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France Télécom : un procès en appel, en plusieurs actes (3/3)

17 juin 2022 | Social

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Six anciens responsables de France Télécom sont rejugés depuis le 11 mai, et jusqu’à début juillet. En effet, ils ont fait appel de leur première condamnation pour harcèlement moral et complicité. Les cas de 39 travailleurs, dont 19 se sont suicidés entre 2006 et 2009, avaient été retenus en première instance.

Jacques Leroy est délégué syndical CFTC sur le périmètre Direction Orange Grand Nord-Est et secrétaire national de la section CFTC Orange.

À l’issue du premier procès, la direction d’Orange a mis en place un fonds d’indemnisation des victimes…

À la demande des organisations syndicales, dont la CFTC, la direction d’Orange a mis en place une procédure conventionnelle d’indemnisation des victimes, avec une commission de réparation indépendante, installée le 1er octobre 2019.

Les salariés, ex-salariés et les familles des victimes peuvent lui soumettre leurs dossiers, cela en toute confidentialité. 1 800 dossiers ont été examinés, dont 80 % à 90 % ont été retenus. Avec l’intersyndicale, nous avons demandé une possibilité de recours pour les dossiers rejetés.

Les managers qui ont harcelé leurs collaborateurs entre 2006 et 2009 sont-ils toujours en place ?

Certains le sont, oui. D’autres ont été mutés. Mais il faut relativiser : tous n’étaient pas au même niveau hiérarchique. En outre, certains ont essayé de proposer des mobilités supportables aux membres de leur équipe. D’autres ont eux-mêmes subi des pressions…

Stéphane Richard, quand il a pris la tête de l’entreprise, a institué une enquête triennale sur les conditions de travail…

En effet. Le cabinet Technologia réalise cette enquête anonyme. Le Comité national de prévention du stress, composé des organisations syndicales représentatives, en examine les résultats. Les conditions de travail se sont améliorées, ainsi que le ressenti sur la ligne managériale. Aujourd’hui, on observe plutôt une stagnation.

Un autre dispositif a été mis en place afin de prévenir les cas de souffrance au travail et de harcèlement. Le cabinet Nayan en était chargé, jusqu’à ce que la CFTC mette en cause son impartialité dans une lettre ouverte à Stéphane Richard et au DRH. Fin 2021, il a été remplacé par quatre autres cabinets, et la procédure d’intervention a été revue.

Que retenez-vous du passage de Stéphane Richard ?

Il a su apaiser les tensions. Il a tenu compte de l’aspect humain dans sa stratégie, a pris des mesures de prévention des risques psychologiques. Par exemple, un numéro vert a été mis à disposition des salariés. Néanmoins, à l’heure actuelle, le dialogue social s’appauvrit.

C’est-à-dire ? Où en est-on aujourd’hui ?

Au sein d’Orange, la CFTC n’est représentative que dans trois périmètres sur 14. Cependant, les autres organisations syndicales nous ont accordé un siège au CSE central. Et nous constatons qu’il n’y a pas de réelle concertation : la direction arrive aux réunions avec des projets déjà ficelés. L’entreprise poursuit sa stratégie de transformation et continue de réduire les effectifs. Quant aux négociations annuelles obligatoires, cela fait trois années de suite qu’elles se concluent par une décision unilatérale de l’employeur, faute de signature.

Les salaires ne suivent plus l’inflation, mais les rémunérations des dirigeants, elles, augmentent. En outre, les effectifs ne cessant de diminuer, des services entiers se vident. En fait, la charge de travail est transférée à la sous-traitance. Ce qui génère des inquiétudes sur l’avenir, renforcées par le changement de direction[1]. Il est donc essentiel, pour tous les salariés, que le jugement de première instance soit confirmé et leur souffrance reconnue. L’enjeu est de consolider cette jurisprudence inédite concernant le harcèlement systémique.

[1] Christel Heydemann est directrice générale depuis le 6 avril 2022 et Jacques Aschenbroich président non exécutif depuis le 19 mai 2022.

Laurent Barberon

Jugement du tribunal correctionnel de Paris (20 déc. 2019)

  • – Orange (ex-France Télécom) : 75 000 euros d’amende pour harcèlement moral institutionnel.
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  • – Didier Lombard (ex-P.D.G.), Louis-Pierre Wenès (n° 2), Olivier Barberot (ex-DRH) : un an de prison dont 8 mois ferme et 15 000 euros d’amende, pour harcèlement moral.
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  • – Jacques Moulin, Brigitte Dumont, Nathalie Boulanger et Guy-Patrick Cherouvrier : 4 mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende, pour complicité de harcèlement moral.
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  • – Chacun des prévenus : 40 000 euros de dommages et intérêts.
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