Covid-19. « Le lien est resserré avec la direction, l’espace de dialogue est créé », David, CPIP et militant CFTC
23 avril 2020 | Visages du syndicalisme
Militant impliqué à la CFTC, David, 40 ans, est conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) à Béthune (62) depuis plus de dix ans. Il déplore le manque de moyens à sa disposition, tout en restant positif sur le dialogue mis en place.
En quoi consiste votre travail ?
Je travaille en « milieu ouvert », je m’occupe donc des personnes sorties de prison, avec une mesure d’aménagement de peine, ou des personnes qui ne sont pas incarcérées, mais qui doivent respecter des obligations pour demeurer libres. J’ai deux missions : d’abord, la probation. Nous sommes chargés de contrôler le respect des obligations de suivi judiciaire (sursis, mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, libération conditionnelle, bracelets électroniques avec pour les condamnés régulièrement une obligation de travail, un suivi de soins ou remboursement de parties civiles à justifier…). Le deuxième volet est la réinsertion : grâce à un réseau de partenaires, nous aidons les personnes à (re)trouver leur place dans la société. Nous agissons d’habitude en convoquant les gens, en présentiel, dans notre service. Nous assurons aussi des permanences délocalisées et effectuons des visites à domicile, notamment pour des vérifications en amont de la mise en place de bracelets électroniques… Évidemment, la crise du Covid a complètement modifié notre approche.
Comment vous êtes-vous adaptés depuis le confinement ?
La présence dans le service a bien baissé, et c’était une de nos premières revendications à la CFTC : éviter un maximum les contacts entre collègues afin de pouvoir respecter les gestes barrière ‒ nous travaillons en open-space ; nous sommes désormais au maximum trois CPIP sur place, contre 24 en temps normal. Nous ne faisons plus aucun suivi en présentiel, mais par téléphone. Par conséquent, nous télétravaillons les jours où nous ne sommes pas sur place. C’est parfois compliqué de rapporter le travail à la maison. Notre travail, ça n’est pas rien quand même ! Et nos appels, nos notes doivent rester confidentiels. Cela dit, ce n’est pas la seule difficulté. Nous sommes six à la maison. Nous n’avons qu’un seul ordinateur ! Et ce n’est pas le service qui va m’en fournir un, il n’y en a que quatre pour 24 agents ! C’est parfois compliqué de faire les rapports d’entretien. En outre, j’ai quatre enfants, qui sont tous scolarisés. Alors, même si les trois grands sont plutôt autonomes et sérieux en termes de devoirs, le petit, qui est en CP, doit être épaulé. J’ai la chance d’avoir une épouse qui assure et qui me décharge de nombreuses tâches. Ça tourne quand même, l’activité est maintenue, mais on fait appel au système D.
Par ailleurs, comme d’autres collègues du milieu ouvert, nous allons aussi ponctuellement prêter main-forte en « milieu fermé » ‒ en prison ‒, mais toujours avec le même collègue (deux CPIP sont présents en milieu fermé au lieu de cinq), afin de limiter les contacts et pour que les collègues du milieu fermé aient le même rythme que nous. La création de groupe fondée sur le volontariat était là aussi une revendication CFTC.
La nature des entretiens a-t-elle changé depuis le début de la crise ?
Un peu. Forcément, il est compliqué de justifier des soins qui ne peuvent plus être réalisés, par exemple. Pourtant, aucune mesure (sinon les TIG qui devaient se terminer en mai-juin) n’est suspendue. Alors certains s’inquiètent et demandent s’ils vont avoir des problèmes. Ils s’inquiètent aussi pour leur santé. Nous les rassurons beaucoup. Notre but est de maintenir le lien. En fait, je me rends compte que la situation nous rend beaucoup moins directifs et plus à l’écoute de leur quotidien ou de leurs angoisses.
Vous sentez-vous soutenu par votre direction ?
Même si tout est loin d’être parfait, nous nous sentons écoutés. Nous sommes très actifs syndicalement notamment sur le département du Pas-de-Calais, d’autant plus que la CFTC est majoritaire. Nous avons obtenu des mesures importantes. Par exemple, il y a encore des « entretiens arrivants » en milieu fermé en présentiel décidés par l’administration. Il y a en effet encore des incarcérations (suite à des comparutions immédiates, pour violence conjugale par exemple) ; il était hors de question que nos collègues soient mis en danger lors de ces convocations obligatoires. Nous avons donc revendiqué et obtenu, faute de bénéficier de masque de protection, des mètres carrés supplémentaires de séparation (deux au minimum) entre les personnes, bien au-delà des préconisations sanitaires nationales.
Nous menons un dialogue social de qualité avec des propositions réalistes, fidèles au principe de la CFTC “savoir s’opposer/toujours proposer”, notre priorité actuelle reste la sécurité des personnes.
La direction nous écoute, qu’elle soit locale, départementale, régionale ou nationale. Nous sommes un syndicat crédible ; d’ailleurs la note d’organisation de service départemental du 62 « Covid-19 » est citée en référence sur la région des Hauts-de-France par nos dirigeants mais aussi par les autres organisations syndicales. C’est une grande fierté car nous avons participé activement à sa création ! À la demande de la CFTC, nous faisons également un point régulier avec la direction départementale en audioconférence, car nous avons revendiqué de la transparence dans la crise sanitaire que nous traversons. La direction régionale, elle, convoque l’ensemble des OS chaque semaine depuis le 19 mars, pour faire un point, donner des informations, et entendre les remontées du terrain. Le lien est resserré, l’espace de dialogue est créé. J’y vois du positif.