Suivez-nous

Plan social au Secours Catholique : « Il y a de plus en plus de pauvres et on a de moins en moins de moyens »

30 octobre 2025 | Emploi & MobilitéSocial

  • Partage

Mi-octobre, la direction du Secours Catholique a annoncé mettre en œuvre un plan social qui pourrait concerner jusqu’à 130 emplois. Une première dans l’histoire de l’association, qui apporte depuis 1946 une aide précieuse aux plus précaires et aux plus démunis. Opposée à ce PSE, la CFTC estime que des solutions alternatives à ces nombreuses suppressions de postes pourraient être considérées. Explications avec Dominique Priam et Rachida Saidi, déléguées syndicales CFTC au Secours Catholique.

Dominique, ce 16 octobre, la direction du Secours Catholique a évoqué avec les élus du personnel la prochaine suppression de 130 postes, sur 930 au total. Avez-vous été surprise par cette décision ?

Dominique Priam: Un plan de transformation de l’association était en réflexion depuis un certain temps. Nous nous attentions donc à des licenciements. Maintenant, on ne pensait pas que ça serait d’une telle ampleur, encore moins que ça prendrait la forme d’un PSE. Dans un premier temps, la direction nous a simplement expliqué qu’elle voulait d’abord inciter aux départs volontaires. Néanmoins, ce n’est pas forcément ce que nous constatons actuellement.

C’est-à-dire ?

Dominique Priam : Un certain nombre de salariés nous ont déjà appelés, parfois en pleurs, pour nous dire que leur manager leur avait expliqué que leur poste était supprimé. Comment peut-on annoncer à des collaborateurs et collaboratrices que leur poste est supprimé, alors que les négociations du PSE n’ont même pas officiellement commencé ? C’est inacceptable. Nous demandons à ce que ces pratiques violentes cessent immédiatement.

Le Secours Catholique, huit décennies de lutte contre la pauvreté

Association reconnue d’utilité publique fondée en 1946, le Secours Catholique a pour mission d’accompagner les personnes en précarité, en vertu de la doctrine sociale de l’église. L’association est composée d’un réseau de 72 délégations réparties sur l’ensemble du territoire français (Outre-mer compris), réunissant près de 58 000 bénévoles.

Sur le terrain, l’action du Secours Catholique se manifeste de manière très diverse : achat de nourriture, de produits d’hygiène ou de vêtements chauds pour les personnes sans-abri et mal logées, organisation des sorties culturelles, soutien scolaire, soins médicaux et cours de langue aux immigrants et demandeurs d’asile etc…

Si vous voulez soutenir le Secours Catholique, rendez-vous ici

Comment la direction du Secours Catholique justifie-t-elle la mise en œuvre de ce PSE ?

Dominique Priam : En somme, on nous a expliqué que 11 de nos 16 derniers exercices comptables étaient déficitaires. En premier lieu, la question que je me suis posée c’est : « Pourquoi a-t-on attendu 16 ans, pour en arriver à ce PSE ? Pourquoi n’avons-nous pas réagi avant ? »

Rachida Saidi: Globalement, les dons baissent, tout simplement. Parallèlement, les charges de structure augmentent aussi. Pour que le Secours Catholique puisse pérenniser sa mission – compte tenu de la baisse des donateurs – on nous dit qu’il faut en arriver là. Pourtant, nous avons le sentiment que des alternatives solides à ce PSE existent.

Quelles pourraient être ces alternatives ?

Rachida Saidi : La Cour des Comptes a présenté diverses solutions, dans un rapport publié en février dernier. Elle recommandait notamment à l’association d’acheter certains de nos locaux, pour lisser une partie de nos couts structurels. A plus court terme, la Cour avait aussi constaté que le Secours Catholique pouvait aisément se relancer par l’endettement (NDLR : la Cour avait en effet loué la « capacité d’endettement de l’association auprès des banques à moyen et long terme pour ses investissements, du fait, notamment, de son endettement actuel nul »). Par ailleurs, nous avons également fait appel à un cabinet d’expertise indépendant, qui a tiré des conclusions similaires à celles de la Cour.

Pourquoi avoir fait appel à ce cabinet d’experts ?

Dominique Priam : Du fait d’un manque évident de transparence, dans le dialogue social ici en œuvre. Nous avions notamment demandé que nous soient communiqués les documents et informations relatifs au PSE. Cependant, la direction ne voulait pas nous les transmettre. Ce cabinet d’expertise a pu y avoir accès et a proposé un panel de solutions alternatives au PSE : l’emprunt, la vente du siège national pour dégager rapidement des liquidités, font notamment partie des pistes évoquées.

Avec la mise en œuvre de ce PSE, la charge de travail des salariés restants, voire des bénévoles de l’association, ne risque-t-elle pas d’augmenter ?

Rachida Saidi : C’est certain. Depuis quelques temps, des postes sont déjà gelés : certaines personnes partent et ne sont pas remplacées. Leur tâche incombe ainsi au reste de l’équipe, ce qui n’est ni sain, ni fonctionnel. Les bénévoles sont aussi impactés : les salariés sont là pour les assister, s’ils se sentent moins et moins bien accompagnés, le risque de désengagement augmente. Nous avons déjà du mal à trouver des bénévoles, en particulier des bénévoles en responsabilité, cela risque donc d’empirer la situation.

Rachida, vous évoquiez auparavant une baisse des dons, qui a fragilisé le Secours Catholique. Parallèlement, on constate aussi une baisse importante des dotations de l’Etat et des collectivités locales, non?

Rachida Saidi : Un récent rapport du CESE avait en effet estimé que la part des subventions dans le budget des associations avait diminué de 41%, de 2005 à 2020. C’est donc une autre problématique majeure avec laquelle nous devons composer: on accueille de plus en plus de personnes en précarité, la pauvreté augmente, mais nos aides dans les délégations ont paradoxalement diminué.

En somme, il y a malheureusement de plus en plus de pauvres et nous avons de moins en moins de moyens…Mais la fragilité toute relative de l’association n’est pas uniquement due à la baisse des dons et aux charges qui grimpent. A mon sens, des erreurs ont aussi été faites, qui résultent de différents choix stratégiques contestables.

Les syndicats vont devoir négocier ce PSE avec la direction du Secours Catholique, dans les mois à venir. Quelle ligne défendra la CFTC, lors de ces pourparlers ?

Dominique Priam : La CFTC va essayer d’obtenir un maximum de mesures pour que les gens qui soient amenés à partir puissent le faire correctement, dans des conditions significativement plus avantageuses que celles prévues par le code du travail. Mais aussi pour que ceux qui restent, dont l’emploi sera modifié, puissent avoir les moyens d’exercer leur activité dans les meilleures conditions.

Rachida Saidi : Préserver les salariés, c’est aussi in extenso agir dans l’intérêt des bénévoles dont nous sommes au service et des milliers de personnes défavorisées que nous aidons chaque année. On se battra pour que le mot d’ordre du Secours Catholique, « Pour un monde plus juste et fraternel », prévale ici aussi.

Tous propos recueillis par AC

Actualités, ressources, ne manquez rien abonnez-vous à notre newsletter

Actualités, ressources, ne manquez rien…

Abonnez-vous à la newsletter !