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Franck Don : « La CFTC milite pour une transition écologique proactive, mais progressive »

20 août 2024 |

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Nommé en septembre 2023 secrétaire général adjoint de la confédération en charge de la transition écologique et énergétique, Franck Don travaille notamment à la création d’un réseau d’adhérents référents sur les questions environnementales. Il explique ici comment la CFTC défend, via le dialogue social, la mise en œuvre d’une écologie concrète mais graduelle, dans l’optique de préserver l’employabilité comme les conditions de travail des salariés.

Franck, en premier lieu, pouvez-vous vous présenter, et nous expliquer quels sont vos mandats syndicaux ?

Bien sûr. Je travaille actuellement chez Stellantis comme cadre et, depuis 2021, je suis secrétaire général de la fédération métallurgie. En septembre 2023, je suis également devenu secrétaire général adjoint de la confédération, en charge de la transition écologique et énergétique. C’est forcément un sujet qui me parle car le milieu automobile – dans lequel je travaille – est en pleine transformation, du fait de la décarbonation du secteur.

Parlons, justement, de transition écologique. Vous avez récemment signé la préface d’un guide de la CFTC consacré aux mots clés de l’environnement, qui revient notamment sur le concept de transition juste. Pouvez-vous nous expliquer la finalité de ce document ?

Ce guide vise non seulement à sensibiliser et à apporter des bases à la compréhension des enjeux écologiques, mais aussi à les lier à des enjeux sociaux, notamment de santé et de sécurité au travail. Il est en premier lieu destiné à nos militants, qui doivent être outillés pour négocier et défendre les droits des salariés. Néanmoins, à la CFTC, nous pensons que tous les travailleurs doivent s’intéresser à la transition écologique, pour comprendre et s’approprier les enjeux et les défis de demain.

Il nous semblait donc important de synthétiser toutes ces notions pivots dans un document commun et accessible à tous parce que, la transition écologique, c’est quand même un sujet immensément vaste, qu’on ne sait pas forcément par quel bout aborder. Il s’agissait aussi de définir précisément des notions qu’on croit maîtriser, mais qui sont plus complexes qu’elles peuvent le laisser penser, comme la neutralité carbone et les objectifs qui y sont liés pour les entreprises. Nous voulions aussi expliciter d’autres concepts un peu moins connus du grand public : je pense, par exemple, aux 9 limites planétaires, ou encore à la commission environnement des CSE.

Télécharger le guide de la CFTC : « Les mots clés de l’environnement: promouvoir une transition juste »

Les syndicats ont notamment pour rôle de faciliter et d’accompagner la transition écologique et énergétique au sein des entreprises. Quel regard portez-vous actuellement sur ce processus ?

Il y a une volonté indéniable de progresser sur ces enjeux, du côté des partenaires sociaux et des acteurs économiques. Néanmoins, je dirais que tout cela manque encore de vision, d’une ligne directrice rigoureusement définie, y compris au niveau de l’Etat. Ceci étant dit, comme syndicat, nous gardons à l’esprit que l’enjeu est, pour nous, double. Nous devons, bien sûr, aider à « verdir » et assainir l’économie et les processus de production. Mais parallèlement, notre rôle est aussi et surtout d’anticiper et d’accompagner les potentiels effets de la transition écologique sur le monde du travail, afin que les salariés, notamment les plus précaires, ne se retrouvent pas fragilisés sur le marché de l’emploi.

Comment la CFTC compte-t-elle tendre vers ce double objectif ?

La CFTC estime qu’il faut viser à trouver un point d’équilibre, pour conjuguer le mieux disant-écologique et le mieux disant-social. Pour ce faire, nous pensons que la transition écologique et énergétique nécessite d’être progressivement mise en œuvre, étape par étape. On sait qu’elle devra notamment s’accompagner d’un effort conjoint des acteurs économiques et de ceux de l’emploi et de la formation pour les reconversions professionnelles.

Il s’agit donc d’anticiper les besoins de formation et de reconversion des salariés, puis d’y répondre graduellement. Néanmoins, on ne peut pas bouleverser d’un coup tout le processus de production, sous peine de produire une casse sociale importante. En somme, la CFTC considère qu’il nous faut impérativement décarboner notre appareil productif, mais que ce changement doit être échelonné, notamment en suivant une temporalité et des modalités que le dialogue social doit contribuer à définir.  

Quels sujets ayant trait à la transition écologique et énergétique veut plus précisément porter la CFTC, dans le cadre de ce dialogue social ?

Nous défendons, d’abord, une vision de la montée en gamme : elle repose sur des processus de production plus économes en ressources naturelles, plus efficaces sur le plan énergétique, et moins polluants. Cette transition ne peut se réaliser sans une montée en compétences des collaborateurs, une gestion anticipée des parcours professionnels, ainsi que la préservation de leurs conditions d’emploi et de travail. Ensuite, notre organisation défend l’importance de favoriser les circuits courts et l’économie circulaire. Nous proposons, par exemple, que l’assurance maladie et les complémentaires santé remboursent davantage les médicaments respectueux de certaines normes environnementales mais aussi des droits humains, selon un label de responsabilité sociale et écologique. 

La CFTC insiste également sur la nécessité de développer une vraie traçabilité écologique des biens et services, notamment pour responsabiliser et impliquer le consommateur. C’est essentiel, car les entreprises ne sont, en définitive, qu’un maillon de la chaîne productive : au bout de celle-ci, il y a le consommateur, qu’il faut aussi responsabiliser, impliquer davantage. Après tout, si on veut que la transition écologique réussisse, il faut aussi que l’écologie soit inclusive et participative. 

Le 11 avril 2023, la CFTC a signé un accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la transition écologique et au dialogue social. Quel est l’objectif visé par cet ANI ?

Ce document doit permettre aux partenaires sociaux d’intégrer au mieux les enjeux environnementaux dans les négociations collectives, ce qui est évidemment une bonne chose. Cependant – c’est écrit dans l’accord – les acteurs de cette négociation devaient se revoir en fin d’année dernière pour déterminer les indicateurs à mettre en surveillance, dans les entreprises. Le problème, c’est qu’on ne l’a jamais eu cette réunion. Le patronat nous explique qu’il souhaite pour le moment se focaliser sur d’autres enjeux plus immédiats.

La mise en œuvre de certaines des mesures définies par ces pourparlers est donc enlisée ?

La CFTC a relancé le MEDEF deux fois à cet effet, pour qu’on poursuive les discussions. Elles vont bien avoir lieu à un moment mais, à mon sens, c’est encore trop lent. Tout cela m’évoque le différentiel qu’il faut apposer entre l’urgence et l’importance. Si vous faites une crise cardiaque, c’est urgent, il faut s’en occuper tout de suite. Mais si vous avez une maladie chronique grave, ce n’est pas urgent – vous n’allez pas mourir dans l’heure – mais c’est très important, il faut que vous soyez traité médicalement. Le cas échant, c’est exactement ça : on agit dans l’urgence, pour régler les problèmes du quotidien. Mais on ne s’occupe pas assez de ce problème de fond qui est la transition écologique des entreprises et du tissu économique. C’est donc aussi à nous, syndicats, de porter ces sujets et thèmes, pour que les négociations et mesures les concernant soient mises en œuvre selon une temporalité adaptée et responsable.

AC

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