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Droit à la déconnexion pour le salarié : de quoi parle-t-on ?

13 novembre 2019 | Vie pratique

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Un salarié n’est pas tenu d’être connecté à ses outils professionnels en dehors du temps de travail : c’est le droit à la déconnexion. Que dit précisément la loi ? La CFTC fait le point sur les dispositions applicables en entreprise.

Le droit à la déconnexion est un droit inscrit dans le Code du travail depuis 2017 et l’entrée en vigueur de la loi El Khomri. Face à l’émergence de nouveaux modes de travail et à la nécessité d’adapter la législation à l’ère du numérique, la France est le premier pays à avoir introduit ce droit dans les textes de loi.

Concrètement, qu’entend-on par droit à la déconnexion ? Que prévoient les dispositions légales en faveur du salarié ? Quelles sont les obligations de l’employeur ? La CFTC fait le point.

Qu’est-ce que le droit à la déconnexion ?

Définition du droit à la déconnexion

Le droit à la déconnexion, c’est le droit pour le salarié de ne pas se connecter aux outils numériques professionnels et de ne pas être joignable en dehors de ses heures de travail (soirées, week-ends, congés…). Côté employeur, ce droit implique le respect des horaires définis par contrat, et l’absence de sanctions à l’encontre du salarié qui ne répondrait pas aux sollicitations d’ordre professionnel pendant ses temps de repos.

Le droit à la déconnexion vise à établir une séparation franche entre les différents temps de vie du salarié, de manière à lutter contre les risques d’une connexion en continu et d’une charge de travail trop importante. À l’heure où les nouvelles technologies permettent, voire encouragent, une disponibilité permanente du salarié, le droit à la déconnexion vient le protéger contre toute forme de dérive, pour lui permettre “d’avoir une vie” en dehors du travail.

Droit à la déconnexion : qui est concerné ?

Si le droit à la déconnexion s’applique légalement à tous les salariés du secteur privé, certains sont plus directement concernés car particulièrement exposés aux risques de l’hyperconnexion. Il existe des secteurs d’activité plus “connectés” que d’autres (ex. : métiers liés au numérique, à la communication…). Citons aussi le cas des salariés en télétravail, qui exercent leur activité via des outils connectés, le plus souvent depuis leur domicile. La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est alors très mince.

Les enjeux ne seront pas non plus les mêmes en fonction du statut et des responsabilités du salarié dans l’entreprise. Il faut peut-être établir d’emblée une distinction entre le cadre qui a du mal à rester déconnecté pendant ses congés et l’employé qui se retrouve contraint de répondre à un e-mail tard le soir par peur de manquer à ses obligations. Sous une même notion, le droit à la déconnexion renvoie à de nombreuses réalités.

78 %

des cadres consultent leurs communications professionnelles (e-mails, SMS, appels…) sur leurs temps de repos (congés et week-ends).*

Source : Securex, 2017

Quid du droit à la déconnexion dans la fonction publique ?

Le droit à la déconnexion pour les agents de la fonction publique n’est pas un droit inscrit dans la loi. Les dispositions introduites en 2017 par la loi El Khomri ne s’étendent pas au secteur public. Plus récemment, dans le cadre du projet de loi de transformation de la fonction publique, les députés ont rejeté la création d’un droit à la déconnexion pour les fonctionnaires. Motifs invoqués : les enjeux de service public et le principe de continuité.

Certaines collectivités prennent néanmoins des initiatives en faveur d’un droit à la déconnexion pour tous, à l’instar de la Ville de Paris et de son « mode d’emploi de la déconnexion ». Celui-ci définit notamment des plages horaires durant lesquelles l’envoi d’e-mails est à éviter.

Droit à la déconnexion : que prévoit la loi ?

Des règles définies par accord ou par charte

Le droit à la déconnexion a été inscrit dans le Code du travail (article L2242-17) par la loi Travail (ou loi El Khomri). Pour autant, rien n’en précise les modalités d’application. Il s’agit en réalité d’une obligation de négociation : les entreprises doivent définir leurs propres règles. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le droit à la déconnexion est intégré à la NAO (négociation annuelle obligatoire) portant sur la qualité de vie au travail. Ces discussions doivent aboutir à un accord signé entre l’employeur et les organisations syndicales. Si les négociations échouent, ou si l’entreprise compte moins de 50 salariés, une charte de bonne conduite doit être rédigée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE).

Quel que soit l’effectif de l’entreprise, il s’agit de définir les modalités qui permettront au salarié de faire valoir son droit à la déconnexion. Des règles qui devront être appliquées au cas par cas, en cohérence avec l’activité de l’entreprise, le poste du salarié et les différentes spécificités qui y sont liées. Les entreprises sont également tenues de mettre en place des actions de sensibilisation et de formation portant sur “l’usage raisonnable des technologies numériques”.

Une place centrale pour le dialogue social

La loi laisse une grande liberté aux entreprises : les représentants du personnel ont un rôle majeur à jouer, auprès de l’employeur (négociation, sensibilisation, alerte…) et des salariés (information, prévention, évaluation des conditions de travail, assistance…). Les négociations doivent être menées au plus près du terrain et des pratiques des salariés. Particulièrement attachée à la conciliation des temps de vie, la CFTC s’emploie à défendre les libertés individuelles du salarié, tout en prenant en compte les contraintes inhérentes à son activité.

L’objectif n’est pas de tout interdire ni de bloquer de manière systématique les envois d’e-mails après une certaine heure, mais bien de responsabiliser chaque acteur. Il s’agit de parvenir à un équilibre préservant l’autonomie du salarié. L’obligation de négociation inscrite dans la loi a le mérite d’ouvrir au dialogue, de réunir employeur et représentants syndicaux autour d’un sujet complexe rendu incontournable par l’émergence de nouveaux modes de travail.

Les bonnes pratiques

Intégrer le droit à la déconnexion dans la loi, c’est encourager les entreprises à rechercher des outils adaptés. Certaines instaurent par exemple des “journées sans e-mails”, d’autres expérimentent le “quiet time” (plages horaires sans connexion aux outils numériques), quand d’autres encore bloquent l’accès aux messageries professionnelles les soirs et les week-ends ou bien concentrent leurs efforts sur la formation des managers.

Que faire en cas de non-respect du droit à la déconnexion ?

Causes et dangers de l’hyperconnexion

Du côté de l’entreprise, les causes possibles sont diverses : une mauvaise répartition du travail, des sollicitations abusives (appels et envois d’e-mails incessants, non-respect des horaires de travail…). Des dérives qui peuvent conduire jusqu’au harcèlement dans les cas les plus graves. Qui est en cause ? Les responsabilités sont souvent partagées, liées à un dysfonctionnement global au sein d’un service ou de l’entreprise. Le problème peut néanmoins émaner d’un acteur en particulier : supérieur, manager, collègue…

La responsabilité du salarié peut elle aussi être engagée : difficulté à lever le pied et à déléguer, besoin de contrôler ce qui se fait en son absence, peur de manquer une opportunité, etc. Il s’agit souvent d’un cercle vicieux. Exemple : une mauvaise organisation du travail entraînera chez le salarié la peur d’être débordé à son retour de congé et l’incitera à se connecter depuis son lieu de vacances pour prendre de l’avance.

La santé du salarié pourra être directement impactée (fatigue physique et mentale, stress chronique, maladies, burn-out…), ainsi que, par ricochet, la qualité de son travail et les performances globales de l’entreprise (avec une hausse des coûts liés aux arrêts maladie notamment). L’hyperconnexion du salarié pourra également affecter sa vie personnelle et familiale.

Quels recours possibles en cas de conflit avec l’employeur ? À qui s’adresser ?

Les dérives sont difficiles à encadrer et la loi ne prévoit aucune sanction à l’encontre de l’employeur qui ne respecte pas les règles définies au sein de son entreprise. Les abus peuvent être directs (appels en dehors des heures de travail, envois incessants d’e-mails…) mais aussi plus insidieux (ex. : hausse de la charge de travail obligeant le salarié à se reconnecter). Dans de telles situations, le travailleur peut s’adresser aux membres du CSE. Il peut aussi se tourner vers le délégué syndical CFTC présent dans son entreprise, si celle-ci compte plus de 50 salariés.

Le salarié de TPE pourra quant à lui se tourner vers les unions et fédérations CFTC. À noter : il existe aussi des commissions paritaires régionales (CPR), instances dédiées au dialogue social des entreprises de moins de 11 salariés, capables de médiation en cas de conflit. L’ensemble de ces interlocuteurs pourront vous informer sur vos droits, vous conseiller en cas de sollicitations abusives, vous aider à ouvrir un dialogue fécond avec vos managers ou votre employeur… En dernier recours, le Conseil de prud’hommes pourra être saisi. Vous devrez alors apporter la preuve que votre temps de repos n’a pas été respecté.

Comme dans de nombreux domaines liés à la santé du salarié et à ses conditions de travail, l’accent doit porter sur la prévention. Pour fonctionner, cette sensibilisation est à mener auprès de tous les acteurs de l’entreprise : employeurs, managers, mais aussi salariés. Le droit à la déconnexion ne peut être respecté qu’à travers la participation et la volonté de chacun.

Crédit photographique : Unsplash / Alejandro Escamilla
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