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Travail le dimanche : un licenciement brutal et faiblement motivé

21 mai 2019 | Social

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Au supermarché Cora de Saint-Jouan-des-Guérets, une salariée refusant de travailler le dimanche vient d’être licenciée, pour faute grave. Pourtant, son contrat de travail ne présente aucune disposition relative au travail dominical.

Une décision d’autant plus brutale que le volontariat n’a même pas été envisagée par la direction. Et que la salariée licenciée ne comptait pas moins de 18 années d’ancienneté…

La salariée de l’établissement Cora de Saint-Jouan-des-Gérets a été embauchée en 2001. Son contrat de travail ne prévoit aucun jour de travail le dimanche. Au contraire, il y est précisé que ses jours de repos s’étalent du lundi au samedi – ce qui laisse en déduire qu’il en va de même pour ses jours de travail.

Une décision sans concertation

Au cours de l’année 2018, la direction de l’établissement décide d’ouvrir le dimanche matin. “Aucune négociation, ni même concertation, n’a été mise en place pour consulter les salariés ou leurs représentants”, indique Patrick Frutier, délégué syndical central CFTC chez CORA. Autrement dit, la direction n’a même pas étudié la possibilité de solliciter les salariés le dimanche, uniquement sur la base du volontariat. De quoi semer les graines de la discorde.

Un refus légitime

Alors qu’il était prévu qu’elle travaille le dimanche 17 mars 2019, la salariée a fait savoir à son employeur, par courrier recommandé, qu’elle s’y refusait. La direction, en retour, lui a indiqué que ce planning n’était pas discutable. Ne s’étant pas présentée le 17 mars, la salariée a été licenciée, pour faute grave, qui plus est. Dans son courrier de licenciement, la direction expose son motif : “Le Code du travail prévoit que vous devez accepter de travailler quand on vous le demande”.

Une interprétation pour le moins sommaire du Code du travail et des droits des salariés, l’obligation du travail le dimanche devant être prévue par le contrat de travail. Par ailleurs, dans ce dossier, “il y a plusieurs autres éléments qui interviennent, d’après François Maquaire, le conseiller juridique de l’union départementale. Il y a d’abord l’ancienneté – elle a quand même 18 ans d’ancienneté, dans l’entreprise. Et puis elle a aussi sa vie privée. Elle a tout à fait le droit de refuser le travail le dimanche, au nom d’une activité, d’une vie hors du travail.”

Un cas pas si isolé

Face à l’attention médiatique suscitée par ce licenciement, d’autres salariés d’autres entreprises, licenciés, ou poussés à la démission, pour les mêmes raisons, se sont signalés. Et pour cause : le cas de la salariée du Cora pourrait faire jurisprudence, et mener à la révision de certaines décisions.

Certes, les contrats de travail des recrues récentes prévoient l’obligation de travail le dimanche. Mais “pour les autres salariés, qui ont parfois une quarantaine d’années d’ancienneté, le travail dominical pose problème, juridiquement parlant, explique Patrick Frutier. On pourrait donc s’attendre à voir arriver d’autres cas”.

De combien de personnes parle-t-on ? “On n’en a aucune idée. Beaucoup de gens ne se plaignent pas, ne disent rien. Il est rare que les salariés se fassent connaître. C’est vrai qu’au niveau syndical, c’est compliqué pour nous, car on intervient plus souvent en bout de chaîne, alors qu’on aimerait pouvoir travailler avant que le conflit n’éclate”, ajoute François Maquaire.

Constructif jusqu’au bout

Les équipes locales de la CFTC ont adressé un courrier à l’employeur, afin de lui proposer un accord à l’amiable. En cas de réponse négative de sa part, ou en absence de réponse, la juridiction sera saisie.

TI

La situation chez CORA

“Il faut savoir qu’on en est à notre 3e PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi). Le premier, conséquence de la fermeture des services après-vente, a concerné 80 personnes. Le second, concentré sur la centrale d’achat, a touché une quinzaine de salariés. Et un troisième se prépare, qui, lui, pourrait toucher un beaucoup plus grand nombre de salariés.

Chez Cora, 30% des salariés sont à 5 ans de la retraite, et la volonté de diminuer la masse salariale est très forte. Le mot d’ordre qui a été donné au départ de la négociation ? “Combattre l’inactivité”. Autant dire que la pression est forte sur l’organisation du travail.”

Patrick Frutier, DSC

Le débat et l'interview de Philippe Louis, sur LCI

Le reportage Télématin

Crédit photographique : Bernard Gouédard
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