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Cyril Chabanier : « Préparer le travail à venir, en anticipant l’avenir du travail »

23 octobre 2023 | Congrès 2023

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Produire autrement, travailler autrement, dialoguer autrement. Le discours inaugural du Congrès 2023, prononcé par Cyril Chabanier ce mardi 14 novembre, s’est articulé autour de ces grands enjeux et axes thématiques, qui doivent structurer l’action de la Confédération. Retrouvez ici l’intégralité du discours du président de la CFTC.

Bonjour à tous, chers amis,

Quel plaisir de vous retrouver ici dans cette belle ville de Rennes et dans cette non moins belle région : la Bretagne. J’ai plein de bonnes raisons d’éprouver ce plaisir à vous retrouver.
L’une d’elle, c’est qu’en se réunissant ici, en Bretagne, nous corrigeons une anomalie : c’est la première fois en plus de 100 ans d’histoire que la CFTC tient son congrès en Bretagne.

Merci donc à toutes les militantes et tous les militants de Bretagne de nous recevoir ici, à Rennes, pour rectifier le tir ! Merci à Madame Nathalie Appéré, maire de Rennes, merci à Monsieur Jean Luc Chenut, président du Conseil départemental.

Merci à Monsieur Loïg Chesnais-Girard Président du Conseil régional, merci à l’Union Régionale, merci à l’Union Départementale. Cher Alain, merci aussi aux équipes techniques et logistiques qui rendent cet évènement possible. Et puis je profite d’être à cette tribune pour adresser à tous les bretons mon soutien après le passage des tempêtes Cioran et Domingo qui ont récemment frappé votre belle région et ont fait de nombreux dégâts.

Rassurez-vous, le vent qui va souffler durant ces 4 jours sur la CFTC est un bon vent, un vent favorable, qui nous poussera dans la bonne direction. Nous sommes à Rennes depuis hier et nous avons déjà pu apprécier votre sens de la convivialité, votre sens de l’accueil. Cette qualité d’accueil est une valeur que nous partageons tous à la CFTC et plus généralement dans le monde syndical.

C’est pourquoi, j’en suis certain, nous aurons tous à cœur d’accueillir le plus chaleureusement possible l’ensemble de nos invités. Aussi chaleureusement que j’ai pu, moi, être accueilli par la plupart d’entre eux quand ils m’ont invité. Je pense notamment à nos amis des autres centrales syndicales et aux élus qui sont présents ce mardi ou qui nous rejoindront tout au long de nos échanges de la semaine.

Je vois Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT et Nathalie Bazire, membre du bureau exécutif de la CGT. Marylise, Nathalie je tiens à vous saluer et à vous remercier pour votre présence à nos côtés, et pour l’accueil que vous m’avez réservé lors de vos congrès.

On va essayer d’être à la hauteur. Mais je vous fais confiance à tous sur ce point-là. La Confiance. La Confiance, c’est justement ce que vous nous avez apporté collectivement, à moi et à toute l’équipe il y a quatre ans déjà. La Confiance, pour vous représenter « vous », « vous tous » Et, plus largement encore, les 150 000 adhérents de ce mouvement que nous aimons tant et qui, depuis plus de cent ans, défend les travailleurs et leur dignité.

Nous verrons durant l’examen du rapport d’activité si nous avons fait honneur à cette confiance. Mais avant cela, permettez-moi de rappeler que ce mandat aura été marqué par une série d’évènements qui nous ont un peu… voire beaucoup bousculé collectivement.

Fin 2019 – les gilets jaunes ! on nous promettait la fin des syndicats et l’avènement de la démocratie directe

2020 – 2021 COVID, pass sanitaire, confinement

2022 –  guerre en Ukraine, hausse du prix de l’énergie, et inflation galopante

2023 – Conflit social sur la réforme des retraites, 49-3, émeutes…

Et pour finir cette année déjà bien chargée, comment ne pas dire un mot sur la montée de l’intolérance et sur les attaques portées à certains de nos concitoyens en raison de leur religion ou opinions ? La CFTC est particulièrement bien placée pour apporter son soutien actif à la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, en dehors de tout positionnement politique. Dans son histoire, notamment pendant la seconde guerre mondiale, des syndicalistes chrétiens se sont engagés contre le nazisme et ont agi pour aider nos concitoyens de confession juive. Certains y ont perdu la vie.

En 2023 comme il y a 80 ans, la CFTC, qui regroupe des adhérents et militants de toutes confessions, est toujours vigilante sur ce sujet, forte précisément de sa référence aux principes sociaux chrétiens qui indiquent l’immense importance du respect de toute personne, de ses croyances et opinions. Ces évènements, parfois tragiques qui se sont succédés depuis 2019, sont venus valider les positions qu’avaient prises mes prédécesseurs. Ils sont venus confirmer ce que nous disions au congrès de Vichy il y a déjà 8 ans : « dans un monde en bouleversement il faut construire un nouveau contrat social ». Bien sûr, je regrette qu’il ait fallu ces crises pour que les pouvoirs publics et la société prennent conscience que nous avions souvent raison.

En effet chacune de ces crises est venue valider notre discours. Ainsi, face à l’impasse du dialogue avec les gilets jaunes, le gouvernement a redécouvert l’utilité des corps intermédiaires et des syndicats. Cahier de doléances, grand débat national, conseil national de la refondation, conférence social, l’exécutif a fini par multiplier le recours aux corps intermédiaires et aux syndicats. Même si tous ces rendez-vous n’ont pas abouti à des avancées concrètes, ils ont montré notre capacité à être force de proposition.

Une capacité qui s’est notamment illustrée à travers les 6 ANI signés et transposés plus ou moins fidèlement dans la loi durant ce mandat. Avec le COVID, les travailleurs des premières et secondes lignes on fait rejaillir le besoin d’une reconnaissance de l’utilité sociale des métiers que la CFTC martèle depuis bien longtemps.

Pour les autres travailleurs, l’émergence du télétravail a renouvelé et intensifié la prise de conscience de l’importance du sens au travail ou encore de la conciliation des temps de vie. Ces thèmes, vous le savez, nous sont chers. Avec la Guerre en Ukraine, face à des chaines d’approvisionnement rompues, ce sont nos positions en faveur de la relocalisation et de la montée en gamme de notre industrie qui deviennent une évidence.

Avec l’urgence climatique, ce sont nos valeurs et notre boussole qui sont validées. En effet, quel autre syndicat avant nous préférait parler du « Bien Commun » plutôt que de « l’intérêt général » ? Cette distinction nous pousse à prendre en compte notre héritage pour la planète et les générations futures. Elle nous pousse aussi à ne pas opposer « la fin du monde et la fin du mois », à ne pas opposer l’économie, la technologie, le social et l’écologie mais à les penser conjointement.

Je vais prendre un exemple : l’IA, l’intelligence artificielle. Elle peut être destructrice d’emploi diront certains ? surement. Mais elle peut aussi être au service de l’Humain si nous pensons dès aujourd’hui les métiers de demain ; des métiers qualifiés, correctement rémunérés et qui permettront, dans le même temps, de limiter notre impact sur la planète et ses ressources qui ne sont pas illimitées.

Guerre, épidémies, tensions sociales, bouleversements écologiques et technologiques…Devant ces fracas inédits, dans un monde médiatique où le clivage fait recette, il eut été facile de céder aux sirènes de l’outrance qui rime souvent avec Urgence.
Dans les négos, sur les réseaux sociaux ou les plateaux TV, aux slogans et aux punchlines, la CFTC a toujours préféré la pondération, la modération.

Et, aussi paradoxal que ça puisse paraitre, je crois que la mobilisation forte et constante de la CFTC contre la réforme des retraites est venue, là encore, valider ce choix.

Au début du conflit, les journalistes étaient nombreux à me dire : « Si même la CFTC est à ce point mobilisée, c’est qu’il se passe un truc, c’est que le mouvement est d’ampleur. » Alors d’abord permettez-moi de tous vous applaudir et vous remercier pour cette mobilisation sans faille à 14 reprises !

Vous avez su répondre présents. Vous m’avez vraiment rendu fier. Vous avez porté haut le bleu de la CFTC, et fait entendre notre voix… (et vos vuvuzela ! Je crois que les autres leaders syndicaux peuvent en témoigner). Alors pour tout ça je pense que je peux vous applaudir mais qu’’on peut tous s’applaudir !!

Mais je reviens à mon propos, si la présence de la CFTC a été aussi remarquée durant ces manifestations, c’est bien parce que cette présence n’est pas habituelle. En choisissant nos combats, en ne se soulevant que lorsque le dialogue est rompu, et en faisant de la manifestation et de la grève le dernier recours, on rend plus significatifs nos coups de gueule (notre colère).

Durant cette mobilisation nous avons également montré notre ouverture d’esprit, notre capacité à dialoguer, à travailler avec nos partenaires. Le congrès de Marseille fixait notamment un objectif de coopération accrue avec d’autres organisations. Je crois qu’il est largement atteint. Tout au long de cette année nous avons su être partie prenante de l’intersyndicale sans jamais nous renier Mais il existe un autre indicateur de la qualité de nos positions et de la manière dont nous les défendons. Un indicateur objectif, implacable et parfois redouté, je veux bien évidemment parler de la mesure de représentativité.

Et là encore, les chiffres sont positifs, mais je ne m’y attarde pas ici. Nous aurons le temps de parler de chiffres durant cette semaine et notamment lors du rapport d’activité que vous présentera Eric Heitz, le secrétaire général. Si, comme je viens d’essayer de vous le démontrer ces quatre années sont venues valider nos positions, il faut tout de même reconnaitre que l’accélération de certains des bouleversements mentionnés poussent chacun d’entre nous à s’adapter.

La CFTC s’inspire de la doctrine sociale chrétienne depuis 100 ans, et si cette boussole sait rester d’actualité et surprend souvent par sa modernité c’est parce que, sans se renier, elle s’adapte au fil du temps. Notre adaptation se dicte aussi au fil des motions. Aussi, celle que nous vous soumettrons est dans la droite ligne des précédentes, mais elle prend en compte plus encore les changements climatiques et leurs impacts immédiats et futurs sur le monde du travail. 

Et, puisque « charité bien ordonnée commence par soi-même », la CFTC a essayé de s’appliquer cette démarche d’adaptation aux changements climatiques. Sans dire que Rennes sera un congrès 100% écolo, nous avons tout fait pour réduire l’impact environnemental du congrès. Et j’ai pu aussi constater que c’est parfois difficile de s’y plier. Alors certes, notre congrès ne sera pas de ce point de vue exemplaire mais il témoignera des efforts accomplis par rapport à tous les précédents.

L’important n’est pas de viser la perfection qui n’est pas de ce monde, mais de se placer sur la bonne voie. Le made in France, les circuits courts, les modes de transports propres, limiter son impact, c’est un vrai combat, un vrai sujet. Il ne suffit pas d’en faire des invocations, il faut se donner les moyens d’y parvenir. Il faut faire autrement. La société doit faire autrement. Et je pense que, pour nos cœurs de mission, en tant que syndicalistes ça peut se résumer en trois volets:

« Produire autrement », « travailler autrement » et « dialoguer autrement » Produire autrement ? c’est privilégier, quand elles existent les solutions économes en énergie, en émission de gaz à effets de serre, c’est éviter le gaspillage, c’est lui préférer le recylage.

C’est parier sur le local, les fameux circuits courts. Quand ces solutions n’existent pas, c’est miser sur le génie humain, et investir en recherche et développement.

La première richesse de ce pays, ça n’est pas son pétrole ça c’est certain, mais ce sont ses travailleurs !

Ce sont ses chercheurs, ce sont ses ingénieurs, ce sont ses ouvriers, ce sont ses employés, ce sont tous ses travailleurs qui brillent et font briller la France par leur savoir-faire ! Et les entreprises qui s’appuient sur ces savoir-faire, elles sont performantes ! Une performance dont les fruits permettent de bien rémunérer salariés et actionnaires et de réinvestir dans la R et D (la recherche et développement). Produire autrement en intégrant autant que possible la préoccupation environnementale, c’est aussi accroitre le sens au travail ! l’aspiration très forte de nos concitoyens à trouver ou retrouver du sens au travail est une aspiration à travailler autrement.

Le travail est émancipateur dès lors qu’on y trouve un sens, qu’il vous donne une place dans la société, qu’il vous rémunère à la hauteur de vos besoins, qu’il vous permet d’accomplir vos projets de vie. La mobilité, le télétravail, la RSE, la formation, l’intéressement et la participation… Dans les entreprises, ces nouvelles perspectives peuvent concourir à cette quête de sens, quand elles ne sont pas devenues des arguments de recrutement (nous en parlerons dans nos tables rondes).

Mais, pour faire émerger ces aspirations nouvelles, il faut passer par un dialogue social de qualité. Et justement le 3eme volet du « faire autrement » c’est Dialoguer autrement. Dialoguer autrement, c’est ce qui nous a permis de signer les 6 Ani que j’évoquais plus haut. Dialoguer autrement, c’est aussi assumer et garder la spécificité de la CFTC qui recherche toujours le consensus et le compromis avant la confrontation.

Le patron n’est pas un ennemi par principe, c’est d’abord un partenaire, un interlocuteur. Dialoguer autrement c’est aussi montrer notre capacité à nous prendre en main. Par le passé les partenaires sociaux attendaient que le gouvernement ouvre une négociation, dorénavant nous sommes dotés d’un agenda social autonome.  Car nous aussi, nous pouvons être maîtres de nos horloges. Enfin, rassurez-vous, on ne va pas faire que bosser pendant ces 4 jours !! (J’en vois quelques-uns qui commençaient à avoir peur).

Non bien sûr, un congrès c’est aussi un moment fédérateur, un moment convivial, un moment de fête. Un moment où l’on tisse : des liens avec nos partenaires (très nombreux cette année et que je salue), des liens entre militants, et même parfois des liens amoureux, (j’en connais…).

Au-delà de la blague, après avoir vu près de la moitié de mon mandat marqué par le COVID, je vous assure que c’est un réel plaisir que nous puissions réunir la grande famille CFTC. Et puis je suis impatient de rentrer dans le vif du sujet.

Les équipes de la confédération n’ont pas chômé pour vous concocter un programme aux p’tits oignons. D’ailleurs je vais aussi prendre un temps pour les remercier pour le travail formidable qu’ils ont fait depuis 4 ans. Il faut dire que je ne les ai pas ménagés puisque durant le mandat on a quasiment tout refait ! On a déménagé, on a modernisé nos outils avec la refonte des magazines, la refonte du site, la création du décodeur, le lancement de l’appli, on a changé le design du logo et repensé nos relations presse avec les résultats que vous avez pu constater.

On a développé notre service de formation, on a modernisé jusqu’à nos outils à destination des finances avec le bordereau numérique, si cher à Manu Lecomte.

Grace à tout cela on a pu répondre à deux autres engagement que j’avais pris à Marseille : « Moderniser la CFTC » et lui redonner la visibilité qu’elle mérite, la visibilité que -vous tous- vous méritez. Parce que vous faites un travail formidable sur le terrain et ce travail, il doit être valorisé.

C’est ça le sens de ce congrès « Valoriser le travail accompli » parce qu’il faut être fier de ce que fait la CFTC. Et puis ensemble il faut « préparer le travail à venir » en anticipant l’avenir du travail. Encore une fois, merci à tous d’être là !

Bon congrès à tous !

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