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Loi partage de la valeur : des progrès à saluer, des limites à signaler

30 novembre 2023 | Social

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Définitivement adopté par le parlement ce 22 novembre, le projet de loi partage de la valeur transpose plusieurs dispositions issues de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet, signé par les partenaires sociaux en février 2023. L’objectif de ce texte législatif, qui reprend certaines propositions de la CFTC, est de mieux redistribuer les bénéfices en entreprise. Si son adoption est saluée par notre organisation, il faut néanmoins rappeler qu’une meilleure répartition des profits commence par une revalorisation des salaires, pour contrer l’érosion progressive du pouvoir d’achat.

Associer davantage les salariés aux performances des entreprises, pour leur permettre d’améliorer leur pouvoir d’achat. Voilà, en substance, l’objectif du projet de loi sur le partage de la valeur. Définitivement adopté le 22 novembre, ce texte transpose dans la loi plusieurs dispositions approuvées et signées par les partenaires sociaux, lors d’un accord national interprofessionnel (ANI) de février 2023.

Vers une renégociation des grilles de salaires

Parmi celles-ci, il faut en premier lieu mentionner l’obligation d’entamer des négociations visant à réviser les classifications des grilles de salaires avant le 31 décembre 2023, pour les branches qui n’ont pas procédé à cette mise à jour depuis 5 ans. La CFTC salue cet impératif d’ouverture des discussions, même si elle aurait préféré qu’une date limite soit fixée pour les conclure (certaines branches pouvant se contenter d’entamer la démarche, sans réelle volonté d’aboutir à un accord). De même, elle regrette que le texte ne définisse pas des normes régissant les écarts de salaires, au sein d’une même branche : notre organisation souhaiterait notamment que soit mis en place un dispositif permettant de légalement garantir que les écarts de rémunération entre chaque coefficient (l’indice associé au poste de chaque salarié, qui augmente en fonction de son niveau de responsabilité) soient suffisants, surtout pour les coefficients proches du SMIC. La CFTC salue en revanche l’adoption par le projet de loi du principe dit « de non substitution » : il stipule que les sommes versées au titre du partage de la valeur (via des procédés comme l’intéressement, les primes et la participation) ne peuvent en aucun cas remplacer les revalorisations de salaires.

Pour les organisations syndicales, il était fondamental de réaffirmer ce distinguo, alors que les primes de partage de la valeur ont aujourd’hui officieusement tendance à se substituer à une revalorisation salariale, au sein de trop nombreuses entreprises. La CFTC rappelle que ces primes sont moins avantageuses pour le salarié comme pour la collectivité qu’une hausse structurelle des salaires : elles sont non seulement conjoncturelles et conditionnelles, mais sont aussi exonérées de cotisations, créant ainsi des manques dans notre système de protection sociale. Si le texte réaffirme la centralité des augmentations de salaires, la Confédération regrette en revanche qu’il ne reprenne pas une proposition de l’ANI, qui affirmait une différenciation des temps de négociation : instaurer au sein des entreprises une discussion spécifiquement dédiée à l’établissement de procédés de partage de la valeur et une autre dédiée aux salaires aurait en effet permis d’éviter définitivement tout mélange des genres entre ces modalités de rémunération.

Un partage de la valeur élargi aux entreprises d’au moins 11 salariés

Par ailleurs, le texte de loi prévoit d’expérimenter pendant 5 ans l’obligation, pour les entreprises d’au moins 11 salariés, de mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur. Cette obligation imputable aux entreprises de 11 salariés et plus ne concernera en revanche que celles qui réalisent un bénéfice net fiscal positif égal à 1% de leur chiffre d’affaires, pendant 3 années consécutives. En outre, si les entreprises de plus de 50 salariés sont déjà tenues de négocier un accord de participation, il fallait que ce seuil soit constant pendant 5 ans consécutifs. Néanmoins, cette obligation de participation pouvait initialement être reportée de 3 ans, si une entreprise avait déjà mis en place un accord d’intéressement avant de franchir le seuil des 50 salariés (contrairement à la participation, qui est uniquement axée sur les bénéfices, l’intéressement est un procédé de partage de la valeur dont le versement peut dépendre d’un panel plus varié de critères de performance). Ainsi, l’une des avancées du présent texte de loi reprend une proposition de la CFTC qui supprime cette possibilité de report de 3 ans, afin de faciliter la généralisation de la participation.

Des superprofits mieux encadrés, un déblocage de l’épargne salariale facilité

Le texte prévoit également d’améliorer le partage des résultats en cas d’augmentation exceptionnelle des bénéfices, plus communément appelée « superprofits » : avant le 30 juin 2024, les entreprises de plus de 50 salariés qui ont au moins un délégué syndical et disposent d’un accord d’intéressement et de participation doivent donc définir ce qui constitue une hausse exceptionnelle de leurs bénéfices et les modalités de partage aux salariés qui en découlent. Cette mesure est saluée par la CFTC, même si elle regrette qu’aucune procédure ne soit prévue en cas d’échec des négociations, concernant la définition de ces bénéfices exceptionnels.

Enfin, si elle n’a pas été intégrée au texte de loi, une proposition de la CFTC intégrée à l’ANI visant à élargir les conditions de déblocage de l’épargne salariale devrait être adoptée ultérieurement par décret. Pour rappel, les salariés peuvent placer les sommes perçues dans le cadre de la participation ou de l’intéressement sur un plan d’épargne entreprise (PEE), où celles-ci sont exonérées d’impôts sur le revenu, à leur libération. Néanmoins, les montants placés sur ce support d’épargne sont bloqués pendant cinq ans minimum, leur déblocage anticipé n’étant autorisé qu’en cas de circonstances exceptionnelles (mariage, naissance d’un enfant, divorce…). La CFTC proposait d’élargir les critères permettant de puiser plus tôt dans cette épargne : les sommes qui y sont placées deviendront, par exemple, accessibles aux travailleurs ayant le statut de proche aidant, ainsi qu’à l’achat d’un véhicule propre.

Notre organisation se satisfait plus globalement de l’adoption de ce texte de loi, qui transpose nombre de propositions formulées dans l’ANI partage de la valeur, signé par les partenaires sociaux. Néanmoins, la CFTC insiste sur le fait que ces dispositifs de partage de la valeur ne sont pas suffisants face aux pertes de pouvoir d’achat des salariés et ne sont en aucun cas des substituts au salaire. A cet égard, elle continuera de militer pour une hausse générale des salaires, qui doit rester la modalité principale de partage des bénéfices en entreprise.

 

                                                                                                                                               AC

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