Agirc-Arrco : pourquoi la retraite complémentaire ne sera pas revalorisée cette année
21 octobre 2025 | RetraiteSocial
Ce vendredi 17 octobre, le Conseil d’administration de l’Agirc-Arrco devait décider du niveau de revalorisation annuelle des retraites complémentaires. Piloté par les partenaires sociaux, le régime de l’Agirc-Arrco verse une pension additionnelle à celle de la retraite de base, afin de permettre aux salariés de toucher des pensions dont le montant s’approche des revenus qui étaient les leurs lorsqu’ils travaillaient. Si la CFTC a milité pour une réévaluation des pensions de l’Agirc-arrco, celles-ci seront malheureusement gelées cette année, du fait du refus catégorique du patronat à ce sujet.
Avec 1,6 milliards d’euros d’excédents en 2024 et 85,4 milliards d’euros de réserves, la situation de l’Agirc-Arrco – le régime de retraite complémentaire des ex-salariés du privé – est solide. Pour rappel, la retraite complémentaire – dispositif géré par les syndicats et les représentants du patronat – s’additionne à la retraite de base versée par la Sécurité sociale. Aujourd’hui, la retraite de base est en effet plafonnée à 50% des 25 meilleures années de revenus d’un salarié, ce qui reste insuffisant. La retraite complémentaire permet donc de combler ce manque, en dépassant ce plafond.
Une hausse des pensions aurait été légitime
Chaque année, les partenaires sociaux se retrouvent pour déterminer au 1er novembre le niveau de revalorisation de ces retraites complémentaires. Sur la période 2024-2026, cette revalorisation se base sur un indicateur prédéfini : l’inflation des prix (hors tabac) estimée par l’Insee pour l’année en cours, diminuée de 0,4%. Pour l’année 2025, l’inflation était évaluée à 1%, les pensions devant donc mécaniquement être revalorisées autour de 0.6%. Néanmoins les règles en cours donnent également une certaine marge de manœuvre aux partenaires sociaux, fixée à 0.4 points. En d’autres termes, en partant de cette base de 0.6%, ils pouvaient choisir d’augmenter les retraites d’un montant compris entre 0.2% et 1%. Co-gestionnaire de l’Agirc-Arrco, la CFTC avait initialement voté pour une revalorisation maximale de 1%.
Pour notre organisation, cette hausse des retraites complémentaires est aussi légitime que responsable. D’abord, parce que les finances du régime des retraites complémentaires, qui génère des excédents depuis 2021, lui permettent de maximiser le niveau de réévaluation des pensions, sans déstabiliser son équilibre budgétaire. Ensuite, parce que la situation sociale l’exige : pour rappel, lorsqu’il était encore aux affaires, l’ex premier ministre François Bayrou avait indiqué souhaiter geler les pensions de retraite de base en 2026. Une mesure analogue a d’ailleurs été inscrite dans le projet de budget 2026, qui sera prochainement débattu par les parlementaires. Puisque les pensions de base pourraient potentiellement stagner, la CFTC considère que le régime complémentaire doit contribuer au maintien du niveau de vie des retraités. Le tout, sans se substituer au rôle de la Sécurité sociale, ni remettre en cause l’autonomie financière de l’Agirc-Arrco.
Un patronat inflexible
Néanmoins, ces arguments et inquiétudes n’ont pas convaincu les organisations d’employeurs, qui copilotent avec les syndicats le régime de l’Agirc-Arrco. Le patronat est en effet resté campé sur une revalorisation de 0,2 % des pensions complémentaires, un niveau très inférieur à l’inflation. Une hausse minimaliste, que les organisations d’employeurs justifient par la décision du Premier ministre de suspendre la réforme des retraites de 2023 : celle-ci va en effet entraîner, pour le régime Agirc-arrco, davantage de dépenses, certains travailleurs ayant la possibilité de partir un peu plus tôt que prévu.
Par la suite, le patronat n’a pas davantage voulu entendre les suggestions des syndicats, qui ont pourtant présenté des solutions médianes, qui tiennent davantage compte de cette suspension: certaines contre-propositions faites aux organisations d’employeurs – dont celles de la CFTC – avaient ainsi défendu une revalorisation des pensions de 0.8%, qui n’aurait nullement porté atteinte à la solidité financière du régime. Les partenaires sociaux n’ayant pas pu trouver d’accord, les pensions de retraites de l’Agirc-Arrco ne peuvent donc être revalorisées. Une décision que déplore la CFTC, ce gel ne pouvant qu’impacter négativement le pouvoir d’achat et la qualité de vie de millions de retraités.
Les excédents de l’Agirc-Arrco ne sont pas à l’abri
En outre, notre organisation estime que refuser de revaloriser substantiellement les pensions complémentaires pourrait paradoxalement fragiliser les ressources du régime : alors que l’Agirc-Arrco affirme année après année sa solidité financière, les gouvernements précédents avaient en effet laissé entendre qu’ils pourraient puiser dans les excédents du régime complémentaire, pour les flécher vers d’autres lignes budgétaires de la Sécurité sociale. Pour la CFTC, ce scénario n’est ni juste, ni acceptable : les surplus budgétaires de l’Agirc-Arrco – qui sont le produit des cotisations des salariés du privé – ne constituent pas une réserve pour les régimes de base ou pour le système de retraites dans sa globalité. Ils sont la résultante d’une gestion paritaire exigeante et compétente, reposant sur un effort contributif conséquent des affiliés.
Il est donc regrettable que les organisations d’employeur aient refusé de distribuer équitablement les excédents du régime, cette décision fragilisant non seulement les retraités, mais aussi potentiellement l’Agirc-Arrco elle-même. Précisions, toutefois, qu’un ultime recours existe peut-être ici: plusieurs voix se sont en effet élevées ces derniers jours, pour questionner la validité juridique de ce gel des pensions complémentaires. Le cas échéant, la CFTC déploiera tous les moyens à sa disposition, pour réhausser à un montant plus équitable les pensions de l’Agirc-Arrco.
AC