« Les procédures d’urgence ont mis du temps à venir à l’hôpital », Céline, sage-femme et militante CFTC
29 avril 2020 | Visages du syndicalisme
Céline, sage-femme, travaille en salle d’accouchement au CHU de Poitiers dans le département de la Vienne (86), assez peu impacté par le Covid-19. Si les modalités de son travail ont évolué depuis le début de la crise, Céline reste « zen » et évoque son quotidien avec bonne humeur.
Comment se passe votre travail de sage-femme en ces temps troublés ?
J’ai la chance de travailler dans une région « assez » épargnée par le Covid. Nous n’avons jusqu’à présent pas eu à accoucher de femmes Covid positives. J’espère que ça va continuer ainsi. J’observe une baisse des consultations à l’hôpital, probablement parce que les femmes ont peur d’y venir. On essaye de mener des téléconsultations et de ne garder que les cas d’urgence (quand le bébé ou la maman sont en détresse). Par conséquent, c’est aux sages-femmes libérales de prendre le relais. Elles sont « au front » : en cas de sortie précoce, comme c’est le cas en ce moment (les mamans souhaitent rentrer plus tôt chez elles), elles doivent faire une visite de contrôle au domicile de la patiente dans les vingt-quatre heures suivant la sortie. Il a d’ailleurs fallu batailler pour qu’elles puissent travailler dans de bonnes conditions : pendant longtemps, il ne leur était donné que six masques par semaine, alors que ces derniers doivent être changés toutes les quatre heures. On a finalement obtenu, grâce à la mobilisation syndicale et l’appui du conseil de l’ordre, qu’elles reçoivent 18 masques par semaine.
Est-ce la seule mise en danger que vous avez constatée ?
Le stress est bien présent parce que notre travail nous oblige à être au contact des patientes. Ainsi, les femmes en plein travail ont du mal à respirer dans le masque. Elles l’enlèvent pour être plus à l’aise. On se sent un peu en danger d’autant qu’on sait que certaines formes de la maladie peuvent être asymptomatiques.
Par ailleurs, les procédures d’urgence ont mis du temps à venir à l’hôpital. Il fallait bien prévoir les cas d’accouchements de mères Covid +. On a dû attendre dix jours, pendant lesquels on a angoissé et envisagé le pire, pour savoir quelles seraient les nouvelles modalités. Désormais, nous connaissons les différentes options : si la patiente est infectée, la sage-femme est « bloquée » dans la salle d’accouchement ; elle ne peut plus en sortir. Il faut donc prévoir des renforts pour les autres accouchements. Nous savons aussi qu’une femme infectée a plus de chances, pendant le travail, de développer une décompensation respiratoire. Il y a donc désormais en salle d’accouchement un respirateur à demeure. C’est très anxiogène de le voir posé là. Enfin, nous avons un bloc opératoire dédié aux césariennes programmées, et les césariennes en urgence doivent se dérouler dans la salle d’accouchement, ce qui ne s’est jamais fait. Il y a beaucoup d’inédit et donc beaucoup d’angoisse depuis le début de cette crise. J’ai ainsi remarqué que toutes, nous prenons une douche avant de quitter l’hôpital, une pratique assez peu répandue avant la crise.
Ressentez-vous un stress particulier chez vos patientes ?
Je les retrouve en salle d’accouchement. À ce moment-là, le Covid s’efface pour laisser place à l’instant présent, au travail, à la future naissance. À Poitiers, les papas ont la chance de pouvoir être présents ; mais ils ont interdiction de sortir de la salle. Ni pipi, ni snacking ! Ils ont aussi l’autorisation d’une visite par jour. Mais les mamans, comme je le disais tout à l’heure, souhaitent des sorties précoces, au bout de deux jours, pour retrouver le papa et une vie « normale ».
À titre personnel, comment vivez-vous cette période ?
Je suis quelqu’un d’assez zen. Alors, oui, il y a un stress supplémentaire, on se sent plus en danger que d’habitude. Oui j’ai peur de rapporter le Covid à la maison. Oui, je me lave plus les mains, même après un geste anodin sur une patiente. D’ailleurs j’ai des « mains de crocodile » (rires). Mais la vie est là. Je suis avec mes deux garçons de 12 et 14 ans, je surveille les devoirs, je jardine, peins, fais des trucs que j’avais remis à plus tard. J’ai eu la chance de ne pas travailler pendant dix jours et finalement, c’est de courir après mon fils pour le faire travailler qui me fatigue le plus (rires).