Cyril Chabanier « Forvia Caligny : une montée en gamme réussie »
14 juin 2023 | Évènement
Depuis quelques années la CFTC plaide pour une montée en gamme de l’économie. Mais concrètement comment cela se traduit-il sur le terrain ? C’est ce que Cyril Chabanier a voulu savoir en se rendant sur le site de Forvia à Caligny auprès des équipes CFTC.
Dans un monde économique marquée par l’ultra-concurrence mondialisée, la France n’a aucune chance si elle se place comme rivale aux pays émergents dont les normes sociales, environnementales et morales n’ont souvent rien en commun. En revanche, notre économie peut se redynamiser si elle sait s’appuyer sur le modèle de ses meilleures entreprises qui se sont tournées vers le haut de gamme, la tech, ou les produits à forte valeur ajoutée. Cyril Chabanier, on a commencé à vous entendre parler de montée en gamme à l’issue de la crise du Covid quand le plan de relance se mettait en place.
Cyril Chabanier : La crise du Covid a mis en exergue beaucoup de nos mauvaises pratiques collectives. Maintenant que cette crise est derrière nous, il faut faire en sorte que les problèmes qu’elle a révélés puissent être corrigés.
Notre dépendance énergétique, pharmaceutique, ou face aux semis conducteurs a évidemment sauté aux yeux, et des actions ont été menées pour y remédier, mais ce sont de nombreux pans de notre économie qui pourraient être relocalisés.
Et pour y parvenir, nous sommes tous concernés, travailleurs, syndicalistes, patrons mais aussi consommateurs.
Il faut réduire nos dépendances aux produits à bas coûts en provenance de pays qui n’ont pas nos règles sociales et environnementales. Chacun peut agir avec sa carte bleue notamment dans le domaine alimentaire ou encore dans la mode.
Comment ? en privilégiant des produits français et/ou européens (économie circulaire / production locale / circuits courts).
Cyril Chabanier : Oui mieux vaut privilégier l’achat d’un pull français écoresponsable à 90 € plutôt que 3 pull made in China à 40 € chacun.
Si le consommateur est sensibilisé à l’utilité sociale, économique et environnementale de cette alternative, alors la transition écologique n’est plus perçue comme punitive mais un choix, un acte militant qui fait sens, qui rattache à la collectivité et à son projet commun.
Les marques qui produisaient jusqu’alors en Chine, si elles constatent qu’elles sont délaissées par les consommateurs, reviendront produire en France. C’est un enjeu primordial pour redynamiser nos territoires. Ils regorgent d’atouts et correspondent aux aspirations des Francais « après covid ».
Certes, mais pour le consommateur, les couts sont souvent plus élevés dès lors qu’on veut produire en France ou acheter éthique, est-ce viable à l’échelle de la société ?
Cyril Chabanier : C’est l’autre volet de notre projet, il faut que les transitions entrainent ce que nous appelons le cercle vertueux de la montée en gamme.
Pour faire des produits de meilleurs qualité, il faut des formations qui donnent des qualifications.
Elles permettent d’accéder à une meilleure rémunération qui à son tour permet de consommer des produits de meilleure qualité.
Tout ça n’est possible qu’à deux conditions qui sont liées : un dialogue social efficace (GPEC, formation, anticipation) et un juste et cohérent partage de la valeur (rémunération, intéressement participation) !
C’est ce qui a motivé le choix de cette usine pour ce déplacement ?
Oui, le combat contre la réforme des retraites a beaucoup mobilisé la CFTC, car quand il le faut nous savons donner de la voix et nous opposer. Mais notre ADN à la CFTC c’est avant tout de co-construire. Et ici à Forvia, c’est la démarche qui anime les équipes syndicales et dirigeantes.
L’industrie automobile, la mécatronique notamment et Forvia en particulier sont des secteurs qui sont les parfaites illustrations de ce que peut être une montée en gamme réussie.
Ici, l’entreprise a mis en place sur un même site, une usine de production, une centre technique mondial et un campus sur lequel se côtoie le service de formation interne de l’entreprise, mais aussi une antenne de l’ENSI Caen (école d’ingénieurs publique) et une licence pro (Mécatronique et Robotique).
Ici, le dialogue social n’est pas un vain mot et permet, j’ai pu le constater, des conditions de travail optimales avec un vrai accent mis sur la sécurité des salariés et la QVT.
Ici, enfin nous sommes dans une entreprise centenaire (comme la CFTC) qui a su s’adapter aux nouvelles technologies et aux évolutions de l’économie mondiale tout en restant un acteur majeur de l’industrie française.
Comment expliquez-vous que d’autres reprennent aujourd’hui votre idée de « montée en gamme » alors même qu’ils la critiquaient il y a peu.
Il faut distinguer la hausse des prix choisie liée à des produits de meilleure qualité et l’inflation subie engendrée par une hausse des couts de transports comme nous venons de le vivre.
Les sceptiques craignaient avant tout que cela entraine une inflation. L’inflation est là. Pour la résorber, une montée en gamme et un meilleur partage de la valeur n’apparaissent plus comme des risques mais comme des solutions.
Enfin les entreprises sont en proie à des difficultés de recrutement, avec la montée en gamme, les employeurs offrent à la fois des perspectives d’évolutions et de formations, mais ils répondent aussi à la quête de sens au travail qui anime nos concitoyens. Des territoires entiers peuvent être redynamisés, comme c’est le cas ici dans l’Orne avec Forvia. Tout le monde a à y gagner !
La venue de Cyril Chabanier sur place n’a pas laissé la presse locale indifférente.
Ainsi Ouest France est revenu sur cette visite