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4 questions à Jean-Marc Cicuto, représentant de la CFTC au Comité de la charte sociale des JO de Paris

23 octobre 2023 | Social

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Signée en 2018 par les cinq confédérations syndicales et trois organisations patronales représentatives en France, la charte sociale des JO de Paris 2024 vise à faire des prochains Jeux Olympiques un événement responsable sur le plan économique, social et environnemental. Délégué syndical central chez Leroy Merlin, Jean-Marc Cicuto représente la CFTC au Comité de cette charte sociale qui se retrouvera le 6 novembre, pour faire un point d’étape sur la préparation de la compétition. Il explique ici comment le travail coordonné des partenaires sociaux a permis de défendre les conditions de travail de tous les salariés qui participent à l’économie de l’évènement.

En premier lieu, pouvez-vous nous éclairer sur ce qui a motivé l’élaboration de la charte sociale des JO de Paris ?

Cette charte répond à un objectif simple : préserver les droits des travailleurs, avant et après les Jeux. Elle a été signée par les organisations syndicales et patronales représentatives, le Comité international olympique (CIO) et le gouvernement. Sa bonne mise en œuvre et son application sont du ressort du Comité qui lui est rattaché et échange régulièrement avec le CIO et son président, Tony Estanguet. La mission du Comité de la charte sociale est essentiellement d’agir comme une tour de contrôle. Par exemple, nous effectuons une visite régulière des chantiers, en vérifiant si les conditions de travail des salariés – telles qu’elles ont été déterminées par la charte – sont bien respectées. Cette vigilance est nécessaire : si tous les maîtres d’œuvre (la personne encadrant l’exécution et la bonne réalisation des travaux) se sont engagés en signant la Charte, ils travaillent souvent avec des sous-traitants, qui vont eux-mêmes engager des sous-traitants et ainsi de suite…Tous ne vont pas naturellement respecter l’ensemble des contraintes et normes préétablies. C’est donc à nous de repérer les irrégularités, afin qu’elles soient corrigées. A cet égard, la charte et le contrôle de son application effective ont donné des résultats sans équivoque : sur le chantier du village et des sites olympiques, on dénombre environ 5 fois moins d’accidents que sur des chantiers de taille équivalente.

Outre les considérations sanitaires et sécuritaires des chantiers, quels autres enjeux sont au cœur de la mission du Comité de la charte Sociale des JO de Paris?

Notre champ d’intervention est en réalité assez large. Même si le Comité n’a pas de pouvoir strictement décisionnel, il a un droit de regard sur de nombreux processus et normes organisationnels. Nous pouvons ainsi consulter les appels d’offres émis auprès des entreprises de restauration et de sécurité, qui voudraient travailler sur les sites olympiques : en somme, nous vérifions qu’il n’y a pas de passe-droits ou d’irrégularités vis-à-vis des prestataires choisis. L’organisation des JO peut aussi parfois nécessiter la modification ponctuelle de régulations sociales : à ce titre, le gouvernement nous a consultés quant à la rédaction d’un décret sur le travail du dimanche, qui devrait, par exemple, concerner certains fonctionnaires du Ministère des sports, pendant l’évènement. Le Comité incite aussi les entreprises qui remportent ces appels d’offre à se projeter sur l’après JO : par exemple, dans la restauration, les entreprises concernées se sont engagées à transformer minimum 10% des emplois des emplois en CDD crées pour l’évènement en CDI.

D’un point de vue plus strictement économique, le Comité est également consulté sur les fermetures qui vont concerner certains magasins pendant la compétition : les sites commerciaux proches des enceintes sportives vont en effet être soumis à des restrictions de circulation et d’accès importants, qui devraient les contraindre à cesser temporairement leur activité. Ce sera probablement le cas du magasin Leroy Merlin où je travaille, qui est situé juste à côté du stade de France. Via le Comité de la charte Sociale, les syndicats sont donc sollicités pour évaluer quelles entreprises seront le plus susceptibles d’être impactées, comment dédommager leurs salariés pendant cette période non-travaillée, quelle compensation commerciale l’Etat pourrait verser pour dédommager la perte de chiffres d’affaires de ces sociétés etc…

Un événement d’une telle ampleur nécessite un accès optimisé aux transports et aux infrastructures sportives, y compris pour le public handicapé. Le Comité s’est-il aussi saisi de ces enjeux ?

C’est évidemment une préoccupation importante du Comité. Par exemple, nous savons que les taxis auront accès à des zones de dépose spécifiques sur les sites olympiques. C’est une très bonne chose, mais ces espaces préférentiels ne sont, pour l’heure, pas prévus pour être accessibles aux VTC. Si cette réglementation n’évolue pas, un chauffeur VTC qui devra conduire une personne handicapée à une enceinte sportive n’aura donc pas d’autre choix que de la déposer à 1 ou 2 kilomètres du lieu où celle-ci souhaite se rendre. Nous allons donc prochainement demander à ce que les VTC aient le même accès aux sites olympiques que les taxis. Le Comité de la charte Sociale veille aussi à ce que les logements du village olympique soient intégralement accessibles aux personnes handicapées. La moitié des constructions de ces sites seront reconvertis en logements sociaux après les JO et doivent donc garantir une accessibilité complète aux personnes en situation de handicap. Par ailleurs, le Comité a demandé et obtenu que les accompagnateurs des personnes handicapées lors des compétitions sportives paient leurs billets à prix réduit.

En septembre 2022, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin avait expliqué qu’il fallait « environ 25 000 agents de sécurité privée en plus », pour sécuriser correctement les Jeux Olympiques de Paris. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Il manque encore 17.000 agents de sécurité pour  l’événement, agents qu’il faudra nécessairement former. C’est un enjeu crucial pour le Comité de la charte sociale : s’il y a une carence d’agents de sécurité, une grande partie des effectifs des services de police de la région parisienne risque d’être concentrée sur le JO. Ils mettront forcément plus de temps à intervenir, s’ils doivent gérer un problème extérieur à la compétition. La position du Comité, c’est donc d’alerter en permanence le gouvernement, pour qu’un nombre suffisant de professionnels de la sécurité puissent être embauchés. On demande notamment à l’Etat de faire davantage pression sur le patronat, pour augmenter réellement les salaires : les hausses obtenues lors des dernières négociations de branche (+7,5%) couvrent à peine l’inflation. Il faudrait que les entreprises du secteur puissent proposer des rémunérations autrement plus conséquentes, pour renforcer l’attractivité de ces métiers.

AC

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