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Anticiper et accompagner les reconversions professionnelles

1 avril 2021 | Social

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Dans une économie fragilisée par la crise sanitaire, la section travail-emploi du CESE a confié à Bernard Vivier, président du groupe CFTC, et à Florent Compain, du groupe Environnement et nature, le soin d’être co-rapporteurs d’un avis sur les reconversions professionnelles. Mieux les anticiper et mieux les accompagner, tels sont les axes d’amélioration identifiés par l’avis.

Bernard Vivier est adhérent à la CFTC depuis 1979. Ancien président du syndicat CFTC des journalistes, puis de la fédération Communication (aujourd’hui Média +), il a été conseiller confédéral de 1993 à 2019, secrétaire général adjoint puis vice-président confédéral de 1998 à 2008. Au CESE, il préside le groupe CFTC depuis 2015. Il nous présente l’avis du CESE sur les reconversions professionnelles, adopté à l’unanimité le 23 mars 2021.

Pourquoi le CESE s’est-il saisi de la question des reconversions professionnelles ?

La crise de la Covid-19 a révélé la fragilité du pays dans les domaines sanitaire, économique et social. En 2020, 400 000 emplois auront été perdus. Nous aurions certes pu en perdre beaucoup plus, mais cela demeure un choc. Le chômage va, de fait, augmenter. C’est aussi un drame humain. On voit bien désormais, que le Gouvernement prend aussi cet aspect en considération : il faut limiter, en plus du risque sanitaire et du risque économique, le risque humain, psychologique.

Dans ce contexte, la nécessité de mieux cerner la question des reconversions professionnelles est devenue plus pressante. Mais la question se pose depuis plus longtemps. Les évolutions technologiques amènent certains métiers à disparaître, d’autres à apparaître; le plus souvent, elles les transforment en profondeur. Si les métiers changent, il importe que les compétences des travailleurs soient bien en phase avec ces évolutions.

Par ailleurs, au-delà des changements technologiques, s’imposent aujourd’hui des exigences environnementales, qui elles aussi modifient les métiers. Les attentes sociales, enfin, évoluent : les jeunes n’aspirent pas à rester 40 ans dans la même entreprise, ni même à pratiquer le même métier durant toute leur vie professionnelle.

Quels principes ont guidé les travaux du CESE ?

Nous avons observé les dispositifs qui existent déjà. Ils sont parfois un peu compliqués, au point que certains ont pu parler d’usine à gaz. L’enjeu, pour nous, a été double : viser à simplifier sans réduire, d’une part, bâtir une offre plus complète, d’autre part. Et penser les reconversions dans un temps long, c’est à dire celui des transitions professionnelles. Il faut « mettre le paquet », changer d’échelle.

Nous avons pris le parti de considérer les personnes, plutôt que leur statut à un moment donné. Ce qui me fait dire que le Statut du travailleur, une réflexion collective pilotée par Gabrielle Simon et un ouvrage manifeste publié en 2006 était vraiment, déjà, très à la page.

La question travaillait également d’autres organisations syndicales, sous d’autres appellations. On peut  dire qu’il y a eu alors une réflexion de fond de tous les partenaires sociaux.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Il s’agit d’anticiper et d’accompagner. Anticiper, c’est-à-dire, au sein des entreprises, discuter entre direction et représentants du personnel des orientations stratégiques de l’entreprise, de leur impact sur les métiers et, de ce fait, de l’évolution des qualifications et des compétences. Ceci, afin de mettre en place des dispositifs et des formations adaptées. Pour le salarié, cela veut dire s’impliquer dans les entretiens dédiés et se renseigner sur les droits à la formation.

Accompagner, c’est activer tous les dispositifs qui, dans les territoires et les branches professionnelles, permettent aux personnes d’exercer leurs droits. Transco, qui a été mis en place le 1er février, est tout à fait révélateur de cette manière d’aborder la question.

Lire aussi : Transitions collectives : anticiper et préparer les mutations de l’emploi

Comment s’est déroulé le travail en section au CESE?

Rappelons que nous sommes deux co-rapporteurs. J’ai travaillé en très bonne intelligence avec Florent Compain, l’ancien président des Amis de la Terre. La première étape a été de s’informer, de consulter les études, les avis, les rapports des associations et institutions faisant autorité sur le sujet. La deuxième étape a été d’auditionner de nombreux experts, juristes, élus syndicaux, directeurs des ressources humaines, responsables de formation, etc. Nous sommes ensuite passés à la rédaction, avant un débat interne à la section puis au vote en assemblée plénière.

Quelle a été ton implication, en tant qu’adhérent CFTC ?

A l’évidence, le Statut du travailleur à la rédaction duquel j’avais participé m’a beaucoup inspiré. Le motif de satisfaction pour moi, c’est surtout la reconnaissance, dans cet avis,  de la dimension personnelle des reconversions professionnelles. Traiter les reconversions sous un angle trop exclusivement collectif n’est pas satisfaisant ni suffisant. La CFTC s’intéresse à chaque personne et non pas à un individu considéré comme un simple agent de production. C’est une ligne qui est perceptible dans toutes les préconisations de la CFTC. On peut dire à un travailleur qu’il est quelqu’un, indépendamment de son statut à un moment donné. Même sans statut d’ailleurs, on demeure une personne. C’est cela la dignité du travailleur. L’action collective est nécessaire ; elle ne doit pas effacer son objectif : servir les personnes, pas les rapports de masse.

Que va devenir cet avis?

Souhaitons que les partenaires sociaux se trouvent confortés dans le devoir qu’ils ont de faire évoluer les dispositifs actuels, comme d’ailleurs ils le font en ce moment avec TransCo. Ils peuvent être fiers de cette mission. Souhaitons aussi que cet avis aide également la puissance publique à se porter garante de ces dispositifs plutôt que de les absorber dans une gestion étatisée des régulations sociales. Le but est que le plus grand nombre possible de personnes aient les moyens de leurs droits.

Cet avis a été ta dernière contribution aux travaux du CESE. Quel bilan dresses-tu de cette institution ?

Comme les CESER en région, le CESE est un lieu formidable de débat, de confrontation, de compréhension réciproque entre toutes les composantes de la société civile, sans la pression spécifique aux négociations ou à la représentation officielle. Chaque semaine en section, nous travaillons pour produire des avis qui du reste, souvent, modifient notre propre approche des problèmes. Bien sur, on garde ses convictions mais on apprend à donner de la considération aux autres points de vue. C’est un lieu où les personnes se respectent. C’est un lieu où les corps intermédiaires construisent une société apaisée, loin des violences et des passions extrémistes et excluantes. C’est pourquoi la démocratie sociale doit veiller à ne pas se laisser submerger par une démocratie d’émotion, telle que trop souvent pratiquée sur les réseaux sociaux, ni par certains excès potentiels d’autres formes d’expression comme les conventions citoyennes. Enfin, elle doit également être respectée par la puissance politique.

Consulter la page dédiée à l’avis sur le site du CESE

 

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