Jean-Luc Ternet : « Si le FC Sochaux disparaissait, ce serait dramatique ici »
3 août 2023 | Social
Fondé par Peugeot en 1928 et vendu à une firme chinoise en 2015 après plus de huit décennies sous propriété de la marque au lion, le Football club de Sochaux Montbéliard (FCSM) est aujourd’hui proche du dépôt de bilan. Pour Jean-Luc Ternet, le délégué syndical CFTC de l’usine Stellantis de Sochaux, c’est un morceau du patrimoine franc-comtois qui est en péril. Il a ainsi appelé par communiqué Stellantis – la maison mère de Peugeot – à soutenir financièrement le club bleu et jaune, pour lui éviter la faillite.
Crée sous l’impulsion de Peugeot en 1928, le FC Sochaux Montbéliard (FCSM) est aujourd’hui surendetté et menacé par un dépôt de bilan. Comment le club en est arrivé là et comment les 6000 salariés sochaliens de Stellantis vivent cette situation ?
Les gens sont très touchés, vraiment. L’usine Peugeot de Sochaux existe depuis 1912 et Peugeot a été l’actionnaire majoritaire du FCSM pendant plus de 85 ans. Il y a longtemps eu une symbiose entre le club et l’usine. Je pense que, pour comprendre l’émotion qui anime les salariés sochaliens de Stellantis, il faut d’abord revenir à l’année 2015. A l’époque, Peugeot était au bord de la faillite, donc le club a été vendu à une entreprise chinoise, Ledus. Ça été vécu comme une étape douloureuse, mais nécessaire. Aujourd’hui, le groupe est beaucoup plus solide : l’usine de Peugeot à Sochaux est même restée la vitrine de Stellantis et affiche d’excellents résultats opérationnels. Le FC Sochaux, par contre, est au plus mal : s’il a fini neuvième de la dernière saison de Ligue 2, il se dirige vers un dépôt de bilan et une rétrogradation de plusieurs divisions, ce qui lui ferait perdre son statut de club professionnel.
Par communiqué, la section CFTC de l’usine sochalienne de Stellantis a demandé au constructeur automobile de réinvestir dans le FCSM, pour participer à son sauvetage financier. Pourquoi avez-vous jugé important de prendre position sur le sujet ?
Aujourd’hui, la CFTC est la seconde force syndicale de l’usine, avec un peu plus de 20% des suffrages recueillis lors des dernières élections professionnelles tenues sur le site de Sochaux. C’est donc notre rôle de donner un écho et une portée aux préoccupations des salariés franc-comtois de Stellantis, pour qui le FCSM est très important. Ce n’est pas qu’une histoire de football en fait : la Franche-Comté, c’est une région frontalière, qui longe l’Allemagne et la Suisse, caractérisée par ses grandes zones industrielles à Besançon et Montbéliard, l’agglomération de Sochaux. On est un peu tous la tête dans le guidon, à bosser sans cesse. Nous ne sommes pas une région de loisirs. Un de nos derniers bastions culturels, c’est le FC Sochaux.
Si le club périclite, ce serait dramatique, car identitairement, le FCSM est très important ici. Je vais vous donner un exemple parlant : tout jeune salarié de Peugeot à Sochaux, quand je partais en vacances, je disais d’abord aux gens que je venais de Montbéliard et ça ne leur disait pas grand-chose. Mais il suffisait que je leur parle du FC Sochaux, pour qu’ils comprennent où se trouvait mon usine. Le FCSM nous a identifiés, visibilisés nationalement. On ne fait jamais vraiment parler de nous. La dernière chose qu’on avait pour le faire, c’était notre club de foot. Pourtant, on menace de nous l’enlever.
Stellantis n’a pour l’instant pas indiqué vouloir réinvestir dans le club. En revanche, Romain Peugeot – l’arrière-petit-fils de Jean-Pierre Peugeot (fondateur de la marque automobile et du FCSM) a monté un projet de reprise, avec plusieurs investisseurs privés. Comment les salariés du site de Sochaux appréhendent l’avenir du club ?
Déjà, je tiens à souligner qu’à l’usine, les gens sont assez indignés par cette situation. Ils aimeraient que Stellantis tende la main à Romain Peugeot, même dans l’optique d’apporter une contribution financière minoritaire à son offre de reprise. Par contre, il y a beaucoup de respect vis-à-vis de l’initiative de Romain Peugeot. Malheureusement, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a rendu un avis négatif concernant la réintégration de Sochaux en Ligue 2 ce mardi 1er août. Romain Peugeot envisage désormais un recours devant le tribunal administratif, pour défendre son projet de rachat. Ici, les salariés sochaliens de Stellantis discutent beaucoup, cherchent des solutions pour aider l’équipe, des artisans du coin échangent aussi pour voir s’ils peuvent la soutenir… On a tous pris un coup de massue. Maintenant, il faut chercher comment on peut reconstruire le FCSM, pour le maintenir en vie.