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« Il y a eu des avancées grâce à nos revendications mais nous restons vigilants », Michaël Hembert, agent de l’administration pénitentiaire

2 avril 2020 | Visages du syndicalisme

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Michaël Hembert est agent de l’administration pénitentiaire, délégué syndical régional CFTC et secrétaire local. Solidaire de ses collègues, il a notamment contribué à la mise en place de mesures de protection pour les agents. Mais s’inquiète du faible stock de masques.

Maison d'arrêt de Villepinte / Crédit photo : Kevin Arquillo

En quoi consiste votre travail habituellement ?

Je suis affecté au PREJ de Lille. Le PREJ est le Pôle de rattachement des extractions judiciaires. Nous assurons l’acheminement des détenus entre les établissements pénitentiaires et les tribunaux. Pour ce faire, nous sommes armés sur la voie publique, contrairement aux agents de détention, qui travaillent dans les établissements pénitentiaires.

Qu’est-ce que le Covid 19 a changé dans votre travail ?

Dans le contexte actuel de confinement, les tribunaux travaillent au ralenti ce qui a une incidence directe sur nos missions principales.

Cependant, nous avons eu des soucis sur l’acheminement des détenus. En effet, il est impossible, dans un véhicule, d’appliquer les gestes barrières, comme la distance d’un mètre entre les individus et nous. Et nous ne disposions pas de masques, de gants, ni de gel hydroalcoolique. Nous avons fait remonter l’information à notre direction régionale. Depuis, nous avons reçu ce matériel. 

Dans le cadre du COVID-19, nous remplissons également des missions exceptionnelles. Par exemple, nous avons distribué des masques dans divers établissement pénitentiaires, dans le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne et la Somme. Mais à terme, cette première livraison sera clairement insuffisante surtout pour les agents de détention, en cas d’infection de la population pénale. Pour l’instant, l’administration pénitentiaire ne nous autorise à porter les masques que dans le cas avéré d’un détenu infecté. 

Depuis le début de la crise, le PREJ a aussi été appelé en renfort pour accompagner les ERIS. Les Équipes régionales d’intervention et de sécurité font partie de l’Administration pénitentiaire. Elles assurent une mission de maintien de l’ordre afin que les détenus réintègrent leur cellule en cas de problème. En effet, il y a eu des incidents dans plusieurs établissements, comme à Uzerche, Longuenesse et Maubeuge. À la suite de cela, nous avons effectué des gros transferts de détenus en urgence vers d’autres établissements un peu partout en France. Et nous sommes positionnés administrativement sur des établissements pénitentiaires pour éventuellement venir en renfort des effectifs d’agents de détention.

Est-ce que vous avez reçu une formation pour assurer cette mission ?

Oui, bien sûr. Tous les surveillants pénitentiaires sont formés aux techniques d’intervention.

Nous avons participé à ces missions sur la base du volontariat. Je voulais aider mes collègues en difficulté. Si on est sorti des détentions, on n’oublie pas pour autant d’où on vient. 

Par ailleurs, pour les PREJ nous avons agi, au niveau syndical, auprès de la direction régionale, afin de bénéficier d’aménagements d’horaires. Le but était de ne pas rester en groupes dans des lieux confinés, en attendant des transferts. Nous sommes autorisés à rester chez nous plutôt qu’à la base mais sommes susceptibles d’être appelés pour aller travailler. C’est une sorte de système d’astreinte. C’était une revendication CFTC et intersyndicale. Tout comme la demande de masques, de gants et de gel hydroalcoolique.

Sur ce dernier point, nous avons certes obtenu le matériel, mais nous restons vigilants. Sur le long terme, nous craignons la rupture de stock et nous avons peur de contracter le virus.

Une prime pour les fonctionnaires

Le syndicat CFTC Libre Justice souhaite que la prime de 1000 euros annoncée pour les salariés du privé soit aussi accordée à tous les agents du ministère de la Justice. ll semble avoir été exaucé le 15 avril par une annonce de Gérald Darmanin.

La ministre du Travail a en effet annoncé, le 26 mars, le versement d’une prime pour les salariés qui continuent de travailler pendant la période de confinement.

Le montant de cette prime sera de 1000 euros par mois jusqu’au 31 août. Et le ministre de l’Economie la porte à 2000 euros, le 31 mars, dans les entreprises ayant signé un accord d’intéressement et de participation.

Qu’est-ce qui a changé pour les agents de détention ?

Des mesures ont été mises en place afin de limiter les mouvements de détenus. Les promenades sont maintenues mais nous y envoyons moins de personne en même temps. Les parloirs et les activités, scolaires notamment, sont suspendus. Les détenus ont du mal à comprendre ces mesures. Ils ont peur du risque de transmission du virus par les agents pénitentiaires, qui eux vont à l’extérieur. Du coup, dans cet environnement confiné par définition, la tension et l’anxiété sont encore plus grandes que d’habitude. Des détenus bloquent leur promenade, ils refusent de réintégrer leurs cellules. Et les agents vivent avec la peur de propager le virus à leur famille. Mais notre mission régalienne ne nous laisse pas le choix : nous devons être sur le front.

Que pensez-vous des mesures prises par la ministre de la Justice, comme les sorties anticipées, les assignations à résidence, les travaux d’intérêt général ?

Il faut rappeler que ce ne seront pas n’importe quels détenus qui seront libérés.

Cependant, en ce qui concerne notre travail, cela peut réduire les tensions chez les détenus. Mais cela peut aussi les envenimer : certains vont dire “pourquoi lui est libéré et pas moi ?”

Des mesures pour les détenus ont été annoncées mais quelles mesures sont vraiment prises pour les agents ? Il y a eu des avancées grâce à nos revendications mais nous restons vigilants sur le long terme. Si les agents de l’administration pénitentiaire venaient à être contaminés en nombre, est-ce qu’ils accepteront de s’investir autant qu’aujourd’hui ? Il est toujours possible de rester chez soi, avec par exemple une autorisation d’absence exceptionnelle en raison de l’état de santé antérieur à la pandémie. Ou pour l’un des parents devant assurer la garde d’un enfant de moins de 16 ans suite à la fermeture des établissements scolaires. 

En ce qui concerne la CFTC, nous sommes solidaires avec les collègues, disponibles, mais vigilants. Quant à moi, je ne cache pas que j’ai peur d’attraper le virus car on n’est à l’abri de rien.

Laurent Barberon

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Voir aussi l’interview de Blaise Gangbazo par BFM-TV

Blaise Gangbazo est président du syndicat CFTC Libre Justice et membre du bureau de la Fédération CFTC des Agents de l’Etat.

Crédit photographique : Kevin Arquillo
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