Santé au travail dans la fonction publique, un devoir, une urgence 2/2
6 mai 2022 | Social
Le gouvernement vient de lancer un plan santé au travail dans la fonction publique. Fruit de longues années de concertation, il est aussi le fruit d’un rapport : « Santé, sécurité, qualité de vie au travail dans la fonction publique : un devoir, une urgence, une chance ». Rencontre avec Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC et co-rapporteur du rapport, pour en discuter.
Nous avons donc d’un côté une absence de médecine du travail, mais qu’avons-nous de l’autre ?
Des initiatives personnelles des équipes et de leur direction… Des pôles anti-suicide ont, par exemple, été créés dans certains commissariats, avec l’accord de psychologues. Ces initiatives nous ont beaucoup intéressés. Il pouvait parfois s’agir de petites initiatives, mais toujours efficaces.
Par exemple, à l’hôpital du CHU de Rouen, la gestion de temps entre les missions du quotidien et l’organisation du travail représentait un problème. L’équipe d’un des services a donc décidé de s’accorder un quart d’heure tous les matins pour discuter des objectifs et de ce qui pouvait être amélioré. Si un service fonctionnait bien, un autre service demandait à être conseillé, etc.
De la « tambouille interne » ?
Oui, on peut dire ça comme ça. Un autre exemple est la mairie de Poissy, qui luttait contre un absentéisme stagnant depuis quelques années. Quand le maire, Karl Olive, est arrivé aux affaires, la ville a mis en place une initiative destinée à renforcer le bien-être des agents de la collectivité, notamment par le sport. L’idée était la suivante : des agents qui pratiquent une activité sportive sont des agents qui seront mieux dans leur corps et dans leur esprit.
Plusieurs améliorations sont ressorties de cette initiative, comme une diminution des arrêts de courte durée. La mairie a même fait une économie de 100 000 euros, l’équivalent de trois emplois à temps plein. Cela a également favorisé une relation de confiance entre les agents de la mairie et les habitants de Poissy. Nous pouvons parler d’un véritable cercle vertueux.
Les initiatives personnelles sont louables, mais ne fallait-il pas une application à plus grande échelle ? Est-ce pour cela que le gouvernement a décidé d’appliquer vos recommandations et de lancer ce plan santé au travail ?
En réalité, cela vient d’une volonté d’appliquer les bonnes pratiques, en termes de santé au travail, du privé à la fonction publique, voire de mutualiser les deux. Nous avions remarqué en effet que dans des entreprises avec autant d’employés du privé que du public, La poste, par exemple, certains outils et services [inspection du médecin sur le lieu de travail, cabine de télémédecine, infirmerie, etc., Ndlr] à la disposition des salariés du privé ne l’étaient pas pour ceux du public. Il fallait tout simplement généraliser toutes ces bonnes pratiques.
À travers ce rapport, nous avons véritablement essayé de mettre des mots sur les maux.
Nous avons essayé de détecter les bonnes pratiques et de les recenser, pour dire au gouvernement : « regardez, ça existe, ce n’est pas cher. Il faut le démultiplier ». Rappelons toutefois que ce plan était une demande de l’État. Ce qui est une bonne chose, car il fallait que la santé au travail devienne un sujet politique.
Justement, le 1er mai dernier marquait la fête du Travail. À cette occasion, nous avons pu entendre que la France serait le leader européen des accidents mortels au travail. Êtes-vous d’accord avec ça ? La France est-elle mortelle pour ses travailleurs et travailleuses ?
Je ne suis pas étonnée par cette affirmation. En cause : le manque de prévention. Cela va faire plusieurs années que la CFTC milite pour plus de prévention dans la santé au travail. La crise du Covid-19 a, par exemple, révélé que la faiblesse des politiques de prévention a creusé les inégalités de santé. Notre système ne réussit pas à contrer efficacement les inégalités de santé car il n’a pas mis en œuvre une réelle politique de prévention de long-terme.
Ce pourquoi La CFTC souhaite repenser en profondeur l’ensemble des modèles de financement de notre système de santé pour faire de la prévention une priorité transversale à l’échelle des territoires. Avec plus de moyens alloués, nous pourrions former plus et mieux. Nous pourrions également augmenter le nombre de médecins du travail.
Nous avons la chance en France d’avoir une fonction publique. C’est donc un devoir et une urgence de protéger ses fonctionnaires.