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Droits des femmes : dans la branche des économistes de la construction, la CFTC signe un accord novateur

5 décembre 2024 | Egalité ProfessionnelleSocial

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Fin novembre, la CFTC a signé un accord qui élargit significativement les droits des femmes (et de leurs conjoints) dans la branche des économistes de la construction. Un texte innovant co-rédigé par Noureddine Benyamina-Brun, coordinateur du secteur géomètre & économiste de la construction, au sein de la Fédération BATI-MAT-TP CFTC. Il détaille ici les mesures de ce nouvel accord, qui vise à mieux accompagner les salariées pendant une période de grossesse, après une interruption spontanée de grossesse, ou même en cas de violences conjugales.

Noureddine, pourriez-vous brièvement nous présenter en quoi consiste le métier d’économiste de la construction, ainsi que la branche qui lui est associée?

Dans le secteur du bâtiment, l’économiste de la construction joue un rôle capital auprès des architectes et des maîtres d’ouvrages. Il a pour mission d’évaluer le coût d’une construction neuve ou d’une réhabilitation de bâtiment. Les salariés de la branche – qui sont environ 4500 – travaillent pour la grande majorité dans des TPE (très petites entreprises).

J’ajoute que la branche des économistes de la construction avait fusionné avec celle des géomètres il y a 5 ans, avant de s’en séparer en début d’année. Leurs grilles de salaires et de qualifications étaient trop différentes, leurs besoins trop asymétriques et aucun accord majeur n’avait pu être signé au profit des salariés et des entreprises. Début 2024, la scission des deux branches a donc permis aux partenaires sociaux du secteur des économistes de la construction (au premier rang desquels figure la CFTC, avec 65% de représentativité)  de redynamiser le dialogue social. La signature de cet accord sur les droits des femmes, où la CFTC a joué un rôle moteur, en est une démonstration évidente.

La CFTC a-t-elle été à l’initiative de cet accord de branche ?

Tout à fait. Nous avons commencé à nous emparer du sujet, suite à l’une de mes visites au sein d’un cabinet de géomètre. J’avais discuté avec une salariée qui allaitait et pour qui l’entreprise avait prévu un certain nombre de facilités. Elle s’était individuellement mise d’accord avec son employeur, les avantages dont elle bénéficiait ne découlaient pas d’un accord d’entreprise, stricto sensu.

Par la suite, j’ai discuté avec Sylvain Dutremblay et Roméo Lasjauni, deux autres mandatés CFTC qui ont été essentiels à la rédaction de ce texte d’accord et dont je tiens à saluer ici le travail et l’implication. Nous nous sommes dit qu’il devrait être possible de prévoir des mesures adaptées aux besoin des salariées, dans la convention collective des économistes de la construction. Nous voulions montrer que la CFTC pouvait être prescriptrice sur ces enjeux-là, et je crois que nous avons réussi.

En quoi cet accord est-il plus avantageux – pour les salariées et salariés de la branche – que le droit commun ?

En résumé, ce texte leur confère des jours de congés et des jours en télétravail supplémentaires, lors de certaines situations particulières et spécifiées : après une interruption spontanée de grossesse (en l’occurrence, une fausse couche), si une personne a subi des violences conjugales, pendant une période de grossesse, etc…

A titre d’illustration, le texte permet, en cas d’interruption spontanée de grossesse avant la vingt-deuxième semaine, d’avoir une autorisation d’absence exceptionnelle de 3 jours, au lieu de 2 dans le droit commun (sans déduction de congés ou réduction de salaire). Cette absence peut aussi être accolée à un arrêt de travail pour maladie. En outre, le texte permet au conjoint d’une personne qui a réalisé une interruption spontanée de grossesse d’également bénéficier de ce congé.

Cet accord vise en effet à permettre d’impliquer davantage les conjoints, dans l’accompagnement de leur moitié.

Oui, c’est une composante importante du texte, parce qu’on avait pour objectif que les salariées ne se retrouvent plus seules à gérer ces évènements difficiles. Il donne ainsi un cadre conventionnel au conjoint impliqué, afin qu’il puisse s’absenter sans conséquences, pour pouvoir accompagner sa conjointe.

Je vous donne un autre exemple : dans le cadre du suivi d’une PMA, le texte permet au conjoint d’une salariée de s’absenter pour se rendre à l’ensemble des rendez-vous médicaux obligatoires (dans la limite de 6 demi-journées), contre seulement 3 dans le droit commun.

La réduction de l’horaire journalier de travail pour une salariée enceinte n’est pas une obligation légale. Ce texte d’accord introduit-il la possibilité de moduler plus aisément leur temps de travail ?

En réalité, la loi prévoit une réduction d’horaires obligatoire pour les femmes enceintes, mais seulement si elles bénéficient d’une prescription médicale. A ce titre, cette convention collective va en effet plus loin : elle permet aux salariées enceintes de quitter leur travail 20 minutes plus tôt chaque jour à compter de leur 4ème mois de grossesse, puis 30 minutes plus tôt par jour, à partir du 6e mois de grossesse.

Cet accord introduit également des dispositions pour mieux encadrer le télétravail des femmes enceintes, ainsi que l’endométriose.

Il prévoit en effet au moins une journée de télétravail par semaine pour les personnes enceintes, et jusqu’à deux jours de télétravail par semaine pour les salariées qui allaitent. Pour les personnes souffrant de règles douloureuses (endométriose), la proportion du temps de travail à domicile pourra être mis en place ou allongée d’un à trois jours sur la période concernée.

Même si ces mesures-ci devront être prises en concertation et avec l’approbation de l’employeur, ça nous semblait tout de même important de les inclure dans l’accord : les règles douloureuses, c’est une souffrance concrète au travail pour de nombreuses salariées. L’accord doit leur permettre de plus naturellement en parler, de demander des modulations de leur organisation et temps de travail, même si l’employeur peut ne pas répondre favorablement à leur requête.

Le dernier versant majeur de ce texte d’accord, c’est la batterie de mesures qu’il introduit pour maintenir dans l’emploi les salariés victimes de violences conjugales. Pourriez-vous nous les présenter ?

L’accord engage notamment les entreprises de la branche à faciliter les aménagements de temps de travail et la prise de congés demandés par les salariés victimes. Sous réserve de la présentation d’un justificatif médical, il introduit également un congé spécial de santé, pour les salariés qui déclarent à leur responsable avoir subi des violences, de la part de leur conjoint.

Pour finir, cet accord sur les droits des femmes peut-il en inspirer d’autres, dans d’autres branches professionnelles ?

C’est bien ce que nous espérons, à la CFTC ! Ce texte peut servir de modèle, on aimerait d’ailleurs bien le présenter prochainement dans la branche géomètre. Et s’il n’est pas adopté dans celle-ci, il pourra quoi qu’il arrive servir de modèle et inspirer des accords d’entreprise. Notre fédération BATI-MAT-TP CFTC, qui a suivi avec nous l’évolution de cet texte, ambitionne d’ailleurs de reprendre certaines de ses mesures dans d’autres secteurs.

AC

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