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Droit du travail : la France trop souvent en retard dans la transposition de la loi européenne

8 décembre 2023 | Social

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Mi-septembre, la Cour de cassation a tranché : en vertu de l’application de la législation européenne, les salariés français peuvent désormais continuer d’acquérir des congés payés, pendant leur arrêt maladie. Un rappel à l’ordre révélateur d’un problème plus global : la transposition des directives européennes dans le droit français demeure encore trop souvent incomplète ou tardive. Une anomalie que la CFTC avait pourtant déjà signalée au gouvernement par le passé.

En octobre 2021, la CFTC avait déjà souligné le problème : elle avait rappelé au gouvernement qu’il devait rendre conforme sa législation à la directive européenne de 2003, en matière d’articulation entre les congés payés et la maladie. Un peu moins de deux ans plus tard, le 13 septembre dernier, le couperet a fini par tomber, sous la forme d’un arrêt de la Cour de cassation : en France, tout salarié arrêté pour une maladie non-professionnelle bénéficie désormais de droits à des congés payés pendant sa période d’absence, conformément à ce que prévoit la loi de l’UE. Précisons que cette disposition est rétroactive : les salariés ont donc la possibilité de demander à ce que leurs précédents arrêts maladie confèrent également des droits à congés payés. Pour les contrats de travail qui sont arrivés à leur terme, les salariés peuvent aussi demander à leurs ex-employeurs le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés, en réparation de leur préjudice passé.

Si la CFTC salue ce réalignement du droit national sur la loi européenne, elle relève aussi que ce changement soudain risque de fragiliser certaines entreprises françaises (les plus petites notamment), et avec elles les emplois qu’elles pourvoient : une demande massive d’attribution de ces droits aux congés payés pourrait en effet exposer une partie d’entre-elles à des impératifs budgétaires imprévus. La CFTC alerte par ailleurs quant aux conséquences que pourrait engendrer ce principe de rétroactivité des congés payés : du fait des surcoûts qu’il entraîne, certaines entreprises pourraient en effet décider de revenir sur des avantages extralégaux initialement prévus par leur convention collective (jours de congés supplémentaires, titres-restaurant, primes etc…).

Transposer plus rapidement les directives européennes

Plus globalement, ce cas de figure illustre les conséquences que peut avoir une transposition trop lente (ou incomplète) de la législation européenne. Quand une directive de l’UE – après des années de non-conformité avec le droit européen – se retrouve tardivement et précipitamment retranscrite dans le droit national, elle peut générer des effets que le tissu économique domestique n’avait pas pu structurellement anticiper. C’est pourquoi la CFTC rappelle la nécessite de transposer en amont ces directives, dans les délais prévus par la loi européenne (en général, deux ans). Or – comme de nombreux Etats membres de l’UE – la France est régulièrement épinglée par la Commission de l’UE pour des retards significatifs dans la transposition des directives européennes (mais aussi pour des cas de transposition incorrectes ou incomplètes).

A titre d’exemple, en avril dernier, la Commission avait adressé à la France un avis motivé pour défaut de notification des mesures nationales visant à transposer certains droits de l’UE en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents. La Commission avait notamment souligné que la loi française ne prévoyait pas une indemnisation suffisante du congé parental. Ce dispositif facultatif vise à permettre aux parents salariés d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle à l’occasion d’une naissance au sein de leur foyer, tout en bénéficiant du versement d’une allocation. Faiblement rémunérée (428,71 € pour un congé à temps plein), cette prestation se relève globalement peu incitative pour le parent le mieux payé (en général le père), qui ne la sollicite pratiquement jamais. En somme, la Commission considère que cette allocation ne permet pas suffisamment de « faciliter la prise du congé parental par les deux parents. » Par ailleurs, elle avait également relevé que le droit européen prévoit un droit à l’indemnisation du congé parental après un an d’activité ou d’ancienneté, quand cette condition est encore de minimum deux ans en France.

Si un Etat membre continue de ne pas (ou de mal) transposer certaines directives européennes malgré les mises en gardes de la Commission, relevons enfin que celle-ci peut, à terme, décider de saisir la Cour de justice de l’UE d’un recours contre la nation concernée. Pour éviter toute sanction ou adoption précipitée et non anticipée de ces directives, la CFTC estime donc qu’il est nécessaire de les retranscrire rapidement dans le droit national, ce qui n’est pas encore systématiquement le cas.

AC

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