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Indemnisations prud’homales : où en est-on ?

5 février 2020 | Social

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Auparavant, un licenciement reconnu injustifié aux prud’hommes ouvrait droit des indemnisations prud’homales laissées à l’appréciation du juge. En septembre 2017, celle-ci se voit encadrée par un barème. Depuis, des juges mènent la fronde, les jurisprudences pleuvent… et obscurcissent notre vision.

indemnisations prud'homales

Tout commence en septembre 2017, tandis que l’une des «ordonnances Macron» encadre les indemnités versées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (les montants minimal et maximal varient en fonction des effectifs de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié). La CFTC avait pourtant plaidé pour un barème purement indicatif, sans être entendue. Le montant de ces indemnités est dès lors plafonné.

Des juges mènent la fronde

Or, depuis décembre 2018, des conseils de prud’hommes octroient des indemnités supérieures à ce maximum légal. Par exemple, à Amiens, Troyes, Agen, Lyon, Grenoble, Angers et Pau. Motif invoqué : le barème ne respecterait pas la convention n°158 de l’OIT (Organisation internationale du travail). Ce texte s’impose à l’État français, puisqu’il l’a signé. Que dit-il ? Que les juges « devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Ce que le plafonnement rend impossible à leurs yeux.

Pendant ce temps, les conseils de prud’hommes de Caen et du Mans jugent, eux, le barème conforme au texte international. Au vu de ces contradictions, les juridictions de Louviers et Toulouse préfèrent suspendre leurs jugements… Et demandent, le 10 avril 2019, l’avis de la Cour de cassation.

La Cour de cassation les désarme…

Celle-ci répond qu’il y a « indemnité adéquate » dès lors que le juge dispose d’une marge d’appréciation pour en fixer le montant – et, pour elle, l’écart entre le plancher et le plafond du barème correspond précisément à cette marge*.

De plus, le barème n’intervient que si la proposition de réintégration du salarié est rejetée par l’une des parties. Et il ne s’applique pas si le licenciement est considéré comme nul, notamment en cas de harcèlement, discrimination ou violation d’une liberté fondamentale. Une revendication alors exclusivement portée par la CFTC et satisfaite par le gouvernement.

… mais très partiellement !

Les conseils de prud’hommes ne sont pas tenus par les avis de la Cour de cassation. En effet, ceux-ci n’ont pas la valeur d’un arrêt rendu dans le cadre d’une affaire jugée (ainsi, un jugement prud’homal s’est de nouveau affranchi du barème, le 22 juillet à Grenoble). De plus, l’arrêt de la cour d’appel de Reims, rendu le 25 septembre, ouvre de nouvelles perspectives. Il juge le « barème Macron » conforme au droit international « in abstracto » (dans l’absolu). Mais il dit aussi que le juge peut s’affranchir du barème « in concreto ». Autrement dit, si, dans la situation donnée, l’application du barème porte « une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné ». Sans contredire la Cour de cassation, l’arrêt de Reims ouvre une « brèche » juridique…

Le bras de fer perdure

Le délibéré de la cour d’appel de Paris, longuement attendu, est finalement tombé le 30 octobre. Il ne contredit pas la Cour de cassation, pas plus qu’il ne s’engouffre dans la brèche ouverte. Alors, qu’en est-il maintenant ? En réalité, tant que la Cour de cassation n’aura pas rendu un arrêt dans le cadre d’une affaire jugée, des conseils de prud’hommes pourront s’affranchir du barème. Et des cours d’appel pourront introduire des limitations à son application.

Laurent Barberon

* Avis n° 15012 et n° 15013, le 17 juillet 2019. Dans les arguments des juges frondeurs figurait aussi l’article 24 de la Charte sociale européenne, concernant le « Droit à la protection en cas de licenciement ». Mais la Cour de cassation a estimé que celui-ci n’était pas invocable. 

Crédit photographique : Bernard Gouédard
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