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Handicap : Un spectacle pour changer de regard

21 novembre 2018 | Dossier : handicap

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Une personne handicapée mal accueillie dans un service. Des employeurs qui recrutent une personne en situation de handicap pour de mauvaises raisons, d’autres qui s’arrêtent à leur « quota » de travailleurs handicapés. Un travailleur qui n’ose avouer son handicap malgré l’obtention de la RQTH, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Autant de sujets que le spectacle Changeons de regard aborde.

Du théâtre en entreprise, pour faire bouger les consciences ? C'est le pari de 'Changeons de regard', un spectacle dédié au handicap

Une personne handicapée mal accueillie dans un service. Des employeurs qui recrutent une personne en situation de handicap pour de mauvaises raisons, d’autres qui s’arrêtent à leur « quota » de travailleurs handicapés. Un travailleur qui n’ose avouer son handicap malgré l’obtention de la RQTH, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Autant de sujets que le spectacle Changeons de regard aborde.

De quoi s’agit–il ?

Changeons de regard est un spectacle itinérant qui se joue dans les entreprises. Sur simple demande. C’est ce que l’équipe du projet appelle « théâtre d’entreprise ». Le spectacle est construit sous forme de sketch. Il y en a 4 en tout. « J’ai rencontré de personnes handicapées mais aussi des responsables diversité et handicap pour recueillir leurs attentes, et ce qu’ils souhaitaient voir dans ce spectacle. Forte de cette matière, j’ai essayé d’être le plus réaliste possible » explique Blandine Métayer, co-auteur du spectacle.

Un spectacle sur le handicap joué par des handicapés

Au nom de ce principe de réalité du terrain, le parti pris a été d’engager des comédiennes et des comédiens également handicapés. Qui mieux qu’eux pour traduire sur scène les émotions et les obstacles liés au handicap ? L’un d’eux, Gérard Lefort est l’autre co-auteur. Il s’est retrouvé en fauteuil roulant suite à un accident de moto depuis 2003. Les deux auteurs se sont rencontrés à une conférence et ont décidé de mettre en commun leurs compétences. Au service de ce projet engagé.

Une des autres interprètes s’appelle Adeline Belloc (en photo de Une). Atteinte de mucoviscidose, elle a été greffée des poumons en 2016 et reconnue travailleur handicapé en 2006.

« Faire jouer des comédiens handicapés favorise un débat plus ouvert et plus riche. Le théâtre favorise l’émotion et le ressenti. On parle à l’intelligence émotionnelle notamment avec le premier sketch dans lequel l’équipe rejette la personne handicapée. C’est assez violent mais cela aboutit à un échange. Voire des confidences. Un jour, une personne est venue nous dire, après le spectacle, qu’elle avait la sclérose en plaques et n’en avait jamais parlé… De manière générale, le spectacle réveille les consciences et en cela, nous touchons à notre but : inciter à changer de regard.» raconte Blandine Métayer, par ailleurs marraine de l’association FDFA (femmes pour le dire femmes pour agir) qui aide les femmes handicapées, 2 fois plus nombreuses à subir les discriminations au travail selon le dernier baromètre du Défenseur des droits.

Chantal Baoutelman

La présentation du spectacle

Témoignage d’Adeline Belloc, comédienne

Adeline Belloc a 34 ans. Elle exerce en tant que comédienne professionnelle depuis 2009. La jeune femme souffre de la mucoviscidose, une maladie qui ne se voit pas mais qui est progressive et lourde. Cela ne l’a pas empêchée de poursuivre son rêve de devenir comédienne. Car pour elle, « la maladie ne définit pas une personne ». Après une licence de lettres modernes, elle est montée à Paris intégrer une école d’arts dramatiques. Dès la fin de ses études, elle a commencé sa carrière sur les planches du célèbre théâtre parisien de la Huchette. Un jour, la maladie a pris plus de place que le reste. Elle ne pouvait plus rien faire, ni respirer. Impossible de jouer. Elle a arrêté le travail un an, quand elle attendait sa greffe des poumons. Puis une autre année pendant sa convalescence. Le spectacle Changeons de regard lui permet de renouer avec la scène et le public.

« J’ai accepté de jouer dans ce spectacle car j’y ai la chance d’interpréter des rôles vraiment différents, qui vont d’une salariée lambda à une top manager. Des personnages assez forts qui défendent un message positif : qu’on soit handicapé ou valide, nous avons les mêmes capacités. Il y a aussi une autre raison. Depuis ma greffe des poumons, je n’ai pas retravaillé. Or, le théâtre c’est ce qui me fait vibrer. Le spectacle me donne l’occasion de revenir sur scène.

Changement de décor qui produit le spectacle, m’a donné cette chance et je trouve chouette d’avoir parié sur une comédienne handicapée. Ce choix participe à casser les préjugés autant que le spectacle lui-même. Quand on me voit, on ne se doute pas que j’aie un handicap. Mais, les gens ne savent pas à quel point c’est parfois difficile de vivre.

Les discriminations existent. Je l’ai vécu moi-même. Déjà, je ne voulais pas dire que j’étais malade. Quand je le disais, c’était un problème. En face de moi, mes interlocuteurs préjugeaient de ma fragilité, de mes futures absences, ils se disaient qu’ils ne pourraient pas me faire confiance. C’est effectivement un regard qu’il faut changer. En ce sens, le spectacle porte bien son nom. Etre handicapé n’est ni une contrainte ni une chance au travail.

Je commence le spectacle en jouant une salariée odieuse, qui critique un collègue sourd. Et elle y va avec tous les clichés sur le handicap. C’est un florilège de tout ce que Blandine a recueilli comme témoignages. Si pour moi, c’est jouissif de jouer une méchante, je ressens le malaise des spectateurs, qui se demandent comment cette comédienne – valide – peut parler ainsi. Après ce sketch, j’explique que le handicap invisible existe. Qu’il est même très répandu. Et que d’ailleurs, moi-même, j’ai un handicap invisible. Malheureusement, parler du handicap reste encore tabou en entreprise. Rares sont les occasions qui aident à se comprendre. Ce spectacle montre que chacun peut être touché par une maladie ou quelque chose d’invalidant. Et qu’il ne faut pas critiquer sans se demander pourquoi une personne a un avantage ou pourquoi elle agit de la sorte. Je pense que ce spectacle aide chaque salarié à se dire que la différence fait la force.

Est-ce difficile de jouer des personnages handicapés quand on est soi-même handicapé ? Non car même si je mets toutes mes émotions dans mes rôles pour les incarner avec sincérité, le théâtre est un jeu. Pour moi, jouer la comédie reste une joie totale, c’est se dépasser. En ce sens, le spectacle m’a beaucoup apporté sur le plan professionnel notamment dans l’interaction avec le public. Car là, les gens peuvent me poser de questions, me parler de situations qu’ils ont connues. Une fois une jeune fille m’a demandé : « alors, vous n’allez plus mourir ? ». Sa question innocente et en même temps grave, a fait rire tout le monde. Je lui ai répondu que je pouvais encore mourir. Et de toute façon, tout le monde va mourir un jour. C’est la vie. Dans ce spectacle, nous évoquons des sujets tristes car liés à la maladie, à la souffrance voire à l’extrême à la mort. Nous les traitons dans des situations comiques qui les rendent plus légers et, en conséquence moins tabous. Et c’est précisément l’objectif de sensibilisation de ce spectacle. »

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