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Accessibilité des stades, représentation du handicap : qu’attendre de ces Jeux Paralympiques ?

28 août 2024 | Social

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Para-athlète de haut niveau et 10e des derniers championnats de France de tir sportif au pistolet, Julien Hugelé est aussi membre du groupe d’experts d’usage de la Délégation interministérielle aux JO et Paralympiques 2024. Ce collectif avait pour tâche de vérifier l’accessibilité des sites olympiques, afin qu’ils soient adaptés à tous. Des enjeux sur lesquels a également pu travailler la CFTC, en tant que membre du Comité de la charte sociale des JO de Paris. Alors que les Jeux Paralympiques débutent ce 28 aout, il revient sur la portée et l’importance de l’évènement, qui doit participer à mieux visibiliser et intégrer le handicap à l’espace public.

Julien, en premier lieu, pouvez-vous vous présenter, et nous expliquer comment vous avez débuté la pratique du para tir sportif ?

Bien sûr. En 2000, j’ai eu un accident de moto : une voiture m’a renversé sur le périphérique parisien. Depuis, je suis paraplégique complet et donc en fauteuil roulant, seuls ma tête et mes bras peuvent bouger. J’étais étudiant à ce moment-là et, après ma convalescence, j’ai tout de suite voulu reprendre mes études. J’ai pu décrocher mon diplôme de professeur de sciences physiques en 2004 et j’ai enseigné jusqu’en décembre 2019. Malheureusement, ça devenait très compliqué avec mon employeur, car l’administration ne me permettait plus d’aménager suffisamment mon emploi du temps, afin qu’il soit compatible avec mon handicap.

J’ai finalement pris la décision de démissionner pour monter ma propre société, car j’avais déposé un brevet pour un objet connecté, une balise qui détecte les chutes et permet d’être localisé en permanence. Dans le même temps, j’ai voulu me mettre au sport et ai découvert vraiment par hasard le tir sportif. Ça m’a énormément plu et j’ai participé à diverses compétitions : je suis arrivé premier à des tournois départementaux et régionaux, et 6e puis 10e aux deux derniers championnats de France de ma catégorie, le pistolet.

Typiquement, comment atteint-on un tel niveau ?

Ça demande un très gros investissement personnel : j’ai une vingtaine d’heures d’entrainement par semaine et une à deux semaines de stage de tir par mois. Même si je ne suis pas professionnel, j’ai aujourd’hui le statut officiel d’athlète de haut niveau. Ça me permet de toucher des subventions, ou encore d’avoir un remboursement intégral des frais de carburant, de bouche et d’hébergement occasionnés lors des stages régionaux et nationaux auxquels je suis convié. Je ne participerai néanmoins pas à ces Jeux Paralympiques. Dans ma discipline, seuls deux para-athlètes ont été sélectionnés. Je ne fais pas partie de la doublette d’heureux élus, même si je m’entraine effectivement à leurs côtés régulièrement !

En février 2023, vous avez aussi intégré le groupe d’experts d’usage de la Délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Quel était l’objectif de cette nouvelle instance ?

L’Etat a voulu créer ce groupe d’experts – composé de personnes atteintes de divers types de handicaps – afin de vérifier que l’accessibilité des sites olympiques soit bien universelle. Dans le cas contraire, nous avons également pu suggérer des améliorations et des aménagements. Nous avons ainsi pu visiter l’intégralité des enceintes sportives des JO et Paralympiques, ou encore tester les transports y permettant d’y accéder.

Quel bilan faites-vous de cette initiative ?

D’abord, il faut souligner que nous n’avons été sollicités qu’en février 2023, ce qui est quand même très tard. C’est vraiment dommage de pas avoir été consultés au moment où les plans des enceintes olympiques ont été élaborés. Cela étant dit, j’ai aimé l’humilité et la sincérité de cette démarche. Nous avons été très écoutés et sollicités et avons rencontré des gens très impliqués, qui souhaitaient vraiment œuvrer dans une optique d’accessibilité universelle. Certaines maladresses ou défauts de conception auraient certes pu être évités si on nous avait consulté plus en amont, mais je retiens que nous avons aussi fait de belles choses, gagné de belles batailles.

Très concrètement, quels changements et ajustements avez-vous pu suggérer et initier ?

Nous avons, par exemple, étroitement collaboré avec Aéroports de Paris (ADP), puisque c’est par avion que la plupart des athlètes et des spectateurs des JO et Paralympiques se rendent dans la capitale. Suite à nos suggestions, ADP a investi pour créer des salles de change. Ces salles doivent permettre à des enfants ou des ados qui ont des contraintes mentales ou physiques – et qui peuvent se souiller – de se changer avec l’aide de leur famille. Jusqu’à présent, ils avaient besoin que leurs parents les allongent sur le sol des toilettes publiques, c’était assez dramatique. En France, exceptions faites de Disneyland Paris et d’une poignée d’autres sites, ces salles de change n’existent presque pas, contrairement au Royaume Uni, où il y en a plus de 5000. Le cas échéant, cela démontre bien que les JO et Paralympiques peuvent être un vrai tremplin pour progresser sur certains enjeux d’accessibilité.

Le témoignage de Pascal Gentil, double médaillé de bronze olympique de taekwondo

Actuellement chargé de mission rattaché aux JO 2024 pour le groupe Aéroports de Paris (ADP), Pascal Gentil a notamment pour tâche d’assurer le meilleur accueil des athlètes et para-athlètes dans les aéroports

« Mon mantra, ça a vraiment été de répéter que ces JO et paralympiques sont une opportunité pour le groupe ADP, afin de progresser sur les enjeux d’accessibilité. Nous avons pu améliorer de nombreux processus, notamment notre gestion des fauteuils.

Le fauteuil des passagers, celui qui les accompagne au quotidien, n’est en effet pas un objet comme les autres, mais plutôt une sorte de prolongement de leurs membres.  Les voyageurs accrédités aux Jeux Paralympiques auront ainsi droit à la mise à disposition systématique de leur fauteuil roulant personnel depuis et jusqu’à la passerelle de l’avion, ce qui n’était pas le cas avant. L’objectif, c’est maintenant de généraliser progressivement ce processus à l’ensemble des passagers, au plus tard à la mi-2025. »

Au niveau des enceintes sportives, nous avons aussi pu suggérer et obtenir des ajustements, notamment en substituant des marches par des pentes douces sur certains sites. A la Défense Arena, je me souviens par exemple que le parking handicapé comprenait des fossés pour évacuer l’eau de pluie. Mais ces fossés pouvaient être infranchissables pour les paraplégiques ou les mal-marchants. Il a donc fallu revoir tout le dispositif, notamment en posant des grilles pour parer au problème. Nous avons pu corriger tout un tas de petites choses comme ça, même si, à l’avenir, j’espère qu’on sera davantage consulté avant la réalisation des travaux, pas après.

Ces Jeux Paralympiques peuvent-ils accélérer le développement du handisport en France ?

Certainement, car ils permettent non seulement de visibiliser le handicap lourd, mais aussi d’inciter les personnes atteintes à se montrer, à oser. Vous savez, j’ai donné une conférence il y a quelques jours sur le sport de haut niveau, à laquelle participaient une centaine de personnes en situation de handicap. La plupart me disait qu’elles n’osaient pas taper à la porte d’un club de sport, qu’elles faisaient un blocage.

Au départ, je pensais également que le tir sportif n’était pas accessible pour moi. La médiatisation du handisport peut justement inciter les personnes concernées à être fier de leur handicap et à le dépasser. En parallèle, elle permet au grand public de non seulement se rendre compte de ce qu’est le handicap, mais aussi de ce que sont capables de faire les personnes qui en sont atteintes.

AC

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