Accès aux activités sociales et culturelles des entreprises : ce qui change, ce qui interroge
24 septembre 2025 | Rémunération & Pouvoir d'achatSocial
Chèques-vacances, aides à l’achat de fournitures scolaires, colonies de vacances…Autant d’avantages offerts aux salariés par leur CSE, via le budget alloué aux activités sociales et culturelles (ASC). Des prestations dont devront bénéficier à partir du 1er janvier 2026 – en vertu d’un arrêt de la cour de Cassation – tous les salariés – même ceux ayant un contrat d’une journée. Néanmoins, cette décision pourrait aussi baisser drastiquement le pouvoir d’achat des travailleurs les plus fragiles. Pour répondre à cette problématique, un collectif des CSE des médias s’est formé, à l’initiative de la CFTC. Décryptage avec Claire Mignard, responsable des activités sociales et culturelles du CSE de TF1 SA et mandatée par la CFTC.
Claire, en préambule, pourriez-vous nous présenter en quoi consistent précisément les activités sociales et culturelles (ASC) ?
Les activités sociales et culturelles (ou ASC) regroupent de nombreux avantages à l’attention des salariés. Concrètement, elles peuvent prendre des formes très diverses : des places de cinéma et de concert à prix réduit, des chèques vacances ou de rentrée scolaire, la prise en charge d’une partie des coûts pour les colonies de vacances, etc… C’est un vrai plus pour le pouvoir d’achat.
Les ASC françaises ont par ailleurs un fonctionnement qui est unique au monde : l’employeur reverse un pourcentage de la masse salariale au CSE qui le redistribue sous formes d’activités de loisirs (culture, sport, voyage). Il faut aussi préciser que toutes les entreprises n’ont pas de CSE (NDLR : qui sont facultatifs dans les entreprises de moins de 11 salariés).
Quand un CSE propose des ASC, tous les salariés peuvent-ils à parts égales bénéficier de ces prestations ?
Bien sûr. Que vous soyez stagiaires, CDD, CDI ou alternants, tout le monde a le droit à l’ensemble des prestations. Sinon, cela s’apparenterait à de la discrimination selon les critères URSSAF. Cependant, au CSE de TF1 SA, le montant distribué est modulé en fonction du niveau de revenu et de la composition familiale des salariés. Les activités sociales et culturelles bénéficient donc d’abord aux travailleurs les plus fragiles, financièrement et familialement. En particulier à ceux qui sont en situation de monoparentalité, et/ou à ceux qui touchent des salaires plus modestes.
Ce sont ces travailleurs là qui sont susceptibles d’être les plus impactés par une décision de la cour de Cassation, qui pourrait s’appliquer dès le 1er janvier 2026 : elle stipule que tous les salariés et stagiaires, devront bénéficier des Activités Sociales et Culturelles (ASC), sans condition d’ancienneté. Qu’est ce qui peut poser problème ici ?
En ce qui concerne les stagiaires, ils avaient déjà accès aux prestations du CSE de TF1, cela ne change rien. Dans l’esprit, la CFTC soutient cet arrêt de la Cour de cassation : il constitue à première vue une avancée en matière d’égalité d’accès aux ASC pour tous les salariés – notamment ceux en contrats courts – au nom du principe de non-discrimination. Maintenant, ce que nous interrogeons, ce sont les conséquences réelles de cette décision : en somme, elle induit qu’une personne ayant travaillé 1 jour ait le même accès aux ASC qu’une personne ayant travaillé toute l’année.
Cela ne nous semble ni juste, ni fonctionnel : imaginez le montant qui serait mobilisé pour une personne qui aurait travaillé juste une journée, alors qu’elle aurait cotisé seulement 3 euros à l’année ! Forcément, cela ne fonctionne pas et ça met en péril l’équilibre de nos comptes. Cette absence de condition d’ancienneté pour bénéficier des ASC pose donc problème. A ce titre, il nous semble plus juste de demander une ancienneté de minimum 3 mois afin que tous les contrats puissent bénéficier des ASC (CDI, CDD, alternants, stagiaires, intermittents, CDDU)
Dès lors, comment expliquer cet arrêt de la Cour de Cassation ?
Dans sa décision, la Cour n’a tout simplement pas tenu compte des spécificités des contrats en CDDU. Je m’explique : dans les médias, nous travaillons beaucoup avec une typologie spécifique de contrat, les CDDU : ce ne sont pas des CDD classiques, puisqu’ils prennent bien souvent la forme de contrat d’une journée. Les collaborateurs concernés vont par ailleurs bien souvent travailler pour plusieurs médias différents, au cours d’une même année.
Le recours régulier à ces contrats courts ne concerne par ailleurs pas que les médias, mais aussi le BTP, l’hôtellerie-restauration, la garde d’enfants…Des nombreux secteurs sont donc impactés négativement par cet arrêt de la cour de cassation.
Avant cette décision de la Cour de Cassation, quelles étaient les conditions d’ancienneté, pour bénéficier des ASC ?
Jusqu’à présent, l’URSSAF admettait une condition d’ancienneté fixée à 6 mois maximum. Mais dans certaines entreprises, elles sont de facto accessibles beaucoup plus tôt. Soyons clair : les contrats courts ne posent aucun souci ici. A TF1, un minimum de 3 mois d’ancienneté dans l’année suffit par exemple à être éligible à l’intégralité des ASC. Ce sont les contrats très courts qui posent problème.
Pour signaler et corriger ce dysfonctionnement, un collectif des CSE des médias a donc été créé, à l’initiative de la CFTC.
Tout à fait. Imane Harraoui, Secrétaire adjointe du CSE de TF1 SA et Secrétaire Générale adjointe de la CFTC et moi-même, élue CFTC depuis 20 ans, avons créé et piloté ce collectif. Il regroupe 11 entreprises – parmi lesquelles TF1,France Television, M6, Canal + ou encore France Médias Monde – qui emploient plus de 22.000 salariés.
Quel est l’objectif précis de ce collectif?
Nous demandons à ce que les activités sociales et culturelles des CSE soient réservées aux salariés ayant une ancienneté d’au moins 3 mois. Le patronat demande un minimum de 6 mois d’ancienneté – ce qui correspond à la réglementation actuelle – les syndicats optent pour 3, ce qui constituerait un progrès pour les salariés. A cet égard, nous avons été reçus par la Direction générale du travail, le ministère de la culture et le ministère du travail. Ils sont tous 3 sensibles à nos revendications. Mais faire annuler une cour de cassation n’est pas chose aisée. Nous sommes pris par le temps car la mise en conformité est actée au 1 janvier 2026.
Comment agir avant cette date limite?
Nous continuons nos rendez-vous pour demander une prorogation de cette décision de la cour de cassation. Nous avons notamment travaillé sur une circulaire interministérielle demandant une exception pour ces contrats à part (CDDU d’une journée) car cette circulaire s’imposerait aux URSSAF. Mais le ministère du travail n’ y est pas favorable. Il souhaite que nous repassions par la voix législative. Nous attendons les signatures des grandes centrales syndicales représentatives, la CFTC étant moteur grâce au soutien de Cyril Chabanier.
J’en profite pour remercie Imane Harraoui et Cyril Chabanier qui sont d’un soutien sans faille dans ce collectif. Une fois que nous aurons obtenu ces signatures, et un sursis, nous passerons par la voix législative. Nous croisons les doigts car c’est vraiment dans l’intérêt de tous. Il y a certes encore du chemin à faire pour arriver à nos fins, mais nous sommes déterminées.
Tous propos recueillis par AC