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Faut-il mettre fin aux 75 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales ?

30 janvier 2025 | Social

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Estimées à près de 75 milliards d’euros, les exonérations de cotisations patronales ont atteint un niveau record en 2023. Alors que les parlementaires sont en cours d’adoption des budgets de l’Etat et de la sécurité sociale pour 2025, la légitimité et le niveau de ces allégements peuvent interroger. Si la CFTC n’est pas opposée à la mise en œuvre de certains allégements de cotisations, elle propose qu’ils soient rigoureusement conditionnés, en fonction du respect d’objectifs en matière d’emploi, de prévention des risques professionnels, ou encore de pratiques salariales et environnementales vertueuses.

Au terme de l’actuelle séquence budgétaire, les parlementaires vont adopter le budget de l’Etat et de la sécurité sociale, pour 2025. Ceux-ci sont définis par deux textes : le projet de loi de finances (PLF) et le projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Successivement invités par Matignon et Bercy fin janvier, les partenaires sociaux – dont la CFTC – ont pu se prononcer sur le sujet. A cet égard, notre organisation a notamment insisté sur le volume des exonérations de cotisations patronales : évalués à plus de 75 milliards d’euros en 2023, ces allégements de cotisations – qui privent les finances publiques d’une partie de leurs recettes –  ont en effet atteint un montant inédit. Alors que la dette publique française atteint un montant record et que le déficit de la sécurité sociale se creuse, l’ampleur comme la légitimité d’une partie de ces exonérations de cotisations peuvent donc interroger. 

Lutter contre la « smicardisation » des salaires

Rappelons, en préambule, en quoi consistent principalement ces allégements : si ces derniers concernent tous les salaires inférieurs à 3.5 SMIC, la majorité de ces exonérations se concentrent sur les rémunérations jusqu’à 1,6 fois le smic, afin d’inciter les entreprises à embaucher. Si la CFTC n’est pas nécessairement opposée à la mise en œuvre de certains allégements de cotisations, elle n’a cessé de souligner les effets pervers engendrés par leurs modalités d’application: pour commencer, les salaires qui dépassent ce montant de 1.6 smic sont moins concernés par ces allégements de cotisations, ce qui n’incite pas les entreprises à revaloriser les fiches de paie des travailleurs concernés. Par ailleurs, le smic est, lui, régulièrement augmenté afin de s’aligner sur l’inflation, comme le prévoit la loi. Les salaires proches du salaire minimum, qui n’évoluent plus, ont donc tendance à se rapprocher progressivement du smic.

En outre, le smic évoluant plus vite que le salaire moyen, davantage de salaires entrent dans la fourchette qui permet aux employeurs d’avoir droit aux allégement de cotisations, ce qui augmente le poids sur les finances publiques. Ajoutons, enfin, que cette « smicardisation » des salaires complique, voire entrave, la montée en compétences des salariés via la formation et l’évolution professionnelle. Une montée en qualification des travailleurs doit en effet nécessairement s’accompagner d’une hausse de leur rémunération, que ne permet pas un nivellement par le bas des salaires. Dans le contexte d’une mondialisation hautement compétitive, les entreprises françaises doivent pourtant faire de la montée en gamme de leurs produits et services un outil de démarcation, cette optique qualitative dépendant essentiellement de la hausse des compétences et savoirs de leurs salariés.

Des aides, oui, mais des contreparties aussi

Dès lors, comment palier ces nombreux manques ? Entre ceux qui plaident pour une suppression des allègements et ceux qui, au contraire, souhaitent les maintenir sans interroger leur efficacité, la CFTC préconise depuis plusieurs années une approche intermédiaire, plus réaliste. En premier lieu, notre organisation appuie certaines des recommandations d’un rapport récemment publié par les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer. Plutôt que de réduire prioritairement les cotisations sur les bas salaires, ce document propose de concentrer plus massivement ces allégements sur les salaires intermédiaires. Schématiquement, il s’agirait donc de déplacer la fenêtre des allègements, afin d’inciter les employeurs à augmenter les salaires au-delà de 1,6 SMIC. Une idée qui, à titre de première avancée perfectible, a les faveurs de notre organisation.

Par ailleurs, la CFTC propose également de strictement conditionner le droit à bénéficer de ces allégements. Les entreprises ayant pleinement intégré ces mécanismes d’exonération dans leur gestion quotidienne (gestion RH, structure des prix pratiqués – définition des marges, politique salariale …), il nous semble trop limité de leur permettre de bénéficier de ces aides uniquement au regard d’objectifs vagues et non quantifiables liés à la création ou au maintien des emplois. Pour ce faire, notre organisation propose de conditionner ces allégements à l’atteinte d’une liste d’objectifs en matière non seulement d’emploi, mais aussi de formation, de prévention des risques professionnels, ou encore de bonnes pratiques sociales et environnementales. Ces objectifs seraient adaptés à la taille et à l’activité de l’entreprise concernée (secteur, masse salariale, branche professionnelle etc…). Au regard des résultats enregistrés sur une année et du respect (ou non-respect) de ces objectifs, les allégements de cotisations de l’année suivante se verraient ensuite appliquer une majoration ou une minoration.

Rigoriser la dépense publique, favoriser une hausse des salaires

Il ne s’agirait donc pas, en somme, de supprimer les allègements de cotisations – qui peuvent avoir du sens pour faciliter l’embauche et le maintien en emploi de certains salariés – mais plutôt de responsabiliser les entreprises : en contrepartie des deniers publics qui compensent leurs exonérations, celles-ci seraient en effet incitées à améliorer les conditions de travail – au sens large – de leurs salariés. Pour la CFTC, cette conditionnalité des exonérations de cotisations irait ainsi dans le sens d’une approche doublement vertueuse : elle permettrait d’optimiser et rigoriser la gestion de la dépense publique, tout en améliorant la rémunération et le pouvoir d’achat des salariés concernés et la démarche sociale et environnementale des entreprises qui les emploient.

AC

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