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« C’est sur les fonctionnaires que l’on s’appuie pour faire tourner l’administration et les hôpitaux », Rémy

27 avril 2020 | Visages du syndicalisme

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Une commune de 20 000 habitants à l’heure du confinement dans la région très éprouvée du Grand Est… Comment ça marche ? Rémy Boulet(1), qui travaille pour la mairie de Lunéville en est fier : c’est grâce à l’attachement des agents territoriaux au service public.

Lunéville est une ville de Meurthe-et-Moselle, dans le Grand Est, une région particulièrement touchée par le Covid-19. Que diriez-vous de la situation actuelle ?

Lunéville est relativement épargné jusqu’à présent. Par chance, nos Ehpad ne sont pas touchés. Nous connaissons globalement une hausse des décès mais les services des cimetières ne sont pas débordés. Un signe nous inquiète un peu cependant : les mairies de France ont reçu une demande nationale de recensement des caveaux provisoires(2), ce qui laisse craindre des saturations dans certaines communes.

Comment s’organise la continuité du service public ?

Lunéville(3) est une ville de 20 000 habitants. Sur les 330 agents territoriaux de la commune, 20 agents sont en télétravail, essentiellement dans les services RH et communication. 24 % des effectifs, soit 80 personnes, sont présents physiquement. En tête : les policiers municipaux. Mais aussi le service d’état civil – car on ne peut interrompre le recensement des naissances et des décès -, la permanence d’accueil à la mairie pour rassurer et renseigner la population, les services des cimetières…

Quel dispositif s’applique aux agents qui ne travaillent pas ?

Dans la fonction publique, il n’y a pas de chômage partiel. Les agents territoriaux dont les missions ne permettent pas de télétravailler ou dont la présence physique n’est pas indispensable à la continuité du service public sont chez eux sous le dispositif de l’ASA, l’autorisation spéciale d’absence. Et puis il y a quelques cas de malades du Covid.

Vous êtes vous-même agent territorial à Lunéville. Quelles sont vos missions et votre situation ?

Je suis placier-régisseur des marchés, gestionnaire des forêts communales et enquêteur à l’office français de l’intégration et de l’immigration (l’OFII). Mais ces derniers temps, ce sont les marchés et le syndicalisme CFTC qui occupent tout mon temps.

Les marchés ont fait l’objet de nombreuses discussions et de revirements gouvernementaux. C’est votre domaine ! Comment cela se passe-t-il à Lunéville ?

Trois marchés ont toujours été maintenus. Dès le début du mois de mars, on avait réorganisé les marchés en prévoyant 8 à 12 mètres entre les étals et une allée centrale de 25 m de large, alors que d’habitude les commerçants sont collés les uns aux autres et l’allée ne fait que 5-6 mètres. Sur 80 commerçants en temps ordinaires, seulement 10 à 15 sont autorisés aujourd’hui. Uniquement des commerces alimentaires. Après l’interdiction des marchés par le gouvernement, nous avons obtenu une dérogation préfectorale parce que nous avions prouvé notre sérieux. Dix jours plus tard, alors que 25 % des marchés étaient autorisés à rouvrir, les conditions d’organisation de Lunéville étaient les standards imposés. J’avoue qu’on est assez fier de cela.

À chaque fois, la police municipale est présente ?

Non ! Seulement si je les appelle. Je suis sur tous les marchés et je constate que globalement les gens sont très respectueux des consignes : ils font leurs achats et repartent sans tarder. Mais la fréquentation est importante, et s’il se trouve plus de cent personnes sur le site, nous demandons aux commerçants de servir plus vite et la consigne est « une seule personne par famille ».

Quand vous vous rendez sur les marchés, êtes-vous équipé d’un masque et de gants ? Plus globalement, les agents en poste physiquement sont-ils protégés ?

Nous avons tous eu des équipements de protection individuelle dès le début du confinement. Maintenant, nous avons même des visières ! Jeudi dernier, j’avais constaté que nous n’avions plus de gants et j’ai été réapprovisionné moins d’une heure plus tard. Sur ce point, à Lunéville, c’est vraiment satisfaisant.

Qu’est-ce qui est moins satisfaisant ?

On mène un combat syndical ardu sur le sujet des jours de congé que l’on essaie de nous imposer. La CFTC est montée au créneau tout de suite en rappelant aux agents que ce n’était pas obligatoire mais on reste vigilant. Année après année, la fonction publique a été malmenée … Aujourd’hui, c’est sur les fonctionnaires que l’on s’appuie pour faire tourner les administrations et les hôpitaux !

C’est une période éprouvante émotionnellement. Comment vos collègues vivent-ils cela ? Et vous-même?

Le taux de stress est vraiment important. Mais je suis fier de la solidarité dont font preuve mes collègues. On ressent une volonté profonde d’assurer la continuité du service public.

Dans votre commune, est-ce qu’on anticipe le déconfinement ?

Pour l’instant, rien de plus que la fourniture de masques aux Lunévillois. Car nous n’avons que peu d’informations sur ce déconfinement. La commune gère d’abord le quotidien, au gré des directives nationales.

 

Propos recueillis par Stéphanie Baranger

Crédit Photo : Taoufik Douiri

 

 

  1. Rémy Boulet est président de la section des territoriaux de la mairie de Lunéville, délégué du personnel au comité technique et au CHSCT, membre élu du syndicat départemental des agents territoriaux de Meurthe-et-Moselle. Et depuis le dernier congrès de novembre 2019 : conseiller confédéral en charge des Jeunes.
  2. Le caveau provisoire a pour fonction d’abriter temporairement un cercueil avant qu’il rejoigne sa sépulture, son caveau funéraire définitif ou qu’il soit incinéré.
  3. À Lunéville, le conseil municipal a été renouvelé à l’issue du premier tour des élections municipales mais n’a pas eu le temps de se réunir pour élire le maire et ses adjoints. C’est donc l’ancienne équipe qui reste aux commandes.

La continuité du service syndical

« Avec les adhérents, on garde des contacts fréquents par mails et par sms et j’ai mon binôme du syndicat des territoriaux, Christophe, au téléphone quasiment tous les jours. J’échange très régulièrement avec Aurélie Chasseboeuf au sujet de nos missions liées à la commission Jeunes CFTC. Et je travaille avec les services confédéraux par mail et par téléphone. Après quinze premiers jours d’adaptation un peu difficiles, on a trouvé des modes de fonctionnement… avec d’autres outils. »

Des nouvelles des Jeunes CFTC

Avec Aurélie Chasseboeuf (également membre du conseil confédéral, issue du collège Jeunes), nous avons créé un groupe Messenger, sur lequel nous recevons des infos des uns et des autres en France : les difficultés dans le monde hospitalier, les conditions de télétravail… C’est essentiel de garder cette visibilité et surtout de conserver ce lien. Même si on ne peut plus être sur le terrain, grâce aux réseaux sociaux, on reste mobilisés. »

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