Suivez-nous

Anciens mineurs : en Moselle, le combat de Patrick Flick pour la reconnaissance des maladies professionnelles

17 novembre 2025 | SantéSocial

  • Partage

Ex-mineur des Houillères du Bassin de Lorraine, Patrick Flick est délégué syndical CFTC à Freyming-Merlebach, en Moselle. Le cœur de son combat ? Faire reconnaitre comme maladie professionnelle les nombreuses pathologies dont sont victimes les anciens salariés des mines de charbon. Pour la première fois, il a obtenu pour l’un d’eux la reconnaissance de l’origine professionnelle de son cancer du sein. L’aboutissement d’une procédure longue de 10 ans, sur laquelle revient celui qui défend les intérêts des mineurs, depuis le milieu des années 1980.

Patrick, cet été 2025, vous avez pu définitivement obtenir la reconnaissance comme maladie professionnelle du cancer du sein d’un ancien salarié d’une mine des Houillères. Est-ce une première, s’agissant de ce type de maladie ?

Ce n’est pas exactement un cas commun, oui. Le gros de mon travail, ça a toujours été de traiter des dossiers liés à des cas de silicoses, de bronchites, d’amiantes, de cancers de la peau, de la prostate, des reins, afin d’obtenir pour les travailleurs des mines des rentes d’accidents de travail et une reconnaissance de leur maladie professionnelle (en vue d’une prise en charge par la Sécurité Sociale). S’agissant du cancer du sein, cette pathologie n’est en revanche classée dans aucun tableau des maladies professionnelles du Code de la Sécurité sociale : il fallait donc prouver le lien essentiel et direct entre l’activité professionnelle et la maladie.

Comment en êtes-vous venu à instruire et défendre ce dossier ?

La personne concernée m’a directement contacté, tout simplement. Avant que les mines des Houillère ne ferment une à une, j’effectuais mes tournées syndicales entre les différents puits de la région et j’ai fait la rencontre de ce salarié là-bas, sur place. A l’époque, j’avais pu l’accompagner pour monter un dossier de reconnaissance d’hernie discale pour port de charges lourdes. Nous avions d’ailleurs eu gain de cause. Suite à cette affaire, cette personne est revenue vers moi pour savoir si l’on pouvait faire de même pour son cancer du sein.

Quel métier exerçait ce salarié ?

Il n’officiait pas directement sous terre, dans les mines. Il était peintre : il travaillait notamment dans les bains douches, a fait la peinture de tous les bureaux au niveau du puits etc…Je l’ai vu en action : il stockait ses pinceaux, ses rouleaux de peinture et son solvant dans une pièce totalement dénuée d’aération. Il était exposé à des risques sanitaires évidents. J’avais bien souligné ces manques à la direction à l’époque, mais nous n’étions pas écoutés.

Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour obtenir cette reconnaissance de maladie professionnelle ?

La Sécurité Sociale, sous pression de l’Etat, ne veut plus payer, tout simplement ! A titre d’exemple, s’agissant des dossiers d’amiante, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) rejette presque toutes les demandes, depuis 1 an et demi. Il faut aller directement en justice pour démontrer la faute inexcusable de l’employeur. Nous gagnons souvent, mais cela allonge d’autant plus la procédure, qui dure souvent des années avant d’aboutir.

C’est donc ce qu’il s’est peu ou prou passé, pour faire reconnaitre ce cancer du sein ?

Absolument. Nous avons d’abord eu deux réponses négatives du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Nous avons ensuite plaidé notre cause devant le pôle social (NDLR : une formation spéciale du tribunal judiciaire, qui juge les litiges entre assurés sociaux et organismes de sécurité sociale). J’ai apporté mon témoignage au dossier, puisque j’ai pu voir de mes propres yeux les conditions de travail du salarié concerné.

Nous avons également communiqué à la justice une étude de l’Inserm : elle démontrait que le trichloréthylène, un composant du solvant qu’utilisent beaucoup de peintres en bâtiment – c’était le cas de la personne que nous défendions – accentuait significativement le risque de cancer du sein dans cette profession. Sur la base de ces éléments, le juge nous a finalement donné gain de cause l’année dernière. L’Assurance maladie a d’abord fait appel de cette décision, mais elle s’est désistée durant l’été 2025.

Qu’est-ce qu’a plus précisément obtenu cet ancien salarié des mines ?

La reconnaissance de son cancer du sein lui donne à elle seule le droit de toucher 70% de son salaire journalier de référence. C’est rétroactif, donc la somme qui lui est due devrait tourner autour de 180.000, 200.000 euros. On espère qu’elle lui sera versée avant Noël. C’est une vraie victoire, mais ce Monsieur, qui est aussi atteint d’autres pathologies, s’est vu privé de la première des richesses : la santé. Il va toucher beaucoup d’argent, mais est ce qu’il pourra encore vraiment en profiter avec sa femme et ses enfants ? Je n’en sais rien, mais je lui souhaite le meilleur.

Avoir eu gain de cause dans ce dossier vous permettra-t-il de plus facilement obtenir la reconnaissance de cas similaires à l’avenir ?

Oui, c’est probable, même s’il faudra reprendre à chaque fois toute la procédure, afin de démontrer la bonne foi du salarié. Rappelons, une nouvelle fois, que le cancer du sein ne fait actuellement partie d’aucun tableau de maladies professionnelles. En parallèle, les syndicats qui représentent les anciens mineurs – dont la CFTC – ont aussi décidé de s’unir pour dénoncer les recours systématiquement déposés par l’Etat dans les dossiers de reconnaissance de maladie professionnelle.

C’est inadmissible de devoir ferrailler pendant des années pour avoir gain de cause, en vue de faire reconnaitre la responsabilité historique des pouvoirs publics dans la contraction de ces maladies professionnelles. Personnellement, je pense que j’obtiens réparation pour les ex salariés des mines dans 98% des dossiers engagés. Cela démontre bien que les manquements à la règlementation étaient évidents et massifs. Et donc incontestables, sauf exception.

Tous propos recueillis par AC

Crédits photo de une: Kovalenko I – stock.adobe.com

Actualités, ressources, ne manquez rien abonnez-vous à notre newsletter

Actualités, ressources, ne manquez rien…

Abonnez-vous à la newsletter !