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La France s’engage dans la lutte contre le travail des enfants

23 novembre 2021 | Social

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La France lance sa stratégie nationale d’accélération pour mettre fin au travail des enfants et au travail forcé. Dans sa lutte, elle a fait appel aux partenaires sociaux. La CFTC s’est entretenue avec Joseph Thouvenel, secrétaire confédéral en charge de l’Europe, pour parler des actions mises en place. Le devoir de vigilance est de mise.

Travail des enfants

Souhaitant accélérer ses efforts dans la lutte contre le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le travail des enfants, la France vient d’accéder au statut de pays pionnier au sein de l’Alliance 8,7. Pouvez-vous nous dire ce que revêt ce statut ?

Accéder au statut de « pays pionnier », c’est prendre des engagements pour être moteur, au niveau national, dans la lutte contre les formes les plus indignes d’exploitation des populations les plus vulnérables et entraîner d’autres pays à prendre des engagements et à les tenir. La situation est inquiétante pour certains dossiers comme celui du travail des enfants.

Les chiffres publiés conjointement par l’Organisation international du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) mettent en lumière une aggravation du travail des enfants dans le monde, une première depuis plus de 20 ans. Il s’agit, en 2020, de 160 millions d’enfants concernés. Ces enfants risquent non seulement leur vie, mais aussi leur avenir sans scolarisation. Nous pouvons donc être très heureux que la France ait engagé cette démarche.

Ce sont, par ailleurs, des sujets que la CFTC a à cœur depuis sa création en 1919. C’est pour cela que nous nous impliquons dans cette lutte via, notamment, la mise en œuvre d’actions et d’évènements, tels que nos séminaires européens en partenariat avec le Centre européen pour les travailleurs (EZA). Grâce à ces séminaires nous montrons, aussi, que la CFTC a la capacité de fédérer.

Quelles sont les actions de la France pour accéder à ce statut ?

Sous la direction de la Déléguée du gouvernement français à l’OIT, Anousheh Karvar, la France a réuni l’ensemble des acteurs français à travers cinq groupes de travail dédiés : les administrations publiques, les réseaux d’entreprises, les partenaires sociaux, les associations et Organisations européennes et internationales. L’objectif : recenser les actions existantes et initier un processus multipartite dans le but d’accélérer les actions déjà déployées dans la lutte contre le travail forcé, l’esclavage moderne, la traite des personnes et le travail des enfants. Ces groupes de travail ont donné lieu à de nombreuses pistes pour solutionner ces quatre fléaux.

La CFTC s’est particulièrement fait remarquer auprès de la Déléguée grâce à une proposition pour mettre fin au travail des enfants. Pour nous, il est urgent de prioriser le secteur du textile et celui de l’industrie minière. Pourquoi ces deux industries ? Car on y trouve les formes d’exploitation les plus abominables. Prenons l’extraction de minerais. Aujourd’hui, 80 % de la production du cobalt provient du Congo. Matière utilisée pour la fabrication de nos appareils électroniques et les batteries de nos voitures électriques, son exploitation, ses enjeux sociaux et environnementaux, interpellent à plus d’un titre.

Vous avez mentionné les partenaires sociaux dans la liste des cinq groupes de travail dédiés à la lutte contre les grands fléaux évoqués. Quel rôle les organisations syndicales peuvent-elles jouer ?

Parce que notre premier rôle est celui de la protection des travailleurs, nous sommes des acteurs incontournables dans la lutte contre le travail forcé et celui des enfants. Notre autre rôle est celui d’informer. Nous devons informer le public sur certaines thématiques et de facto faire entendre la vérité.

Un exemple concret est celui de travailleurs clandestins dans les élevages de volailles. Ces derniers travaillent dans des conditions abominables pour livrer les grandes chaînes de restauration rapide dans des temps records. Face à ces pratiques, nous devons informer le consommateur sur le fait que derrière un repas commandé, se cache des individus exploités en bout de chaîne. À l’échelle européenne, si nous travaillons ensemble, agissons ensemble et nous adressons ensemble aux gouvernements et à la Commission européenne, nous serons plus forts.

Quelles solutions pouvons-nous proposer à la coopération internationale pour mettre fin à ces problématiques, notamment à celle du travail des enfants ?

Il existe différentes « gammes » de solutions. Nous devons d’abord essayer d’identifier les points les plus sensibles. Par la suite, faire pression sur les pays et les réseaux. C’est donc un problème de police. Dans ce contexte, la lutte contre la corruption est primordiale. Il faut démonter les réseaux de blanchiment d’argent, les paradis fiscaux. Au Congo, les mines dans lesquels les enfants travaillent sont, pour la plupart, illégales au grand dam du gouvernement congolais. C’est un problème qui se résout sur le temps long, mais nous devons le faire.

C’est, également, un problème d’inspection du travail. Là encore, nous devons faire pression sur les pays.

Il faut que les règles de l’OIT soient respectées partout dans le monde au niveau local, national et international.

C’est pourquoi les inspections du travail indépendantes des pouvoirs politiques et financiers sont essentielles. Mettre un terme au travail des enfants passe aussi par le droit à l’éducation, notamment des jeunes filles. Enfin, et je le répète, nous devons informer le consommateur, car, en réalité, c’est lui le véritable chef.

Pour la CFTC, il s’agit d’avancer de façon concrète et pratique. Certaines multinationales donneuses d’ordres commencent à faire des efforts et à vérifier le long de la chaîne de valeur, notamment la sous-traitance. Nous avons besoin de cette exemplarité. Une entreprise qui agit de façon responsable peut en inciter d’autres car elle sera bien perçue par les consommateurs.

Vous avez mentionné l’industrie minière comme secteur à privilégier dans la lutte contre le travail des enfants. Fait intéressant, le cobalt, par exemple, est un métal privilégié de la transition énergétique. Comment voyez-vous ce paradoxe ?

D’une part, nous avons 40 000 enfants travaillant dans d’horribles conditions au Congo. De l’autre, notre société fait la promotion de voitures électriques. Je n’ai rien contre la voiture électrique, mais nous devons veiller à ce que les personnes qui travaillent à extraire le cobalt soient correctement traitées et rémunérées, et ne soient en aucun cas des enfants.

Nous devons mettre en place des filières propres pour les travailleurs. C’est une question de volonté. Cette lutte commence avec la conviction que chaque être humain est une personne à la dignité inaliénable et qu’un être humain n’est pas un objet, une chose, un matériel. Ce qui différencie la CFTC est sans doute l’aspiration plus élevée à la transcendance.

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