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4 questions à Aurélie Chasseboeuf, secrétaire confédérale en charge de l’égalité femmes-hommes

7 mars 2025 | Egalité ProfessionnelleSocial

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Ce 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. L’occasion d’évoquer avec Aurélie Chasseboeuf – secrétaire confédérale CFTC en charge de l’égalité femmes-hommes – la directive européenne sur la transparence des rémunérations. Ce texte, qui doit être transposé dans le droit français au plus tard en juin 2026, pourrait bien constituer un tournant pour réduire les écarts salariaux entre les travailleurs des deux sexes.

Aurélie, aujourd’hui encore, l’écart salarial femmes-hommes reste de 24%. Les dispositifs légaux déployés au sein des entreprises sont-ils suffisants, pour lutter contre cette disparité?

A mon sens, les mesures effectivement mises en œuvre sont aujourd’hui insuffisantes. Depuis 2019, le principal outil qui vise à mesurer les écarts de rémunération entre les sexes et à réduire les inégalités de genre, c’est l’Index de l’égalité professionnelle. L’Index a ses mérites, mais, pour la CFTC, il ne va pas assez loin et les possibles sanctions ne sont pas assez dissuasives.

Néanmoins, de nouveaux outils sont en voie de déploiement. Tout particulièrement la Directive Européenne sur la transparence salariale, qui doit être transposée dans le droit français au plus tard le 7 juin 2026. Cette directive va beaucoup plus loin que l’Index et prend en compte dans son calcul les temps partiel, les rémunérations variables, les primes…Ce texte peut constituer une avancée majeure, dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes au travail.

En quoi cette directive européenne permettra-t-elle de plus efficacement lutter contre les inégalités professionnelles, entre les femmes et les hommes ?

La directive est globalement beaucoup plus complète et exigeante que l’Index. En premier lieu, sur la question de la transparence des rémunérations. Dès le recrutement, l’employeur devra en effet communiquer à chaque candidat la rémunération initiale — ou une fourchette — correspondant au poste proposé, sur la base de critères objectifs non sexistes. Ça, c’est vraiment un progrès crucial, parce que les femmes ont beaucoup plus de difficultés à négocier leur salaire que les hommes. Je parle en connaissance de cause : je crois que je n’ai jamais osé le faire, et je me suis souvent retrouvée avec des collègues masculins qui faisaient le même métier, tout en étant mieux rémunérés que moi. En outre, l’employeur n’aura pas le droit de demander au candidat le montant de son dernier salaire, afin de ne pas perpétuer les inégalités antérieures.

Enfin, n’importe quel salarié pourra désormais questionner son employeur sur les écarts de rémunération, dans sa catégorie d’emploi. C’est d’ailleurs le second versant clé de cette directive : définir des catégories d’emploi, afin d’objectiver les conditions de travail.

C’est-à-dire ?

Je reviens brièvement sur l’Index de l’égalité professionnelle: celui-ci mesure seulement les inégalités salariales sur des postes équivalents (par exemple, les vendeurs). La directive européenne prévoit, elle, qu’on mesure les écarts de salaires à l’intérieur de catégories d’emploi dites « de valeur égale ». Ces catégories regrouperaient donc plusieurs typologies de métiers différents. La valeur de l’emploi attachée à chaque métier serait quant à elle fonction de quatre critères : compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail.

Ces critères intègrent dans leur évaluation des compétences dites « non-techniques », comme la patience, l’intelligence émotionnelle, la communication…Or, ce sont des compétences cruciales dans beaucoup de métiers de service ou encore du médico-social, qui sont majoritairement exercés par des femmes. La directive pourrait donc permettre de légalement réévaluer à la hausse la rémunération de ces métiers. Par ailleurs, le texte prévoit que tout écart de salaire non-justifié soit corrigé « dans un délai raisonnable ». La question clé, ici, c’est : quelle temporalité pourrait être considérée comme raisonnable?  Les organisations syndicales plaident pour qu’une vraie concertation soit mise en œuvre sur le sujet, pas qu’elles soient simplement consultées par le gouvernement.

A cet égard, la CFTC et les autres syndicats alertent notamment sur le manque de considération du gouvernement, à l’égard du Haut Conseil à l’égalité (HCE)…

Tout à fait. Pour rappel, le HCE, dont la CFTC est membre, a pour mission d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public pour combattre les inégalités femmes-hommes, notamment en matière salariale. Cependant, l’année dernière, un autre organisme, le Haut conseil des rémunérations (HCREP) a été créé, afin de faciliter les augmentations de salaires en France.

Depuis la création du HCREP, les sujets liés à l’égalité salariale ont tendance à être davantage débattus dans cette instance au détriment du HCE, qui souffre d’un manque important de moyens. Pourtant, les membres du HCE ont précisément une expertise et une expérience avancée sur toutes les questions liées aux disparités de revenus femmes-hommes. Nous demandons donc à ce que ces sujets soient débattus au Haut Conseil à l’égalité, plutôt qu’au Haut conseil des rémunérations.

Propos recueillis par AC

Pour aller plus loin

-Vous voulez agir, pour veiller au respect de l’égalité femmes-hommes en entreprise? Ce document de la CFTC vous présente les obligations de l’employeur et les droits des salariées à ce sujet

-Vous êtes délégué syndical? Des moyens sont à votre disposition, pour faire respecter l’égalité femmes-hommes en entreprise. La CFTC vous les présente dans ce guide pratique, accessible à tous

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