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Salaires, hausse des sinistres climatiques, santé au travail : comment répondre aux nouveaux enjeux du secteur de l’assurance ?

26 novembre 2024 | Rémunération & Pouvoir d'achatSocial

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Fin octobre, la CFTC et les autres syndicats représentatifs du secteur de l’assurance avaient été conviés à une réunion organisée par le Ministère du Travail. Ils ont débattu d’une prochaine réévaluation des grilles de classification de la branche assurantielle, qui n’ont pas été revues depuis 1992. Virginie Le Pape, présidente CFTC du Syndicat National de l’Assurance et de l’Assistance, a représenté notre organisation lors de cette réunion. Elle revient ici sur les thèmes structurants de ce colloque, où elle a aussi tenu à évoquer les enjeux de santé au travail et d’égalité professionnelle propres aux salariés du secteur.

Virginie, en préambule, pouvez-vous vous présenter et nous résumer votre parcours syndical ?

Bien sûr. Je travaille au sein du groupe Allianz, au sein duquel j’ai exercé en tant que conseillère en gestion de patrimoine certifiée, avant d’être détachée auprès de la CFTC en 2019. S’agissant de mon expérience syndicale, j’ai exercé mes premiers mandats en tant que déléguée du personnel en 2008. Aujourd’hui, je suis élue titulaire au sein du CSE de l’entreprise. Depuis mon élection à la présidence du Syndicat National de l’Assurance et de l’Assistance (SN2A-CFTC) en 2021, j’officie également comme négociatrice et cheffe de file CFTC au sein de la branche assurance.

Venons-en à cette réunion du 25 octobre, organisée par la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Pour quelles raisons a-t-elle jugé nécessaire de convier les partenaires sociaux représentés dans la branche assurance ?

En amont de cette réunion, le ministère du travail a mené un diagnostic au niveau national. A l’issue de cette évaluation, ils ont identifié 17 branches professionnelles, où les revenus minimums annuels (RMA) et les grilles de classification n’étaient pas à jour. Or, au niveau de la branche, les grilles de qualification des métiers de l’Assurance n’ont pas bougé depuis 1992…La CFTC et les autres partenaires sociaux ont donc été conviés, à cet effet.

En quoi ces grilles de classification obsolètes pénalisent-elles les salariés du secteur ?

Le cas échéant, on a sans doute trop laissé la main aux entreprises, ce qui a pu créer des situations illégitimes. Par exemple, certaines entreprises vont catégoriser des postes en classe 5, annexés à un certain niveau de salaire, de responsabilités et de qualifications. Mais d’autres vont catégoriser des métiers identiques ou similaires – tant en terme de compétences que de responsabilités exigées – en classe 4. On observe parfois ces disparités au sein d’une même entreprise, dans des services différents ! En somme, si la branche ne fixe pas un cadre minimum adapté au niveau des classifications, on facilite l’émergence de situations inéquitables. C’est ce qu’il nous faut rectifier et changer ici.

Le propre d’une grille de classification, c’est de classer les emplois dans un secteur professionnel, en fonction des compétences nécessaires aux salariés pour réaliser certaines tâches. Mais depuis 1992, les métiers du secteur ont dû énormément changer non ?

Tout à fait, et c’est précisément le cœur du problème. La digitalisation des métiers a, évidemment, largement changé la façon qu’on a de les exercer.  Ensuite, il y a beaucoup de métiers différents dans l’assurance mais ils partagent quasiment tous une évolution commune : la hausse du niveau des compétences requis pour les exercer. C’est en priorité dû à la complexification croissante de l’environnement législatif et réglementaire du secteur. Les clients sont également plus avertis et exigeants. Il est aujourd’hui beaucoup plus compliqué de traiter les demandes des clients – de la souscription à l’indemnisation du contrat – qu’il y a 20 ou 30 ans. Les salariés de l’assurance sont et doivent donc être encore plus et mieux formés.

Pour résumer : les salariés ont de plus en plus de responsabilités.

Oui, notamment du fait de la hausse de la technicité des métiers du secteur. Certains d’entre eux ont aussi parfois des responsabilités managériales, sans bénéficier des salaires significativement plus élevés que ceux qui n’en ont pas. Voilà pourquoi nous sommes plusieurs organisations syndicales à souhaiter à tout prix l’actualisation des classifications, pour qu’elles soient enfin adaptées à la transformation des métiers. Celles-ci devront répondre à deux enjeux : tout d’abord, elles devront assurer une juste reconnaissance du niveau des collaborateurs, contractuellement et financièrement. Ensuite, il faut qu’elles spécifient adéquatement le niveau de compétences demandé à chaque métier de l’assurance, dans l’optique de pouvoir répondre au mieux aux demandes et besoins des clients.

La multiplication des sinistres climatiques impacte-t-elle aussi l’activité des travailleurs du secteur ?

C’est une certitude. Il y a de plus en plus de sinistres environnementaux, ce qui augmente mécaniquement la charge et la pression au travail des salariés. Pour pouvoir répondre à cette forte demande, des heures supplémentaires sont mises en place. Elles sont certes effectuées sur la base du volontariat, mais on a également tendance à faire comprendre aux salariés que ça serait bien d’en faire un peu plus, histoire qu’on ne se retrouve pas avec des stocks de dossier en retard…

Comment répondre à cette hausse de la charge et de l’intensité de travail ?

Pour la CFTC, les employeurs du secteur doivent embaucher, et pas seulement via des contrats temporaires. Aujourd’hui, de nombreuses personnes sont certes recrutées en CDD et en intérim, mais il faut les former. A qui cette tâche incombe? Aux salariés, ce qui s’ajoute à leur charge de travail classique. Ça, ce sont des choses qu’il faudrait pourtant préalablement négocier en entreprise, notamment via une mise en œuvre plus importante du tutorat. Nous avons plus largement besoin de main d’œuvre qualifiée dans le secteur de l’assurance. Nous avons des carences d’effectif importantes et identifiées sur certains métiers, par exemple au niveau de la gestion des sinistres et des indemnisations, ou encore des commerciaux en santé prévoyance.

Lors de ces discussions avec la ministre du travail, la CFTC a notamment évoqué le cas particulier des commerciaux, dont le revenu minimum annuel (RMA), fixé par la branche, est aujourd’hui totalement obsolète…

Absolument. La CFTC a voulu alerter quant à la situation des commerciaux, qui représentent près de 13.000 des 157.000 salariés du secteur. Du fait de la hausse des contraintes environnementales et de la complexification croissante du droit des assurances, les commerciaux débutent de nos jours en entreprise à niveau bac +3, +4 ou +5. Sans oublier les formations obligatoires qu’ils doivent suivre, pour pouvoir vendre les produits d’assurance. En somme, le niveau de qualification requis a radicalement augmenté. Pourtant, leur revenu minimal annuel, qui correspond plus ou moins au SMIC, est resté identique. Certes il y a une part de variable – ils peuvent toucher des commissions-  mais ce n’est pas admissible. A cet égard, la CFTC souhaite revoir totalement la RMA pour les commerciaux et inspecteurs d’assurance.

La CFTC a également pointé les enjeux de santé au travail, sur lesquels doivent se pencher les salariés et entreprises de l’assurance.

C’est un sujet prioritaire, oui. Car le secteur assurantiel a un taux d’absentéisme assez important, notamment chez les séniors. Cela pose un certain nombre de questions : comment faire pour que les gens ne finissent pas leur carrière professionnelle en cumulant les arrêts de travail, parce qu’ils sont sur les rotules ? Comment donner aux salariés la possibilité de rester au sein de leur entreprise, en les reformant à partir de 45 ans ? Heureusement, dans l’Assurance, nous avons les moyens d’agir, pour proposer des solutions adaptées.

Quelles solutions ?

Au niveau de la branche, nous menons actuellement des concertations qui pourraient aboutir à des accords GEPP (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) ou sur l’emploi des séniors, ce qui ferait de notre secteur un milieu professionnel précurseur, sur ces enjeux-là. On pourrait, entre autre choses, ne plus seulement rendre obligatoire le premier entretien de mi carrière à 45 ans, mais prévoir aussi d’autres rendez-vous à 50, 55 et 60 ans. Ou encore, faciliter la possibilité pour les séniors d’aménager leur temps de travail, via la mise en œuvre de dispositifs de retraite progressive plus flexibles et accessibles, augmenter le nombre d’heures de formation dont pourraient bénéficier les salariés séniors etc…

Lors de cette réunion avec la ministre du travail, la CFTC a aussi souligné la nécessité de favoriser l’égalité professionnelle, dans la branche assurance.

Les enjeux liés à l’égalité professionnels sont en effet prégnants dans la branche. Il y a plus de 60% de femmes dans le secteur mais on constate qu’à partir de la classe 7 des grilles de classification, le taux de salariées chute à 43%. Et plus on monte en hiérarchie, moins elles sont représentées : parmi les cadre de direction, elles ne sont que 34%. Dans la branche assurance, on progresse néanmoins petit à petit. Mais il reste beaucoup d’efforts à faire et c’est à nous, organisations syndicales, de continuer de militer en ce sens.

AC

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