« On développe l’esprit de participation à la construction du monde », Jean-Pierre, militant
21 septembre 2018 |
Retraité depuis 2008, Jean-Pierre Vidaillac, 70 ans, a effectué la moitié de sa carrière chez SOPAD Nestlé. Nous l’avons rencontré à Bordeaux lors du village CFTC de juin. Grand témoin de la reconstruction de la CFTC aux lendemains de la scission de 1964, il nous livre son témoignage.
Comment avez-vous adhéré à la CFTC ?
Je travaillais dans la maintenance et conduite des installations techniques chez Nestlé depuis un an ou deux. Aux élections professionnelles du 2nd tour, aucun candidat ne s’est manifesté. Je trouvais cela anormal dans une entreprise de cette dimension. Alors, je me suis présenté. Sauf que quand on est le seul candidat, il suffit de peu de voix pour être élu. Me voilà donc dans de sales draps (rires). C’était en 1972. J’avais 24 ans. Je ne connaissais rien au syndicalisme. Je pensais contacter Force ouvrière. J’en avais parlé à mes collègues. L’un d’eux m’a conseillé la CFTC. J’ai exprimé mon ignorance et demandé plus d’informations. Pour seule réponse, il m’a tendu sur un papier l’adresse du syndicat. J’ai débarqué alors dans un bâtiment quelconque. Au rez-de-chaussée se trouvait un centre communal d’actions sociales (CCAS). La CFTC disposait d’un bureau à l’étage. Celui-ci était occupé par un homme d’une cinquantaine d’années. J’ai expliqué à ce dernier les raisons de ma présence. Il m’a littéralement sauté dessus, trop heureux d’enregistrer une nouvelle adhésion.
Avez-vous toujours eu la fibre syndicale ?
Ma jeunesse de scout a préparé le terrain et m’a conduit à ce choix. A travers ce mouvement, on développe l’esprit de participation à la construction du monde. Non pas en tant que quelqu’un qui subit mais quelqu’un qui agit dans la société. Cette culture et cette vision des choses me correspondent parfaitement.
Très vite, vous avez endossé des responsabilités ?
Oui ! A cette époque, tout comme les adhésions, les militants manquaient aussi à l’appel. Très vite, je me suis retrouvé au conseil de l’union départementale (UD). Et de fil en aiguille, secrétaire alors que je n’y connaissais rien. Lorsque j’ai tenté « je ne sais pas faire un procès-verbal », le président de l’UD m’a rétorqué : « Ne t’inquiète pas, je ferai tout. Il faut que tu m’accompagnes, je t’apprendrai. ». En tant que secrétaire général, je participais aux Comités nationaux et aux congrès. Dans ces années-là, nous mettions 5h pour monter à Paris. Après un comité national, nous étions ravis de rentrer nous reposer (rires).
1972, c’est quelques années seulement après la scission. Quelle était l’ambiance ?
Une équipe se réformait, avec quelques anciens. Nous vivions de bric et de broc. Nous voulions rebâtir le syndicat. Comme toutes les équipes, nous avions connu des hauts et des bas. Le clivage public-privé. Des ententes pas évidentes. Des associations, des ruptures. Mais, on était fou ! On y croyait, et on y allait quand même. On faisait ce qu’on pouvait. Ce qu’on ne faisait pas, eh bien, ce n’était pas grave. L’important, c’était ce qu’on pouvait faire.
Y a–t-il une personne qui vous a particulièrement marqué ?
Tous nos présidents, chacun à leur manière. J’ai eu l’immense chance et le grand bonheur de côtoyer nos grands ténors : Jacques Tessier, Jean Bornard, Alain Deleu et les suivants…. Ces rencontres marquent pour la vie et on en sort riche à jamais.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Ah ! Il y en a tellement (rires)… Mais les congrès confédéraux restent inégalables. Il s’agit, en effet, d’un lieu de confrontation mais aussi un temps de rassemblement qui favorise les échanges, et renforce l’unité entre les différentes structures. Le côté festif ne gâche rien non plus… Je me rappelle un congrès à Paris : on avait invité la chanteuse Nicole Rieu à un tour de chant. Le thème choisi ou peut être l’ambiance, m’a fait acheter son CD. Quel souvenir !
Certains disent que le syndicalisme est mort. Que leur répondez-vous ?
Ils ont peut-être raison. Le syndicalisme que nous avons connu ne peut plus être le syndicalisme de demain. Nous devions régler des problèmes de personnes, tenir nos assemblées générales ou organiser nos réunions de conseil. Nous passions trop de temps à gérer l’administratif. Au lieu de travailler sur des sujets de société ou d’être réellement au service des salariés. Cela m’a toujours peiné. Le syndicalisme d’aujourd’hui doit trouver les moyens d’alléger l’administratif et tout ce qui est lié au fonctionnement. Afin de se recentrer sur l’essentiel : la défense des salariés.
Pourquoi participez-vous à ce village comme bénévole ?
Quand on adhère pour ce que représente la CFTC, on est adhérent à vie. Accepter d’être au service des autres et non pas se servir des autres, c’est éternel. Qu’on soit actif ou retraité. Car on est militant CFTC ou on ne l’est pas. Enfin, il est important pour moi de continuer à faire vivre ce qui m’a accompagné toute la vie. On a planté une petite graine qui pousse et je suis heureux de voir ce qu’elle est devenue. En 2019, nous fêterons les 100 ans de la CFTC.
Comment accueillez-vous cet événement ?
Je n’ai plus de mandat qui me permette de prendre part au congrès. Mais, je participerai à cette grande fête par le cœur et l’amitié. J’invite les jeunes à vivre cet événement, qui devrait les enrichir et les fortifier. Je me réjouis de les voir y aller autant que si c’était moi. Ceci dit, il n’est pas certain que je tienne encore le rythme infernal de cette manifestation (rires).
Avez-vous une dernière chose à ajouter ?
J’ai déjà trop parlé… Ah, si, un syndicaliste parle toujours trop ! (rires)
Propos recueillis par Chantal Baoutelman
En bref
- 1948 : naissance à Dakar
- 1967 : entrée dans la vie active
- 1971 : début de sa carrière chez Sopad de Nestlé
- 1972 : adhésion à la CFTC. Premier mandat de délégué du personnel et secrétaire de l’union départementale.
- 1973 et 1977 : naissance de ses 2 enfants
- 1994 : reconversion dans la restauration universitaire (Crous) après la fermeture de SOPAD Nestlé
- 2012 : fin de son dernier mandat de trésorier de l’union départementale
Des adhérents retraités dans la région ?
Avec quelques amis retraités, Jean-Pierre a un pari : monter une équipe de retraités CFTC dans la Gironde. Mais, la tâche ne s’annonce pas si simple. Les prises de contact ont débuté. Les actifs ont besoin des retraités. Pour les permanences à tenir, des accueils et aide juridique à assurer, une bricole à réparer, un parc à nettoyer. A bon entendeur…