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Un accord inédit de prévention des risques psychosociaux

21 mars 2019 | SocialVisages du syndicalisme

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Waguih Yahya, 54 ans, est conseiller client et délégué syndical chez Teleperformance, une entreprise de relation client située dans la région bordelaise. Militant chevronné passé par divers mandats syndicaux, il revient sur l’accord d’entreprise relatif à la prévention des risques psychosociaux signé en 2016, en réponse aux conditions de travail déplorables.

Waguih Yahya / Crédit photographique : Bernard Gouédard

La famille avant tout. Waguih Yahya a renoncé à une belle carrière (il a travaillé comme ingénieur dans une filiale de France Télécom et à Unicef) pour un poste de Conseiller client chez Teleperformance en 2009. Il cherchait un poste qui lui permettrait de s’occuper des siens.

Alors qu’il y travaillait depuis seulement un an, une collègue DS à la CFTC l’a approché pour une adhésion : « Mon expérience associative (il a été président de l’association du personnel de l’Unicef) me porte naturellement à aider les autres. Mais j’ai voulu connaître les valeurs de ce syndicat et savoir si elles étaient en adéquation avec les miennes. C’est à ces conditions que je me suis engagé à la CFTC en 2010. »

Le nouvel adhérent s’est tout de suite investi en tant que délégué syndical. Puis délégué du personnel et membre du CHSCT sur le site de Bordeaux. Le point commun de tous ces mandats reste son engagement en faveur de l’amélioration des conditions de travail des salariés. Exemple avec l’accord de prévention des risques psychosociaux, signé en novembre 2016.
Cet accord est une belle victoire de la CFTC, deuxième force syndicale avec 24 % des voix. Cela faisait 6 ans que l’équipe réclamait des négociations dans ce sens. « Nous avons commencé à parler de risques psychosociaux (RPS) en 2010. Depuis cette date, l’entreprise a connu plusieurs situations de RPS que l’employeur n’a jamais voulu reconnaître. Pour notre direction, ce dossier RPS représentait une charge supplémentaire. Alors que pour la CFTC, il s’agissait d’investir dans la santé des salariés. »

Méthodologie de l’accord

L’évolution du secteur de la relation client marqué par une concurrence accrue, et la complexité du métier de téléconseiller, ont entraîné une hausse de situations de risques psychosociaux. Turn-over, absentéisme et arrêts maladie se sont succédé. Avec pour conséquence le non-respect des engagements commerciaux vis-à-vis des donneurs d’ordre. Ce manque à gagner et les nombreuses interventions de la CFTC auprès de la Direccte ont poussé l’entreprise à ouvrir des négociations en vue d’un accord de prévention des risques psychosociaux.

« Nous voulions une « démarche prévention » qui serve à intervenir avant que les choses n’empirent. C’est ce qu’on appelle la prévention primaire. Cette démarche s’est basée sur un diagnostic pour lequel nous nous sommes adjoint les services d’un cabinet spécialisé. »

Dans le cadre du diagnostic des risques psychosociaux, le cabinet a audité les salariés sous forme de questionnaire à partir de la grille INRS. Puis il a réalisé des entretiens individuels et des groupes de travail qui ont permis de collecter différents types d’interrogations. Ces recensements ont servi à mettre en place un plan de prévention national. Objectifs de celui-ci : alimenter le Document unique (DU) et répondre aux situations de RPS.

Ce plan national a inspiré des déclinaisons à plus petite échelle. Acteurs essentiels de ces négociations, les 13 CHSCT correspondant aux 13 sites de Téléperformance ont remonté des points spécifiques à chacun de leur centre, afin de construire des plans d’action adaptés.

Bien sûr, un comité de pilotage composé de la direction et des représentants de chaque OS a été instauré.

Les actions de prévention

L’accord a été signé par 4 des 5 organisations représentatives. La CFTC, largement motrice, est particulièrement satisfaite de son contenu : « Toutes nos propositions ont été acceptées. C’est le fruit d’un travail d’équipe efficace. Nous avons l’habitude d’inclure dans la réflexion tous les délégués syndicaux en vue de remonter une trame ou une plateforme de revendications. »

L’équipe CFTC a ainsi obtenu que d’autres actions accompagnent cette démarche de prévention. Des actions qui viennent répondre aux situations de risques psychosociaux les plus rencontrées.

En témoignent les opérations de communication et de sensibilisation des salariés sur le harcèlement moral, le sexisme, le stress au travail… Mais aussi des formations ponctuelles sur le stress afin d’armer les salariés à mieux faire face aux appels difficiles voire conflictuels. Ceux qui n’y arrivent pas, malgré tout, peuvent bénéficier d’un soutien psychologique via une ligne d’écoute, autre mesure de cette démarche de prévention.

L’articulation vie professionnelle vie personnelle, l’une des problématiques majeures des salariés des centres d’appels contraints aux horaires décalés, n’a pas été oubliée. « Nous avons examiné notre mode de planification pour proposer un nouveau système. Celui-ci génère plusieurs créneaux. Libres aux salariés de choisir les horaires qu’ils souhaitent effectuer » explique le délégué syndical.

Autre situation, autre exemple. Une place importante a été donnée à l’accompagnement au changement. Des formations dédiées sont proposées. L’idée est de préparer le changement lorsqu’un salarié quitte un service pour un autre ou voit ses missions modifiées. Espérons que cela aide à mieux vivre la mobilité professionnelle.

Où en est-on aujourd’hui ? La mise en place du plan de prévention national a pris du retard. Mais les instances représentatives du personnel ont validé le texte en septembre dernier. L’heure est désormais à sa traduction en actes.

 

Chantal Baoutelman

De quels risques psychosociaux parle-t-on ?

Selon Waguih Yahya, voici les principales situations de risques psychosociaux :

  • La dictature du chronomètre impose de faire vite et bien. Lorsque le donneur d’ordre commande une prestation, il demande un objectif pour la durée moyenne de traitement des appels. Celle-ci ne doit pas dépasser 5 mn. Pour cause, les salariés doivent traiter un maximum d’appels au détriment de la qualité du service.
  • Pas d’évolution de carrière ni de salaire pour les postes de conseiller client. Aucune prime d’ancienneté non plus. Cela signifie que les Conseillers client payés au Smic gagnent le même salaire quelle que soit leur ancienneté.
  • L’usure professionnelle guette les Conseillers client en poste depuis 10 ou 15 ans et condamnés à répéter les mêmes gestes, toujours et encore.
Waguih Yahya / Crédit photographique : Bernard Gouédard
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