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Lutte contre les contrats courts : le bonus-malus de l’Etat a-t-il vraiment été efficace?

3 juin 2025 | Emploi & MobilitéSocial

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Mardi 27 mai, les partenaires sociaux ont trouvé un accord pour ajuster le dispositif du bonus-malus : mise en œuvre depuis 2022, cette mesure module le taux de contribution chômage des entreprises de certains secteurs, en fonction du nombre de ruptures de contrats de travail qui y sont observés. Elle vise notamment à sanctionner les entreprises qui font un usage excessif des contrats courts. Trois ans après son lancement, la CFTC juge cependant que l’efficacité du bonus-malus reste trop marginale et limitée. A cet égard, les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour entamer une nouvelle négociation avant la fin de l’année 2025. Elle visera à dégager des mesures favorisant réellement le recours à des contrats de travail plus stables et pérennes, dans tous les secteurs d’activité.

Dans l’optique de lutter contre le recours abusif aux contrat courts, le gouvernement a mis en place un dispositif de bonus-malus appliqué à certaines entreprises, depuis septembre 2022. Il détermine le montant de leurs contributions patronales en fonction du nombre de contrats et de missions d’intérim qui prennent fin. Les entreprises où l’on observe un nombre important de fins de contrats de travail rapportées à leurs effectifs sont pénalisées: elles peuvent voir majorée leur contribution à l’assurance chômage jusqu’à 5,05%. A contrario, celles qui recourent moins aux contrats courts que leur médiane sectorielle se voient récompensées : leur contribution à l’assurance chômage peut ainsi descendre jusqu’à un plancher de 3%. Précisons que ce dispositif s’applique seulement à sept secteurs d’activité gourmands en contrats courts (comme l’hébergement et la restauration ou les transports), les entreprises de moins de 11 salariés n’étant pas concernées.

Une mesure au bilan contrasté

Fin mars, un groupe de travail paritaire avait démarré pour discuter d’éventuels ajustements à ce dispositif du bonus-malus. Si le patronat était favorable à l’abrogation de cette mesure, les partenaires sociaux se sont finalement mis d’accord pour temporairement la maintenir, tout en redéfinissant son périmètre d’application. A ce titre, un premier bilan du dispositif peut être fait, afin d’estimer s’il a réellement permis de diminuer le recours aux contrats courts. En premier lieu, plusieurs études constatent une baisse globale du nombre de séparations dans tous les secteurs, et pour toutes les tailles d’entreprises. Sur la période 2019-2023, cette baisse est un peu plus marquée dans les entreprises soumises au bonus-malus que dans les autres.

On peut donc théoriser que le dispositif a, au moins marginalement, atteint son but. Ses résultats sont cependant à nuancer, puisqu’ils sont le produit de nombreux autres facteurs économiques et conjoncturels. Par ailleurs, le mécanisme du bonus-malus en lui-même comporte des imperfections manifestes. A titre d’exemple, certaines entreprises déjà très consommatrices en contrats courts le sont restées. Elles ont, en somme, intégré structurellement leur recours à ces contrats dans leur modus operandi : le cas échéant, le malus n’a donc pas été suffisant pour les inciter à changer de comportement, se révélant ainsi inopérant. 

Un dispositif remanié

Pour la CFTC, le système du bonus-malus présente donc un bilan plutôt mitigé et limité. « Sur le papier, l’intention derrière le dispositif est bonne, estime Frédéric Belouze, chef de file sur les questions d’emploi/chômage et négociateur CFTC lors de ces discussions. Mais elle se limite à ce qu’on pourrait qualifier d’effets de bord. Tout cela reste très et trop marginal. » A cet égard, l’accord trouvé ce 27 mai prévoit l’ouverture d’une nouvelle négociation, avant le 31 décembre 2025. « C’est d’abord ce qu’il faut retenir ici, souligne Frédéric Belouze. Les partenaires sociaux vont entamer de nouveaux pourparlers, afin de dégager des mesures qui permettront de réellement limiter le recours aux contrats courts. La CFCT et les autres organisations syndicales veulent notamment que le nouveau dispositif soit plus global : il ne faut plus qu’il soit limité à 7 secteurs. »

En attendant, les mesures prises dans l’avenant finalisé ce 27 mai sont donc transitoires. Elles consistent principalement à réajuster le dispositif, son champ d’application étant désormais plus restreint. A titre d’exemple, les CDD de remplacement ne seront plus concernés par le bonus-malus : « Le cas échéant, il nous semblait illogique de pénaliser un employeur parce qu’il a décidé d’embaucher en contrat court une personne, pour remplacer un salarié en arrêt maladie, illustre Frédéric Belouze. Tout simplement parce que cette embauche en CDD permet justement de faire en sorte que les autres salariés ne voient pas leur charge de travail alourdie. »

Limiter le recours aux contrats courts, dans tous les secteurs d’activité

Dans une logique de simplification, ce bonus-malus ne sera aussi désormais appliqué qu’aux fins de contrats de travail d’une durée inférieure à 3 mois : « Les organisations syndicales constatent que le bonus-malus reste complexe à expliquer et difficile à mettre en œuvre pour les employeurs, poursuit Frédéric Belouze. Nous avons donc voulu aller au plus simple en concentrant les sanctions sur le recours abusif aux contrats très précaires. Dans certains secteurs – l’audiovisuel par exemple – des gens peuvent cumuler pendant plusieurs années 10 à 15 contrats de travail de quelques jours sur un seul mois. Ça, il faut le sanctionner en priorité, pour que l’employeur soit incité à leur proposer des contrats plus longs et sécurisants. »

Quid, cependant, des CDD supérieurs à 3 mois ? « Ça reste des contrats précaires, évidemment, approuve Fréderic Belouze. Cela nécessite un gros travail préparatoire et on voudra justement déterminer lors de la négociation à venir comment limiter l’utilisation des contrats courts – quelle que soit leur durée – dans tous les secteurs. » Rendez-vous est donc pris avant la fin de l’année, pour mettre sur pied un corpus de mesures qui assurent davantage de stabilité et de pérennité professionnelle aux salariés, quel que soit leur emploi et leur domaine d’activité.

AC

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