémie
- Guide méthodo (3/3) : quelles dispositions prévoir dans les accords Covid-19 ?
Comment négocier un accord en période de pandémie ?
Réunions physiques ou à distance ?
Les deux modalités de réunions sont autorisées. Si l’entreprise maintient son activité et l’effectif de ses salariés pendant cette période, elle peut continuer à mettre en place des réunions en présentiel. Elle devra cependant respecter les consignes et préconisations de sécurité sanitaire en terme de distanciation sociale notamment.
A noter : Si l’employeur choisit les réunions physiques, les élus placés en télétravail, en chômage partiel ou en arrêt maladie ou pour garde d’enfants, devront bénéficier de l’autorisation de déplacement dérogatoire, au même titre que les salariés qui se rendent sur leur lieu de travail.
Si l’entreprise est dans l’impossibilité d’organiser une réunion en présentiel, ou si elle souhaite éviter tout risque pour ses salariés, elle pourra choisir de mettre en place des réunions de négociation à distance au moyen d’une visioconférence, ou d’une conférence téléphonique.
Conseil CFTC : La visioconférence est le mode à privilégier en cette période particulière, car le contact audio et visuel est celui qui permet le mieux de se rapprocher des conditions réelles de négociations d’avant la pandémie.
Ce qui reste impératif c’est le respect du principe de loyauté. Ce principe est applicable à toutes les négociations y compris en période de pandémie ! Cela implique que les négociations soient menées collectivement et que l’ensemble des parties prenantes à la négociation soit convoqué aux réunions, sous peine de nullité de l’accord.
Attention : Il est aussi nécessaire que les représentants de salariés puissent s’exprimer et débattre en présence de l’ensemble des parties. La négociation doit être réelle. La crise sanitaire ne justifie en rien une exemption de négociation. L’employeur peut proposer un projet d’accord pour ouvrir la négociation mais des échanges, débats, propositions et contre-propositions devront avoir lieu.
Les délégués syndicaux peuvent-ils refuser de négocier à distance ?
L’employeur ne peut se voir imposer des réunions présentiels pendant la période de pandémie. Cependant le délégué syndical a le choix d’accepter ou de refuser les modalités de la négociation. L’employeur pourra alors poursuivre le processus de négociation tout en continuant à convoquer toutes les parties à la négociation, y compris ceux qui n’acceptent pas ces modalités. Il devra aussi procéder à l’envoi des documents d’informations nécessaires à tous les délégués syndicaux.
Quelles sont les règles de conditions de validité des accords applicables pendant la pandémie?
Les accords collectifs signés jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la fin de la période d’état d’urgence sanitaire et dont l’objet est exclusivement de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 (et aux conséquences des mesures prises pour éviter sa propagation) obéissent à un régime spécifique [Ord. nº 2020-306, 25 mars 2020, art. 11 bis, I nouv.].
Point de vigilance: il semble que ce régime spécifique ne concerne exclusivement que les accords de gestion du covid 19 puisque l’ordonnance indique clairement que leur objet est exclusivement de faire face aux conséquences du covid 19.Ils ne s’appliquent donc à priori pas aux accords type “NAO” ou accords spécifiques qui bénéficient d’un régime particulier tel que les accords sur les plans de sauvegarde de l’emploi, les ruptures conventionnels collectives ou les accords de performance collective.
Le régime spécifique concerne essentiellement les délais applicables:
-En cas d’accord majoritaire signé par des organisations syndicales représentatives pesant 30 % des suffrages, la période pendant laquelle les signataires peuvent demander un référendum des salariés concernant l’accord signé avec l’employeur est ramené d’un mois à huit jours. Dans cette situation, les autres organisations syndicales représentatives non signataires ont cinq jours au lieu de huit pour éventuellement apporter les signatures manquantes pour rendre l’accord majoritaire .
– Dans les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical, le délai séparant la communication aux salariés du projet d’accord d’entreprise de leur consultation en vue de l’adoption du texte qui est habituellement de 15 jours minimum ,est ramené à cinq jours ;
– Dans les entreprises d’au moins 50 salariés dépourvues de délégué syndical,
les élus au CSE ont normalement un mois pour répondre à l’employeur qui leur fait part
de sa volonté de négocier un accord collectif. Ce délai est ramené à huit jours.
À noter:Ces règles ne s’appliquent qu’aux délais qui n’avaient pas commencé à courir au 17 avril 2020, date de leur entrée en vigueur.
Sur quoi négocier en période de pandémie ?
L’entreprise devra-t-elle poursuivre les négociations en cours et son agenda social initialement prévu ?
Aucune interdiction ou obligation n’est faite en cette période particulière. Le gouvernement incite à reporter les négociations quand cela est possible mais laisse aussi la liberté aux entreprises de s’organiser notamment quand des impératifs législatifs ou conventionnels s’imposent à eux.
- Pour les négociations dites normales type” NAO “ou les négociations prévues à l’agenda social :
D’une manière générale nous recommandons de suspendre les négociations qui nécessitent du temps avec plusieurs réunions et de la préparation. Ce sera notamment le cas de négociations qui sont ouvertes pour des chantiers pluriannuels comme les grilles de classification par exemple, que vous devrez reprendre dans des conditions plus sereines.
A l’inverse, un accord à durée déterminée qui arrive à échéance pendant cette période de confinement, et pour lequel les parties doivent envisager une renégociation ou une prolongation, peut être négocié. Les projets de restructuration en cours, également pourront se poursuivre, de même que tous les accords qui entraineraient une rupture de droits pour les salariés s’ils n’étaient pas renégociés (mutuelles, prévoyance, épargne salariale etc.)
- Pour les négociations dites d’urgence pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire :
Elles peuvent concerner plusieurs thématiques tels que les accords sur la durée du travail, les congés payés, les modalités de mise en œuvre du chômage partiel, télétravail etc.
Conseil CFTC : Il est essentiel que tous les accords que vous négociez en vue de gérer les conséquences de la pandémie, soient à durée déterminée. Les accords de gestion de crise n’ont pas vocation à être pérennes. Prévoyez des durées courtes sur 3 ou 4 mois maximum avec possibilité de revoir l’accord, plutôt que de vous engager sur une période plus longue sans connaître les évolutions de la situation à court et moyen terme.
Cette période particulière appelle plus que jamais un dialogue social efficace et adapté, ainsi qu’une communication permanenten pour assurer un suivi quasi-quotidien de la situation dans l’entreprise.
Rien ne vous en empêche d’ailleurs d’organiser ces modalités de communication dans un accord d’entreprise :
- Modalités de contact entre les représentants du personnel et les salariés (intranet, plateforme téléphonique etc.)
- Mesures de lutte contre l’isolement,
- Plateforme employeur/ organisations syndicales pour aider aux démarches administratives des salariés avec des interlocuteurs dédiés.
- Newsletter à destination des salariés etc.
Comment conclure un accord en période de pandémie ?
Négocier à distance n’est pas la seule difficulté, il faut aussi pouvoir signer à distance et opérer les formalités de dépôt de l’accord. Sur ces sujets, le ministère du Travail a apporté des précisions.
Possibilité de donner mandat d’une organisation syndicale à une autre pour signer l’accord
Le ministère indique qu’une organisation syndicale peut donner mandat à une autre pour signer un accord collectif. Dans ce cas, « l’organisation syndicale peut définir précisément dans son mandat la version du projet d’accord qui emporte son consentement ou pour lequel elle donne mandat à l’organisation professionnelle ou à l’employeur ». Le ministère recommande « que le mandat soit écrit pour en faciliter la preuve, mais il peut résider en un simple mail pour autant que l’on puisse en identifier l’auteur ».
La signature manuelle
Elle est possible bien que complexe en cette période : l’employeur devra dans un premier temps envoyer le projet d’accord soumis à signature à l’ensemble des parties à la négociation afin que chacune le signe manuellement, selon l’une des modalités suivantes :
Cas de figure n °1 : les signataires disposent de moyens d’impression. Ils impriment le projet, le paraphent et le signent manuellement puis le numérisent (ou prennent en photo chaque page avec leur téléphone en s’assurant que le document soit lisible) et renvoient le document signé ainsi numérisé par voie électronique.
Cas de figure n °2: les signataires ne disposent pas de moyens d’impression. Un exemplaire du projet d’accord soumis à signature à chaque partie à la négociation peut être envoyé par courrier ou porteur. Une fois l’exemplaire reçu, chaque signataire peut signer et parapher puis numériser (ou prendre en photo) le document et le renvoyer par voie électronique.
S’il n’est pas possible que les signatures de l’ensemble des parties figurent sur le même exemplaire, « l’accord ainsi signé sera constitué de l’ensemble des exemplaires signés par chaque partie ».
La signature électronique
Les entreprises peuvent mettre en place un dispositif de signature électronique répondant aux exigences réglementaires nationales et européennes, « à savoir : être liée au signataire de manière univoque, permettre d’identifier le signataire, avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif, être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ». « Cette solution est parfaitement sûre juridiquement, une signature électronique délivrée par un prestataire de services de certification électronique ayant la même valeur qu’une signature manuscrite », souligne le ministère.
Consultation à distance des salariés sur un projet d’accord
Le ministère recommande de « ne pas réunir l’ensemble des salariés pour recueillir leur approbation à l’occasion d’une consultation » sur un projet d’accord collectif.
Un dispositif électronique de recueil de l’approbation des salariés à distance peut cependant être mis en place, dans les entreprises de moins de vingt salariés dépourvues t de membre élu de la délégation du personnel du CSE.
Le ministère du Travail rappelle deux principes électoraux fondamentaux à respecter : la confidentialité du vote et l’émargement des personnes consultées, afin d’éviter le vote multiple.
Afin de garantir l’intégrité du vote, les entreprises sont encouragées à joindre un récapitulatif de l’opération de vote électronique émis par le prestataire lors du dépôt de l’accord ».
Les accords d’entreprise devront être déposés en ligne en veillant à « regrouper l’ensemble des exemplaires signés en un seul fichier PDF », le cas échéant.